Publié le 24 May 2022 - 22:24
DETTE DE 15 MILLIARDS PAR L’ÉTAT DU SÉNÉGAL

Les meuniers, au bord du gouffre, interpellent Macky Sall

 

L’Association des meuniers industriels du Sénégal (Amis) court derrière une ardoise de 14,98 milliards F CFA que l’État lui doit. Ses membres ont interpellé le président de la République, pour rentrer de leurs fonds, afin d’éviter de fermer boutique ou d’augmenter le prix du pain.

 

Les meuniers industriels avaient, le 14 septembre dernier, alerté l’État, les acteurs de la filière et les consommateurs sur la situation résultant des cours mondiaux du blé, des fluctuations du dollar et du fret maritime. L’arrêt volontaire de production de farine intervenu le 2 novembre 2021, procédait de l’impossibilité, pour les meuniers industriels, de continuer de vendre à perte sous le diktat d’un prix homologué en dessous des coûts de revient. Il aura fallu, suite à l’intervention du Comité national du patronat, des engagements et assurances de l’État, à travers le ministre des Finances et du Budget, pour une reprise d’activité des unités de production et de livraison de farine, le jeudi 11 novembre 2021.

Hier, lors d’un point de presse, le président de l’Association des meuniers industriels du Sénégal (Amis) a confié qu’il était convenu, avant l’entrée du nouveau prix homologué à 19 200 F CFA le sac de farine, que la différence soit compensée par l’État jusqu’au 21 décembre 2021 marquant la publication du nouvel arrêté sur le prix de la farine.

Cette dette correspond, à ce jour, selon Claude Demba Diop, à 4,007 milliards F CFA. Ils sont en attente du paiement de cette dette qui devrait leur permettre de résorber les difficultés qui se sont accentuées sur le marché mondial des céréales.

Actuellement, poursuit-il, ces dispositifs de subvention du pouvoir d’achat, voulu par l’État, ont généré une dette de 10,97 milliards F CFA au profit des meuniers industriels. Soit, au total, 14,98 milliards F CFA. ‘’Il était convenu, avant l’entrée du nouveau prix homologué à 19 200 F CFA, que la différence soit compensée par l’État jusqu’au 21 décembre 2021, marquant la publication du nouvel arrêté sur le prix de la farine. Cette dette correspond, à ce jour, à 4,007 milliards F CFA). Depuis l’éclatement du conflit armé russo-ukrainienne en mars 2022, les coûts de référence du blé (325 euros la tonne) ayant permis la fixation du prix de la farine à 19 200 F CFA le sac de 50 kg sont devenus obsolètes. Personne ne pouvant nier la flambée des prix du blé, l’État avait pris l’engagement de compenser dans la limite de 180 000 tonnes le surcoût supporté par les meuniers industriels à compter du 1er mars. Il s’agissait alors de répondre à une préoccupation partagée de stabiliser le prix du pain pour nos concitoyens sur une première période d’observation de trois mois. Cet engagement de prime à l’importation reposait sur une compensation du prix compris entre 325 à 500 euros la tonne et faisait partie du plan de soutien de quatre produits de première nécessité pour la population sénégalaise : riz, sucre, huile et blé’’, a indiqué M. Diop.

Selon lui, il est à présent urgent que la dette des meuniers soit payée et que des solutions durables soient apportées à la crise qui perturbe la filière. Au moment où les coûts du blé ont dépassé les 500 euros la tonne, il est illusoire de poursuivre une approche de subvention qui, dans son mécanisme de dette publique, accélère le péril des industries locales. ‘’Si nous n’y prenons pas garde et si les engagements de paiement ne sont pas respectés, des industriels sénégalais seront dans l’incapacité financière de s’approvisionner dans un marché des céréales très capricieux. La baisse inéluctable des niveaux de production va créer une rareté de la farine qui va alimenter une spéculation et une montée des prix dans la distribution que personne ne pourra maitriser.

Dans tous les pays de la sous-région et du monde, les gouvernants ont réagi en appliquant la vérité des prix. Si l’État du Sénégal fait le choix de la subvention à l’importation, il est impératif d’apporter les ressources financières permettant d’approvisionner le pays. A défaut, la cessation d’approvisionnement en blé risque de provoquer l’arrêt des unités de production. Il y va du sauvetage de l’industrie meunière, mais, au-delà, de la filière tout entière. Par ce procédé, nous assurerons à nos concitoyens et partenaires un accès continu à la farine qui reste un produit de première nécessité et une production vitale pour tous. Nous éviterons la baisse de production et la pénurie dans les prochaines semaines, au regard des difficultés d’approvisionnement en blé. Nous pourrons éviter la spéculation à laquelle les boulangers pourraient être confrontés avec un prix dérégulé par les réalités du marché local. Les meuniers industriels constatent que le principe de la prime à l’importation du blé, qui exprime la volonté de l’État de soutenir les populations, a atteint ses limites et sont dans une forte attente de sauvetage durable de la filière’’, a dit le président de l’Amis qui compte en son sein sept industries meunières.

‘’S’il décide de cultiver le blé, nous serons ses premiers clients’’

Par ailleurs, les meuniers se disent prêts à acheter le blé, s’il est cultivé au Sénégal. Mais la question de le cultiver personnellement n’est pas à l’ordre du jour. Même s’ils reconnaissent que des études, réflexions et études dans ce sens ont lieu. ‘’Nous prenons l’engagement d’acheter du blé, si c’est cultivé chez nous. Concernant, nous du secteur, de le cultiver, il faudra auparavant qu’il y ait une organisation. On doit organiser ce secteur. Nous avons eu des rencontres, des réflexions poussées dans ce sens, mais rien de concret pour l’instant. Nous sommes prêts à accompagner aussi l’État dans ce cadre. S’il décide de cultiver le blé, nous serons ses premiers clients’’, a promis M. Diop.

 CHEIKH THIAM

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