Publié le 26 Jan 2022 - 16:31
COUP D’ÉTAT AU BURKINA FASO

Confusion autour du sort du président renversé Kaboré

 

Depuis le coup d'État à Ouagadougou, le président renversé Roch Marc Christian Kaboré n'a pas réapparu et ne s'est pas exprimé en public. La situation reste confuse, même si plusieurs sources indiquent qu'il est détenu par les militaires, mais en bonne santé.

 

Beaucoup de bruits, beaucoup de rumeurs ont circulé comme souvent dans les heures qui précèdent et suivent un coup d'État. Mais aucune certitude sur le sort de Roch Marc Christian Kaboré. On sait simplement que les militaires ayant pris la parole à la télévision nationale, lundi 24 janvier au soir, ont annoncé avoir décidé de mettre fin au pouvoir du président de la République.

Selon une personnalité de son entourage, Roch Marc Christian Kaboré serait sous la garde des militaires dans un lieu non précisé, mais détenu dans de bonnes conditions, dans une villa. Il n'aurait pas le désir de sortir du pays. Dans la matinée, une source diplomatique affirmait que l'intégrité physique du président burkinabè n'avait jamais été menacée et n'était pas menacée.

« Je souhaite que ce soit ça qui soit garanti dans les prochaines heures », a de son côté déclaré le président Emmanuel Macron au micro de RFI en marge d'un déplacement en France. « Nous veillons collectivement, a-t-il poursuivi, à ce qu'il soit placé en sécurité, lui et sa famille. »

Lettre de démission pas authentifiée

Les putschistes du MPSR avaient affirmé hier que leur coup de force s'était passé « sans effusion de sang et sans aucune violence physique sur les personnes arrêtées, détenues dans un lieu sûr ». Mais les doutes subsistaient après les coups de feu entendus autour de la résidence présidentielle dans la nuit de dimanche à lundi et les images de sièges de voitures maculées de sang qui avaient circulé sur les réseaux sociaux.

L'incertitude demeure encore sur la démission de Roch Marc Christian Kaboré. La lettre manuscrite qui porte sa signature et qui a été diffusée sur la page Facebook de la Radiotélévision burkinabè n'a pas encore été authentifiée.

Rassemblement à Ouagadougou

Dans le même temps, à Ouagadougou est organisée une manifestation de soutien aux putschistes. Le rendez-vous est donné sur la place de la Nation dans le centre de la capitale où la foule continue d’arriver. Elle a répondu à l’appel du mouvement Sauvons le Burkina Faso. Pour les organisateurs de ce rassemblement, il s’agit de montrer à la communauté internationale que « nous nous assumons en tant que peuple souverain et libre ».

Déception au MPP, le parti présidentiel

Si le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), le parti de l'ex-président, avait, un peu plus tôt, lundi, évoqué une « tentative avortée d'assassinat du président Roch Marc Christian Kaboré » et déploré des destructions de biens publics, le coup d'État est un coup de massue. Il n'y a pas de réaction officielle, pour le moment, de la part du parti, mais un cadre, du MPP, Lassina Ouattara, dit sa déception.

« C’est quand même un coup de massue pour le militant que je suis et pour notre parti, pour les démocrates que nous sommes, c’est un coup de massue. On vient quand même de perdre le pouvoir, ce n’est pas tout sourire, ce n’est pas de toute gaieté. C’est un coup d’arrêt aux institutions démocratiques de la République que nous constatons comme tout le monde. Donc, c’est quelque chose qui est douloureux. Dire aussi que nous ne l’avons pas vu venir, c’est faire quand même preuve de myopie politique, parce que quand même, il y avait des signes annonciateurs, il y avait vraiment du remous dans la société suite à tout ce que le Burkina connaît depuis la survenue du terrorisme dans notre pays. En tout cas, on a toujours frôlé vraiment des mouvements populaires’’, déclare Lassina Ouattara, cadre du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), le parti de l'ex-président.

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EMMANUEL MACRON, PRESIDENT FRANCAIS

‘’Notre priorité, c’est l’intégrité physique du président Kaboré’’

Le président français a réagi, ce mardi 25 janvier 2022, à la situation au Burkina Faso au micro de RFI. Une déclaration qui intervient au lendemain du coup d'État à Ouagadougou où des militaires ont annoncé avoir mis fin aux fonctions du chef de l'État, Roch Marc Christian Kaboré.

Quelle est votre réaction après les événements de ce lundi au Burkina Faso ?

La France comme vous le savez est présente dans la région pour lutter contre le terrorisme. Et de manière constante, je suis attaché à être aux côtés des instances régionales. La Cédéao a condamné dès hier ce nouveau coup d’État, en effet, mené par des militaires. Et le président Kaboré ayant été démocratiquement élu par son peuple à deux reprises, la France soutient la position de la Cédéao. Notre priorité est évidement que d’abord, son intégrité physique soit préservée et que le calme puisse être maintenu. Il est aujourd’hui trop tôt pour rentrer plus en détail, si je puis dire, dans la caractérisation de la situation au Burkina Faso. Et il est clair que cette situation demeure préoccupante compte-tenu de ce qui s’est passé depuis l’été 2020 au Mali, de ce qui s’est passé ces derniers mois en Guinée. Et je pense que la région doit être appuyée dans sa volonté de maintenir des transitions civiles et des élections démocratiques.

À côté de cela, je veux ici rappeler que notre priorité dans la région est évidemment de continuer de lutter contre le terrorisme islamiste qui continue à faire des ravages au Mali, mais également au Burkina Faso qui a été l’objet de nombreuses attaques terroristes ces derniers temps. D’ailleurs, quand on regarde les revendications, les motivations des putschistes, il est clair que la situation sécuritaire et les coups qui ont été portés à la fois à l’armée et à la population civile par ces groupes terroristes est un déterminant de cette rébellion. Donc, notre volonté est en lien étroit avec la Cédéao d’une part, mais l’ensemble des États partie prenante, ce qu’on a appelé l’Initiative d’Accra, de lutter contre toutes les formes de terrorisme dans la région, et d’être aux côtés des États et des populations.

Vous craignez qu’il y ait d’autres pays qui subissent ce qu’on appelle des coups de force populaires ?

Il ne faut pas sous-estimer la fatigue et l’épuisement que créent des attaques permanentes de groupes terroristes qui viennent affaiblir les forces armées d’une part et qui viennent aussi profondément fragiliser le lien avec la population et les institutions légitimes. Donc, c’est aussi pour cela que si nous voulons lutter pour l’éducation, l’émancipation économique, la stabilité dans ces pays démocratiquement élus et pour la souveraineté des États, il est important de continuer d’intensifier la lutte contre le terrorisme.

Concernant le président Kaboré, avez-vous des informations sur sa situation ?

Je n’ai pas plus d’informations que celles qui ont été transmises. Il m’a été confirmé hier soir qu’il était en bonne santé et qu’il n’était pas menacé. Je souhaite que ce soit vraiment ça qui soit garanti officiellement dans les prochaines heures et que nous veillons collectivement à ce qu’il soit placé en sécurité lui et sa famille.

une foule célèbre les putschistes à Ouagadougou

Rassemblement de soutien aux putschistes, à Ouagadougou, le 25 janvier 2022 au lendemain du coup d'État au Burkina Faso qui a renversé le président Roch Marc Christian Kaboré. AFP - OLYMPIA DE MAISMONT

Ce mardi toute la journée, les partisans de la nouvelle junte au pouvoir au Burkina Faso se sont rassemblés à Ouagadougou sur la place de la Nation, à l’appel notamment du mouvement « Sauvons le Burkina » pour célébrer le coup d'État.

La place de la Nation était ce mardi le point de ralliement de tous ceux qui reprochaient quelque chose à l’ancien pouvoir incarné par l’ex-président, Roch Marc Christian Kaboré. Plusieurs responsables d’associations sont montés sur le podium pour haranguer la foule présente.

En milieu d’après-midi le mouvement « Sauvons le Burkina », organisateur du rassemblement et soutien des pustchistes, était en conférence de presse. Sa coordinatrice Anaïs Drabo se refuse de parler de coup d’État.

« On a tout braqué, on nous a suivis. Vous voulez qu'on fasse comment ? On va lutter pour nos enfants, affirme-t-elle. Ce qu'on ne nous dit pas, c'est quand les terroristes viennent, on décapite et on démembre les gens. Ça, la population ne le sait pas. Oui, je vous le dis, je suis dans la joie parce que je ne pense pas que ce qui s'est passé est un coup d'État. Je parle d'une libération. »

L’ambiance de fête a duré toute la journée. En début de soirée, ils sont rentrés dans le calme, pas un seul militaire dans la rue pendant que la junte annonce la réouverture des frontières aériennes.

RFI

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