Publié le 21 Dec 2020 - 18:48
GOUVERNANCE

Aliou Sall théorise la suppression de la ville de Dakar 

 

Le président de l’Association des maires du Sénégal fait partie des partisans de la suppression de la ville de Dakar. Aliou Sall a défendu hier cette position.  

 

Le président de l’Association des maires du Sénégal (AMS) n’est pas contre la suppression annoncée de certaines villes du Sénégal dont Dakar. Aliou Sall refuse d’ailleurs de lier les motivations de cette réforme à une affaire politique. Contrairement à ceux qui pensent que cette décision vise l’ancien maire de Dakar et sa coalition, le frère du président de la République estime, lui, qu’il faut plutôt se projeter sur la réalité.

Le maire de Guédiawaye rappelle, à cet effet, qu’un maire de Dakar n’est jamais devenu président de la République. Par conséquent, il s’étonne de voir Khalifa Sall être considéré comme une menace pour le régime. ‘’Mamadou Diop n’a pas constitué cette menace, Pape Diop, tout-puissant maire également de Dakar, a toujours été dans l’opposition ; cela n’a jamais empêché le président de la République, qu’il soit Abdou Diouf, Abdoulaye Wade ou Macky Sall, de gouverner sereinement. Cela ne pose pas problème, d’autant plus que les dernières élections présidentielles et avant, notre coalition a gagné Dakar. Pourquoi on veut considérer que Dakar est perdue par notre coalition ? C’est un faux argument’’, a déclaré le président de l’AMS lors de l’émission ‘’Grand Jury’’ de la RFM.  

Ainsi, aux yeux du maire de Guédiawaye, il n’y a aucun enjeu politique dans cette suppression de la ville de Dakar. Ce d’autant plus que, fait-il remarquer, si on remplace la notion de ville par la notion de département, il y aura toujours un exécutif local. ‘’Celui qui va gagner, s’il est de l’opposition, il va être président de Dakar. C’est même beaucoup plus proche du président de la République. Je ne vois pas pourquoi on met de la passion dans ce débat qui n’est pas un débat politique, mais plutôt technique, permettant d’analyser réellement ce que l’évolution institutionnelle peut donner aux populations’’, argue M. Sall.   

Dans l’émission dominicale de la RFM, Aliou Sall a tenté de convaincre, par des arguments, sur les avantages de ces suppressions annoncées. Monsieur Sall relève, à cet effet, un certain nombre d’incohérences dans la gestion de la ville et de la commune. ‘’Je suis maire de ville ; j’ai du mal et mes collègues maires de commune également, à délimiter de façon nette la frontière de compétences entre la commune et la ville’’, laisse entendre l’édile de Guédiawaye.  

Prenant en exemple la question du foncier, le frère du président renseigne qu’aussi bien la ville que la commune ont compétence à se prononcer en matière de plan d’aménagement, de lotissement… Ce qui crée forcément des soucis. ‘’On dit que la commune a la compétence d’aménager des cimetières ; la ville a aussi compétence de créer des rues, de fermer des rues, d’agrandir des rues, de même que la commune sur le même territoire. Cela pose problème et il y a d’autres aspects qui sont des aspects économiques, financiers’’, fait-il remarquer.

En outre, indique Aliou Sall dans le code, parmi les obligations de la commune, il y a la nécessité de contribuer au budget de la ville pour lui demander de prendre en charge un certain nombre de compétences qui sont difficilement exécutables efficacement à l’échelle d’une commune. Dans les faits, regrette-t-il, il n’y a pas eu d’efforts de mutualisation au niveau des communes. Il y a beaucoup d’incohérences, non seulement entre les villes et les communes, et même entre les villes elles-mêmes, en termes de ressources.  

‘’Aujourd’hui, on a du mal à avoir une répartition équitable des ressources (…). Je veux qu’on pose ce débat : à quoi sert une ville ? A quoi sert un département ? A quoi sert une commune ? Aujourd’hui, malheureusement, la ville a un statut de commune ; la ville est ville et peut être département, dans les cas de Dakar, Pikine Guédiawaye où les limites de la ville coïncident avec le département. Qu’est-ce qui peut arriver, si nous réformons ? D’abord, on enlève à la ville toutes les compétences qu’elles partagent avec la commune. On ne peut pas avoir deux entités sur le même territoire. Si on enlève les compétences de la ville qu’elle partage avec la commune et qu’on les transfère définitivement à la commune, il restera à la ville que les compétences du département’’, explique Aliou Sall.

A ses yeux, cette façon de s’agripper sur le concept de maire ou de ville est plus de la passion que de la raison. D’ailleurs, révèle-t-il, si la réforme est exécutée, le Sénégal ne sera pas seul à avoir une capitale qui ne s’appelle pas ville. Ailleurs, poursuit-il, à Abidjan, au Cameroun et dans d’autres pays européens, les capitales peuvent s’appeler région, capitale ou district, ou région simplement et donc, c’est une question d’appellation. ‘’Du point de vue géographique et urbain, c’est où Dakar ? Il faut qu’on revienne à cette réalité physique que vivent les gens. La ville de Dakar va du Cap Manuel à Diamniadio et cette entité-là, comment on va la gouverner ? Je pense que ça ne peut pas être gouverné à l’échelle d’une ville. On devrait pouvoir aller vers une mutualisation, une intercommunalité. Et d’ailleurs, il est prévu de mettre en place des pôles territoires et je crois que c’est l’occasion, aujourd’hui, de faire évoluer l’agglomération de Dakar vers un pôle territoire’’, pense-t-il.  

Pour Aliou Sall, on parle de la suppression de la ville de Dakar, comme s’il s’agissait de prendre ‘’des bulldozers, raser l’hôtel de ville et ses services’’. C’est un débat qui est devenu, selon lui, trop passionné.

Il est d’avis, cependant, qu’il y a un moyen de débattre sereinement et de poser toutes les questions qu’il faut, dans le calme et la sérénité, afin d’arriver à une réforme de la ville.  

HABIBATOU TRAORE 

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