Publié le 7 Jan 2022 - 19:40

Lettres posthume de Jules François Bocandé aux lions de la Téranga

 

Chers lions, Chers dirigeants, 

La CAN est un rendez vous important pour la jeunesse africaine ; un rendez vous de sportivité et de plaisir.  Chers Lions, sachez que vous aurez tout le monde contre vous, dans cette édition ! Et que vous serez la bête à abattre, pour beaucoup de raisons ! Toutes les équipes que vous affronterez feront tout pour vous battre, vous qui trôner au sommet de la première place du classement FIFA depuis des années. Lorsque vous allez entamer en lice, au Cameroun, je voudrais que cette lettre vous parvienne un peu avant. La presse et le Thiak Tilak feront le nécessaire.

Faudrait-il vous rappeler qu’après les épisodes mémorables de 1965, à Tunis et d’Asmara 1968, c’est bien notre génération, avec les joueurs comme Roger Mendy, Mamadou Tew, Boy Bandit, Racine Kane, etc, c’est donc bien cette génération qui a permis à notre pays de renouer avec la participation aux phases finales des coupes d’Afrique. Ce soir là, du 1er Juillet 1985, au stade Demba, j’ai eu la chance et la baraka d’avoir contribué à la victoire qualificative de notre cher pays à la CAN, Caire 86 face à une vaillante équipe du Zimbabwe.  Notre pays, le Sénégal venait ainsi de renouer avec la CAN. La suite, je sais que notre Capitaine d’alors, Amadou Diop, Boy Bandit, vous la racontera, lui et les autres coéquipiers comme Thierno Youm, Oumar Guèye Sène, etc. Ironie du sort, c'est aussi contre le Zimbabwe que vous entamez votre compétition.    

Ensuite, la génération des années 2000, avec Elhadji Ousseynou Diouf, Ferdinand Coly, Alioune Cissé, Henri Camara, le gaucher magique Kalidou Fadiga, etc, sont venus confirmer que le Sénégal était bel et bien une nation de foot. Cette génération l’a confirmé à la coupe du monde de Séoul 2002, en faisant vibrer le cœur des africains, par une victoire d'entrée face à la France des Zidane, et compagnie.  Chers lions, malgré leur talent, et leur détermination, vos aînés des générations décrites en dessus, n’ont pas pu offrir au Sénégal un trophée de coupe d’Afrique.  Aujourd’hui, tout le peuple attend de vous, ce trophée tant convoité au pays de la Téranga.

De la génération des années 60, à celle des années 2000, en passant, par celle des années 80/90, le Sénégal a longtemps attendu ce trophée, qui de l’avis de beaucoup d’observateurs, arrivera avec votre génération, celle de la confirmation de notre potentiel footballistique. Alors, au moment du coup de sifflet de l’arbitre, pensez fortement au peuple sénégalais, et surtout à vos aînés des générations 80/90, et des années 2000.  Je le répète, vous serez l’équipe à battre, vous aurez tous contre vous !!  Alors, soyez de vrais Lions dans ce pays du Cameroun, où votre voix doit rugir dans les grandes forêts de Bafoussam ! Au moment d’entrer aux vestiaires, pensez à mes rêves non réalisés d’emporter cette coupe ! Pensez à Bruno Metsu, ce lion à la crinière débordante ! Ayez une pensée pour Pape Bouba Diop, qui, déterminé comme un Lion, a battu la France qui disait ne boxant pas sur le même ring que le Sénégal !

Vous aurez tout le monde contre vous, mais faites comme Mbarick Fall, "Battling Siki" qui avait tout le monde contre lui, mais par un esprit de dépassement, il a battu son adversaire, pour devenir le premier africain champion du monde de boxe par Ko, devant Georges Carpentier dans un combat mémorable.  Faites comme ces athèles d’antan, Habib Thiam, Lamine Diack, etc qui, dans un contexte très hostile, ont remporté des médailles et des victoires aujourd’hui inscrites au panthéon du sport. Pensez aux martyres et héros comme Cheikh Ahmadou Bamba, qui, contre tous, est revenu au pays avec un trophée aujourd’hui célébré par toute l’humanité. Que sa Baraka comme celles des autres guides religieux comme Elhadji Malick Sy, Elhadji Omar Tall ; Cheickh Al l’ISLAM, Baye Niasse, Boucounta, les Cardinaux de l'Église, Tiandoum, Sarr, Baye Laye (dont le blanc de Cambérène vous accompagne depuis Diass et bénit vos maillots flanqués de la tête de Lion), que donc la Baraka de tous ces grands guides vous accompagne !  

Faites comme Lat Dior Ngoné Latyr Diop sur son cheval Maalaw, faites comme Aline Sitoé Diatta, la Reine de Cambrouse qui refusa de capituler jusqu’à la déportation. Pensez à vos arrières grands-mères, ces femmes de NDER, qui ont refusé le déshonneur devant l’ennemi. Sadio, un petit neveu que je voudrais rencontrer en ces moments, dites à Kalidou Koulibaly, de parler à la troupe en mission, de penser à moi, Jules François Bertrand Bocandé, et aux autres anciennes gloires, à mon ami Bruno Metsu qui à longtemps voulu amener cette coupe à Dakar ! Je sais que Laye Diaw, vous dira tout ce qui était notre rêve depuis Asmara jusqu’au Caire 86 !

Et en pensant à toutes ces figures, rappelez vous que le foot ball est un jeu d’hommes, un jeu de sportivité certes, mais dans la dignité, la résistance, le refus d’abdiquer jusqu’au coup de sifflet final. Restez concentrés jusqu’au bout ! Ne cédez pas à la provocation, à la facilité, à l’inattention, à la négligence ni à la paresse ! Restez solides et soudés comme une équipe de lions en pleine forêt, qui vont chasser et qui jurent de rentrer avec un lot de gibiers ! De la première minute au coup de sifflet final, ne laissez personne vous distraire ! Si vous glissez, relevez-vous aussitôt, attaquer ensemble et défendez ensemble ! Rugissez afin que "vous accompagnent Koras et Balafons", comme ce soir là où Koumba Ndoffène voulait faire tailler son manteau Royal ! Montrez que vous êtes les Rois de la brousse, des forêts et des savanes d’Afrique !   Soyez prêts à tout, ce jour, une fois dans le stade ; soyez prêts à mourir les armes à la main ! Alors, laissez la "Téranga" à Dakar, jusqu’au retour et adoptez un esprit de résistance, de conquérant ! Pensez à Oumar Pen, ce grand musicien dans sa chanson, où il demande de penser au peuple, (War Nga ma Xalaat ! Kam ngako-Kam Nako !!

J’ai entendu dire que les Lions de la Téranga ont du talent, mais non pas la hargne, la détermination, l’engagement physique et mental, la motivation, l’envie de vaincre vaille que vaille ! S’il vous plaît, faites mentir ces mauvaises langues ennemies !  Montrez –leur alors que vous pouvez avoir et le talent, et la gagne !  Ne céder rien ! Buléen mayé dara ! Donnez le meilleur de vous-mêmes, physiquement, mentalement et techniquement !  En vous remettant le drapeau national, le Chef de l’Etat vous rappellera que vous êtes un détachement militaire qui va au front avec ce qui symbolise notre souveraineté. Respectez ce drapeau, défendez – le, protégez le dans la dignité absolue, avec nos valeurs de Ngor, Jom, Fulla, FAYDA, (on nous tue- on ne nous déshonore pas), afin de le voir à la montée des couleurs, à l’instant final de la remise de la coupe, qui, je le souhaite sera entre les mains du Capitaine Koulibaly.

Quant à vous, l’équipe dirigeante, l’encadrement, faites comme un Etat –major fait en de pareils moments de guerre ! Sergents et Capitaines, Lieutenants et Adjudants, tenez les lieux d’une main de maître en passant à Malick Sy Souri, Joseph Ndong et aux autres dirigeants. Surveillez les coins et les recoins ; collez à l’équipe comme vous le ferez de vos propres enfants ! Parlez aux joueurs comme Mawade Wade l’aurait fait, comme Alou le faisait en de pareilles circonstances. Gonflez-les à bloc ! Abdoulaye Diaw, nous entend !! Pensez à tout ce monde qui, avant vous a rêvé de monter au plus haut du podium du foot africain ! En nous ramenant la coupe, non seulement vous ferez plaisir à tout un peuple, vous rentrerez dans l’histoire mais aussi votre valeur marchande dans vos équipes professionnelles respectives va augmenter.  Que nos prières vous accompagnent, de la Casamance naturelle au Fouta, en passant par le Sine- Saloum, le Cayor et le Jolof, le Baol, et le Cap Vert. Bonne chance !

Jules François Bertrand Bocandé

ancien international du Foot sénégalais.

 Ps Cette lettre est un fruit,

d'une imagination sportive sur ce que Bocandé aurait dit à nos jours.

 

Section: