Publié le 15 Feb 2012 - 11:26
Commentaire

Les ''capitulards''

L'Obélisque de Dakar n'est pas Tahrir du Caïre. La preuve par le spectacle fantôme qu'on nous a servi hier. Il n'y avait pas l'ombre de manifestants pour ''Fanaan'' (dormir) sur les lieux jusqu'au départ du Président Wade dont la candidature a été contestée. Que des flics pour demander aux quelques curieux de passer. Car il n'y avait Rien à signaler. RAS, pour utiliser un jargon bien usité dans l'Armée. C'est encore l'exception sénégalaise. Et pourtant, tout concourrait à faire de cette place un lieu de culte, pour la défense des libertés. Tahrir, c'était au mois de janvier-février 2011. Tahrir comme ''Indépendance'', traduction littérale, la Place de l'Obélisque où l'on célèbre chaque année notre indépendance a toute la charge symbolique pour porter la lutte contre un troisième mandat d'Abdoulaye Wade. Qui, lui-même a tous les traits d'un Moubarack. Au moins sur le registre de l'âge et de l'aversion qu'il porte aux libertés. Et puis quoi encore ?

 

Tahrir, c'étaient les jeunes. Or, notre pays est à grande majorité composée de jeunes. Jeunes des deux sexes, poreux aux mouvements du post-modernisme. Jeunesses urbaines de Facebook et Twitter. Jeunesses des messages Sms. Mais aussi jeunesses écartelées entre une certaine tradition et un avenir porté par le vent des libertés qui se sont exprimées en Tunisie aussi, avec une implacable beauté. On n'ira sans doute pas jusqu'en Libye puisque nous savons au moins que là, le mouvement parti de Benghazi que notre cher Président connaît si bien, a des motivations purement géopolitiques liées au contrôle de la manne pétrolière de ce pays insolemment riche en or noir. L'ancien ambassadeur de France au Sénégal, Jean-Christophe Rufin avait sans doute raison de voir un effet contagion jusqu'au Sénégal des mouvements estampillés ''Printemps arabes''. 

 

Mais ce qu'il n'avait sans doute pas pris en compte, ce sont les nombreuses soupapes sénégalaises, qui annihilent depuis les Indépendances au moins, tous les mouvements allant dans le sens d'une contestation profonde de l'ordre établi. Or, aujourd'hui, Me Abdoulaye Wade est un des gardiens de ce ''temple'', fait d'alliances avec des lobbies conservateurs comme ceux maraboutiques, plutôt intéressés à conserver leurs avantages sur terre que de protéger les véritables intérêts de la grande majorité des Sénégalais. Mais il ne faut pas se voiler la face, l'échec de la mobilisation contre la candidature de Wade est aussi le fait de politiques. Ou encore de divisions en leur sein. Macky contre Idy, Tanor contre Niasse, coalitions contre coalitions, les divergences sont si béantes qu'elles s'assimilent bien souvent à de la haine. Comment alors s'étonner que ces divisions s'immiscent dans le M23, formidable mouvement lancé spontanément par le peuple souverain avant que les politiques ne viennent l'anesthésier? Que penser des Sénégalais ? Quelle lecture avoir de l'avenir proche de ce pays ? Questions difficiles. Nous sommes un pays qui fonctionne en dents de scie. Plus porté vers l'instinct de survie que vers les changements radicaux. Mais heureusement encore, un peuple terriblement imprévisible. Rendez-vous forcé le 26 février prochain.

 

Mamoudou Wane

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