Publié le 27 Dec 2014 - 02:45
EVOLUTION DU CONFLIT EN CASAMANCE

Depuis l’éclatement du conflit en décembre 1982, quatre étapes principales se distinguent.

 

La première, part de décembre 1982 jusqu’au premier accord de cessez-le-feu intervenu en mai 1991 à Cacheu en Guinée-Bissau. Après l’attaque de décembre 1983, une accalmie s’est installée. Un round d’observation caractérisé par une préparation tactique et stratégique du bras armé du MFDC dans le proche voisinage, notamment des pays frontaliers comme la Guinée-Bissau et la Gambie.

Des armes ont été convoyées de ces pays vers la Casamance avec la complicité plus ou moins directe des autorités locales. Cette étape s’est ensuite poursuivie par une montée de la violence faite d’attaques entre les éléments du MFDC et ceux de l’armée sénégalaise. L’intervention et la médiation de bonnes volontés conduiront au premier cessez-le-feu, négocié et accepté à Toubacouta. Il sera officiellement signé à Cacheu le 31 mai 1991.

La seconde étape part de mai 1991 jusqu’à l’ouverture ratée des négociations du 8 avril 1996. La période est moins violente et fédère plusieurs bonnes volontés autour de la recherche de paix. Cette période marque une profonde mésentente au sein du MFDC, opposant les souteneurs du chef de guerre Sidy Badji aux partisans de l’Abbé Diamacoune, incarnation du nouveau MFDC. Dans les rangs de ce dernier, on compte d’anciens détenus et plusieurs cadres de l’aile extérieure ; un groupe qui incarnait la direction politique du mouvement. Il faut préciser qu’à l’époque, l’Abbé Diamacoune n’était pas encore entré dans le maquis. La méfiance entre les deux groupes fait l’objet en 1992 d’une tentative de réconciliation avec l’élection d’un nouveau bureau à Cacheu avec l’Abbé Diamacoune comme président, la réalité du pouvoir de décision revenant au camp de Sidy Badji.

A son retour, l’Abbé Diamacoune est entré dans le «maquis» pour pouvoir renforcer son autorité en s’octroyant une base combattante. Les partisans de l’Abbé reprirent les combats contre l’armée sénégalaise tout en combattant en interne. Il en sera ainsi jusqu’en 1993 coïncidant avec le retour du «maquis» de  l’Abbé qui décréta un nouvel accord de cessez-le-feu. Ce deuxième cessez-le-feu qui n’a pas produit des effets probants, pousse le gouvernement sénégalais à mettre sur place, le 1er septembre 1995, une Commission nationale de gestion de la paix en Casamance (CNGPC) en vue de l’ouverture de négociations franches.

Favorable aux exigences préalables de l’Abbé Diamacoune, le gouvernement sénégalais libère des prisonniers maquisards, notamment les femmes, les jeunes et les vieux qui furent même reconduits jusque dans leurs villages respectifs. Le 3 décembre 1995, l’Abbé décrète à nouveau un cessez-le-feu par appel télévisé. Il proposa au gouvernement sénégalais un calendrier qui devrait mener à l’ouverture des négociations, le 8 avril 1996 à Ziguinchor.

La troisième étape est constituée d’une période évoluant en dents de scie qui démarre en avril 1996 et se poursuit à nos jours. L’avortement du calendrier qui devait conduire à la rencontre du 8 avril 1996 a fait ressurgir une montée de violence en Casamance. La violence des combats rappelle celle de la première étape du conflit. C’est ainsi que l’attaque de Médina Mancagne survint en 1997, l’armée sénégalaise subit sa plus lourde perte depuis le début du conflit avec 25 éléments tués. La riposte fait encore couler le sang. Pour ne rien arranger, les mines anti-personnelles font leur apparition en Casamance. Tuant ou handicapant à jamais.

Quatrième étape. À partir du 22 janvier 1999, le processus de règlement du conflit prend une nouvelle tournure. Pour  la première fois depuis le début de la crise en 1982, le président Abdou Diouf rencontre Diamacoune à la gouvernance de Ziguinchor en présence de l’ambassadeur de France André Lewin. Si Banjul I, II puis III (entre juin et décembre1999) ont permis au MFDC de laver « le linge sale en famille » et de parfaire son unité dans la perspective des négociations avec le gouvernement du Sénégal, il faut souligner, avec force, que « Foundiougne 1 » en 2OO5 et la mort de l’Abbé Diamacoune Senghor en France ont profondément divisé le MFDC et stopper net le processus de paix. Lequel a été relancé le 24 décembre 2004 par le président Abdoulaye Wade à la Gouvernance de Ziguinchor.

Wade qui avait promis de résoudre le conflit en 100 jours s’est vu empêtrer dans un tourbillon aussi complexe que mystique. Oui ! Ce conflit renferme en son sein une bonne dose de mystique. Depuis, les colombes de la paix, comme atteintes de politique de « corruption active » et de « pourrissement de la situation » peinent à prendre leur envol. L’avènement des ‘’Messieurs Casamance’’ en constitue la parfaite illustration. Toutefois, avec les efforts fournis depuis la « 3ème alternance » par le Groupe de Réflexion pour la Paix en Casamance  (GRPC) présidé par Robert Sagna, ancien Maire de Ziguinchor, « pour donner à la recherche de la paix un souffle nouveau », l’on a droit, enfin, à s’attendre à un retour imminent de la paix.

Aujourd’hui, la négociation internationale semble être privilégiée par l’Etat du Sénégal qui a fait appel à l’expertise de l’ONG catholique Sant’Egidio dans les négociations avec le MFDC. Le chef rebelle Salif Sadio s’est dit favorable à ces négociations. En plus, des tractations se mènent présentement au sein du maquis mais également dans l’aile civile comme politique du MFDC. Des tractations en perspective de la tenue prochaine des assises inter-MFDC avant l’organisation des négociations de paix définitive avec le gouvernement du Sénégal.

Conséquences socio-économiques du conflit

Le conflit en Casamance a engendré des conséquences néfastes sur la vie socio-économique des populations. Plusieurs infrastructures sociales ont été détruites surtout dans les zones frontalières entre la Gambie et la Guinée-Bissau. On constate souvent l’absence d’écoles et de structures de santé dans ces localités où l’on note parfois une absence de l’Etat sénégalais comme c’est le cas dans la zone des palmiers située au nord de la commune de Diouloulou.

A cause de l’insécurité qui sévit dans la zone depuis plus de 30 ans, la circulation des personnes et des biens a été réduite et plusieurs villages rayés de la carte comme c’est le cas des villages de Badème, Sanquéré, Bouhouyou, Mahamouda, Bougnack, Kassou Sénégal, Kourin. Les populations se sont retrouvées massivement en Gambie et en Guinée-Bissau, y cherchant refuge. ‘’Beaucoup de gens ne peuvent pas aller dans les champs ou dans les anciens villages récolter les produits de leurs vergers’, témoignent plusieurs villageois de la région. Selon les données enregistrées par la Croix-Rouge bissau-guinéenne, la Ville de Cacheu a reçu 196 familles déplacées, dont 351 femmes, 294 hommes, 216 garçons et 173 filles. Le Tourisme, jadis florissant, se limite présentement aux environs de Cap Skiring. Les activités agricoles et commerciales ont été fort touchées.

 Le conflit a eu des conséquences particulièrement fâcheuses sur les femmes. En effet, 60 des 80 % d’activités agricoles rurales sont menées par les femmes qui se retrouvent obligées de traverser des zones minées. Un danger qui plombe les activités agricoles. Un document de handicap international daté de novembre 2000 indique : ‘’De 1997 à 1999, sur 433 personnes victimes des mines anti-personnelles et antichar, 104 sont des femmes. Toutefois, les femmes, suite à ces blessures, décèdent deux fois plus que les hommes’’.

Le conflit en Casamance expose également les femmes à des violences sexuelles et corporelles et autres actes de banditisme.  

Le prolongement du conflit impacte négativement dans la vie des populations en augmentant la pauvreté, la détérioration des conditions de santé publique et de l’environnement. Une situation qui favorise le trafic d’armes, de drogue et des activités de banditisme. 

AMADOU NDIAYE ET HUBERT SAGNA (CORRESPONDANT, ZIGUINCHOR)

 

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