Publié le 25 Sep 2020 - 16:41
ERECTION DU MEMORIAL DES VICTIMES DU BATEAU “LE JOOLA”

La longue attente

 

 
Il y a quatre ans, alors que l’Association nationale des familles des victimes croyait mordicus que le projet d’érection du mémorial des victimes du naufrage allait, enfin, voir le jour, le processus connut un retard énorme, avec le départ de Mbagnick Ndiaye du ministère de la Culture.
 
 
 
Au lendemain du naufrage du bateau “Le Joola”, les familles des victimes avaient, parmi un chapelet de doléances, posé la question de l’érection d’un mémorial-musée. Plus qu’une doléance, cette question, au fil des ans, est devenue une revendication centrale qui, 18 ans après la catastrophe maritime, demeure insatisfaite. Selon l’association des familles des victimes, le renflouement du bateau, une autre doléance, devait être accompagné d’un projet de réalisation d’un mémorial sanctuaire à Kafountine.
 
Au départ, le projet consistait à tirer l’épave jusqu’à 500 m de la côte de Kafountine pour y dresser un sanctuaire marin, après avoir vidé le contenu dans une fosse commune qui devait servir  “de socle” sur lequel devait être érigé un mémorial portant les prénoms et noms de toutes les victimes. Ce mémorial, de l’avis des familles des victimes, servirait de lieu de pèlerinage et de prière, et contribuerait à l’accompagnement psychosocial des rescapés et des parents des victimes.
 
Le 12 août 2006, cette question avait même fait l’objet d’une rencontre à Bruxelles (Belgique), entre les familles des victimes françaises, belges et hollandaises, et Louis Michel, en charge, à l’époque, du Commissariat européen au développement et à l’aide humanitaire. Lors de cette rencontre, Louis Michel avait manifesté toute sa disposition à aider le Sénégal à renflouer le bateau, mais que cela ne pouvait se réaliser qu’avec l’accord du président Abdoulaye Wade qui a été, à cet effet, saisi de la question. Cette proposition n’a pas eu les effets escomptés.
 
C’est en début mai 2016 que le processus de réalisation du mémorial a été lancé à Ziguinchor. C’était lors d’un comité régional de développement (CRD) présidé par l’ancien ministre de la Culture Mbagnick Ndiaye. Rencontre à l’occasion de laquelle la maquette du mémorial a été présentée aux autorités et aux familles des victimes.
 
“Le processus de réalisation du mémorial bateau ‘Le Joola’ ne doit pas être entaché, ni par un déficit de concertation ni par des attitudes de suspicion ou de défiance dans le partage d’informations”, avait déclaré Mbagnick Ndiaye. Le mémorial devait être érigé aux abords du fleuve Casamance, sur un site de 2 ha mis à disposition par la mairie de Ziguinchor, près du quai de pêche. Il devait être construit sur 1 800 m², un chiffre qui renvoie au nombre estimé des victimes du naufrage, avait informé Seynabou Diouf Ndiaye, l’architecte qui a réalisé la maquette. Le projet étant ‘’évolutif’’, aucune date pour le démarrage du projet, ni son coût n’avaient été arrêtés, selon le ministre Mbagnick Ndiaye.
 
Le 21 septembre 2017, un peu plus d’un an après la présentation de la maquette, feu Moussa Cissokho, ex-Président de l’Association nationale des familles des victimes du ‘’Joola’’, déclarait, dans une interview accordée à ‘’EnQuête’’, que le processus se poursuivait. “Pratiquement, nous recevons presque chaque mois, voire deux une délégation du ministère de la Culture (la commission en charge de ce projet). Nous sommes à la phase terminale. L’appel d’offres a été lancé. C’est Eiffage qui a gagné le marché qui avoisine 10 milliards de francs CFA. Nous nous acheminons vers la pose de la 1re pierre. Nous sommes très rassurés, parce que le dossier avance. L’Etat a consenti des efforts extraordinaires, par le biais du ministre de la Culture Mbagnick Ndiaye, que nous saluons et remercions au passage par rapport à son engagement, sa détermination à réaliser ce projet cher aux familles des victimes. Il est vrai qu’aujourd’hui, il n’est plus ministre de la Culture”.
 
Le premier site choisi pour la construction du mémorial est changé en 2018. Finalement, c’est la place qui jouxte la gare maritime de Ziguinchor qui va être choisie, d’un commun accord. “Très sincèrement, nous allons, en droite ligne, vers la construction de ce musée. En relation avec le ministère de la Culture, nous avons convenu que le mois de décembre 2018 serait mieux approprié pour la pose de la première pierre. Parce que le terrassement n'est pas fini. L'ancienne usine Sosechal (unité de transformation de produits halieutiques) fait partie du périmètre du site. Il faut attendre que le décret d'expropriation soit signé pour faire le terrassement à ce niveau”, avait rassuré feu Moussa Cissokho, décédé le 13 septembre 2019 à Ziguinchor.
 
A la veille de la commémoration du 18e anniversaire de cette catastrophe maritime, le projet tarde toujours à voir le jour. L’espoir est quand même permis. Le président de la République, lors du Conseil des ministres de cette semaine, a instruit le ministre de la Culture de réaliser cet édifice.
 
Cette année, à cause de la crise sanitaire, la commémoration de cette catastrophe sera marquée du sceau de la sobriété et du recueillement.
 
HUBERT SAGNA (ZIGUINCHOR)

 

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