Publié le 4 Jun 2015 - 12:08
HYPERTENSION ARTERIELLE

Le destructeur des organes

 

L’hypertension artérielle, surnommée le tueur silencieux par les spécialistes, prend des proportions alarmantes. On estime à 1 milliard les personnes touchées à travers le monde. Ce taux inspire aussi inquiétudes au Sénégal, puisqu’il tourne autour de 25%. Cette maladie déroule son tapis de complications en affectant les organes nobles que sont le cœur, le cerveau et les reins, si elle n’est pas prise en charge très tôt. Docteur Mbaye Paye Cardiologue explique les raisons de l’augmentation de la prévalence et ses dangers et donne des conseils pour sa prise en charge.

 

Céphalées, maux de tête le matin, à la nuque, bourdonnement d’oreilles, flou visuel, sensation de mouches volant devant les yeux : attention à l’Hypertension Artérielle (HTA) ! Cette maladie qui se manifeste chez d’autres personnes par des dyspnées, c'est-à-dire un essoufflement quand vous marchez, des palpitations ou  saignement du nez, peut être asymptomatique. Au Sénégal, on ne connaît pas la prévalence réelle à cause d’une absence d’enquête épidémiologique d’envergure. Mais la prévalence tourne autour de 20 à 25%.

 Très connue par la population sénégalaise, l’HTA communément appelée ‘’tension’’ est en nette progression. Beaucoup de personnes sont hypertendues sans le savoir. Ce à cause de son caractère asymptomatique. Cette maladie traduit l’augmentation de la pression du sang dans les artères. Sa meilleure connaissance nécessite de comprendre le mode de fonctionnement du cœur et des artères qui sont des tuyaux connectés au cœur, explique le Docteur Mbaye Paye cardiologue au centre de santé de Hann Bel Air. ‘’La tension artérielle est déclinée en deux chiffres. Celui du haut renvoie à la pression systolique (contraction du cœur) ou maxima, tandis que le chiffre situé en bas est la pression diastolique (repos du cœur) ou minima. Et on est hypertendu lorsque la systole et la diastole dépassent la norme : c’est quand la systole atteint 140 millimètres de mercure ou 14.9 comme on le dit habituellement et que la diastole est à 90 millimètres de mercure chez le sujet âgés de 18 à 60 ans. Chez les diabétiques et ceux qui ont des maladies rénales, c’est 13.8’’, a expliqué Dr Paye.

Mais, poursuit-il, récemment, des Américains ont encore changé la classification en soutenant que chez les sujets de plus de 60 ans, qui n’ont pas de diabète ni aucune maladie, ce n’est plus 14.9 mais c’est 15.9. L’HTA va accélérer la détérioration des artères. Il peut y avoir une rupture des artères, ou elles se bouchent. ‘’On peut avoir, de façon progressive, une altération de l’artère qui s’épaissit et s’accule du cholestérol, des dépôts de calcaire et l’artère se bouche ; c’est ce qu’on appelle l’athérosclérose. Cette dernière a comme facteur de risque un certain nombre d’éléments comme l’Hypertension artérielle, le diabète’’, a-t-il soutenu.

AVC, insuffisance rénale, maladies cardiovasculaires,

 Selon le docteur Mbaye Paye, l’hypertension est grave par ses complications. Il est prouvé que si vous ne prenez pas vos médicaments, vous êtes exposé aux complications cérébrales. D’abord, un AVC hémorragique. Il y a plus de 90% de mortalité, si vous avez un AVC hémorragique au scanner ou URM ; c’est la mort assurée ; c’est un vaisseau qui saigne. Il y a aussi l’AVC isquimique.

 L’isquimie, c’est un vaisseau qui ne saigne pas mais qui est bouché par le cholestérol ou un thrombus et constitue 80 % des AVC ; les hémorragiques, c’est 20%. Les malades ont en général des AVC isquimiques qui se manifestent le plus souvent par l’aphasie (ils ne peuvent plus parler et la bouche est déviée d’un côté, ou ils ne peuvent plus lever le bras ou le pied). Et le traitement est coûteux. ‘’Les médicaments coûtent entre deux mille et 20 mille Fcfa ; et si le malade a un AVC isquimique, il faut mettre un anti cholestérol et ça coûte plus cher. Je parle d’AVC isquimique et hémorragique, donc le cerveau. Après le cerveau, c’est le cœur (l’insuffisance cardiaque). Parce que le cœur lutte contre l’obstacle artériel, et à la longue, il s’essouffle, devient insuffisant, le malade a des œdèmes. Il s’essouffle ; il y a de l’eau parfois dans les poumons. Et l’insuffisance cardiaque le plus grave, c’est quand l’HTA attaque les coronaires, il les bouche. Après cela, il y a l’insuffisance rénale (dialyse qui est à vie). C’est pourquoi on dit aux malades de prendre leurs médicaments, c’est pour leur éviter les complications’’, explique le Dr Paye.

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Un tueur silencieux

L’hypertension est grave par ses complications et le traitement est à vie. Certains l’assimilent même à un tueur silencieux. D’où la nécessité, selon les spécialistes de la maladie, de respecter un certain nombre de mesures hygiéno-diététiques.

L’hypertension artérielle est une maladie en constante évolution. Les projections de l’OMS pour les années à venir sont alarmantes en ce qui concerne d’une manière générale les maladies chroniques, c'est-à-dire le diabète et autres. L’OMS dit que dans le monde, il y a 1 milliard d’hypertendus et chaque année, ça augmente. Il prévoit en 2030, si rien n’est fait, 1 milliard 200 millions d’hypertendus.

Au Sénégal, on ne connaît pas la prévalence réelle. On n’a pas d’enquête épidémiologique d’envergure. Mais selon le  Docteur Mbaye Paye, la prévalence tourne autour de 20 à 25%. ‘’Le professeur Abdoul Kane avait fait une étude à Saint-Louis. Il a trouvé 46% d’hypertendus dans la région alors que les chiffres disent 20 à 25%, donc  c’est en nette progression’’, a-t-il précisé.

C’est une maladie silencieuse, parce qu’elle est longtemps négligée et ne se manifeste que par des complications cérébrales, cardiaques, rénales. ‘’C’est un tueur silencieux et maintenant, si on ne fait pas de la prévention dans les années à venir, surtout dans les pays en développement, ça risque de dégénérer. Parce que nous avons des problèmes pour prendre en charge les complications de l’hypertension artérielle. Ce qu’il nous faut, c’est un programme national, régional, départemental et même communautaire des maladies chroniques. Parce que souvent, les hypertendus ont le diabète et d’autres maladies. Donc on ne peut pas prendre en charge l’hypertension artérielle seule. C’est un syndrome poli métabolique ; on les prend ensemble’’, estiment les spécialistes de la maladie.

Des milliers de Sénégalais sont hypertendus, mais ne le savent pas. C’est pourquoi, d’une minute à l’autre, ils peuvent plonger dans le coma, surtout que les signes avant-coureurs comme les maux de tête, les bourdonnements d’oreilles, ne sont pas spécifiques à l’HTA. ‘’Plusieurs Sénégalais sont des porteurs ignorants de cette affection. Il est important de faire comprendre aux gens qu’il n’y a pas forcément de liens entre l’hypertension sévère et des manifestations quelles qu’elles soient. C’est une maladie extrêmement sournoise. On l’appelle d’habitude le tueur silencieux. Dans la plupart des cas, elle ne se manifeste pas du tout’’, indique le cardiologue. On peut donc avoir une hypertension artérielle qui peut même, dans la seconde ou la minute qui suit, entraîner un AVC très grave, une paralysie sans que l’on ne ressente rien auparavant. C’est pourquoi le Dr Paye conseille à toute personne âgée de 40 ans de vérifier régulièrement sa tension. ‘’Parce qu’une personne qui n’a jamais rien ressenti peut se réveiller avec une insuffisance rénale et on lui fait une dialyse. C’est un traumatisme’’, soutient-il.

Prise en charge

Pour Docteur Mbaye Paye, la prise en charge, c’est d’abord la prévention, ensuite les mesures hygiéno-diététiques. Il faut aussi stratifier le niveau de risque cardiovasculaire, c’est très important. ‘’Un patient qui est seulement hypertendu  ne peut pas être traité de la même façon qu’un hypertendu diabétique, obèse ou autre. Donc il faut stratifier le niveau de risque’’, explique le Dr Mbaye Paye, selon qui  l’hypertension est grave par ses complications et le traitement est à vie.

L’hérédité, la mauvaise alimentation, l’obésité, facteurs de risques

L’hypertension artérielle primaire n’a pas de cause. Mais il y a des facteurs de risques que sont le diabète, le cholestérol, la sédentarité, l’obésité, le stress, le fait de manger beaucoup de sel, la mauvaise alimentation. ‘’L’industrie alimentaire n’était pas si développée au début parce que nos parents mangeaient beaucoup de fruits et légumes. Maintenant, ce n’est pas le cas. Et pourtant, ce n’est pas cher. Les fruits et légumes sont des médicaments parce qu’ils contiennent des vitamines, des micronutriments, de l’eau des caroténoïdes et les fla zoïdes qui luttent contre les adicolibres. Si vous éliminez les adicolibres, vous luttez contre les maladies cardiovasculaires, cancéreuses et le vieillissement. L’hypertension est en évolution à cause de notre alimentation qui a changé car elle est devenue grasse et salée’’, souligne le docteur.

Autres facteurs de risque, c’est le manque d’activité physique. Selon Mbaye Paye, le sport lutte contre tout cela. Il régule la tension artérielle diminue le cholestérol, les graisses, le poids et améliore la circulation sanguine et le volume d’oxygène dont on a besoin. Il y a le stress aussi.

L’âge est le premier facteur de risque de l’HTA, (supérieur à 50 ans chez l’homme, 60 ans chez la femme). Plus on vieillit, plus nos vaisseaux se durcissent, plus on tend vers l’hypertension. Il y a aussi l’hérédité. ‘’Si vous êtes dans une famille hypertendue de maladies cardiaques, il y a le risque. Le diabète mal traité peut causer aussi une HTA, l’alimentation riche en cholestérol, surtout le LDL qui est le mauvais cholestérol, l’obésité et le poids’’, renseigne-t-il.

Au-delà de ces facteurs, il y a le tabac et l’alcool. ‘’Les gens pensent qu’il faut arrêter le tabac et prendre la cigarette électronique. C’est banni. C’est un facteur de risque cardiovasculaire pour l’hypertension artérielle. Il faut également réduire la consommation de bière, mais le vin est toléré. On préconise deux verres de vin chez l’homme et trois chez la femme parce qu’il a des effets protecteurs. Mais il faut diminuer la consommation de bière et de whisky. Il faut dormir suffisamment, boire beaucoup d’eau’’, préconise Docteur Mbaye Paye.

VIVIANE DIATTA

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