Publié le 10 Jul 2025 - 16:37
Un extrait de la belle préface de Habib Demba Fall

Le Sénégal au révélateur de sens de Sidy Diop

 

Plus qu’un alphabet qui consacre l’alignement des lettres et des voyelles de A à Z, « L’abécédaire de Sidy : le Sénégal en toutes lettres », est une construction de sens. Au-delà des symboles ou graphèmes dont chacun représente un phonème, ce livre dont j’ai l’insigne honneur d’écrire la préface est le produit d’un projet d’écriture explorant notre quotidien poly-thématique. En associant ainsi les lettres de l’alphabet à des mots, des noms ou des faits, l’auteur nous invite à (re)visiter le Sénégal dans ses dimensions politique, économique, sociale et culturelle. Un voyage dans notre relation à nous-mêmes et à notre vivre-ensemble. Dans cet ordonnancement sémantique, chaque mot est une réplique de notre passé, de notre présent et de notre futur. Le Sénégal nous parle au fil des lignes, interroge nos responsabilités de témoins et interpelle notre conscience d’acteurs de notre rêve pluriel pour un quotidien à bâtir. Dans l’architecture du texte, la construction suit très souvent une ligne de cohérence thématique qui fait sous la même lettre, l’auteur arrive à dépeindre des réalités qui s’enchaînent dans le même champ ou univers de sens. La mémoire de l'historien qu’est Sidy Diop de par son cursus universitaire convoque l'esprit critique et le sens de l’observation du journaliste et communicant formé au CESTI et le regard pointu de l’observateur apte à scanner des mutations sociales et les mettre en perspective.

La puissance du style se trouve dans sa clarté et sa précision dans le choix des mots. Elle est surtout dans la formule et l’image qui valent le croquis le plus précis. Le texte n’est pas un exercice de maîtrise des genres rédactionnels. Cependant, la maîtrise des genres rédactionnels valorise les talents de reporter (apte à déceler le fait nouveau et digne d’intérêt), d’analyste (doué pour décrypter les enjeux), du billettiste et du chroniqueur (capable, en un mot ou une formule, de dépeindre des situations spécifiques), d’un éditorialiste (qui ne rechigne pas à prendre position sur des questions nationales) et du chef d’édition (excellent dans l’architecture d’un texte surtout dans l’harmonisation d’un contenu polyphonique). Toutes ces compétences ont été mobilisées pour structurer un projet éditorial innovant sous la forme d’un abécédaire. Il s’agit d’un prolongement du travail du journaliste de renom qui, depuis pratiquement trois décennies, démontre des qualités d’un observateur avisé de l’espace public sénégalais, aussi bien sur des thématiques politiques que sociales, culturelles, diplomatiques, entre autres. Ce livre est un acte de mémoire, de témoignage et de réflexion prospective sur des séquences temporelles, des faits et des personnages marquants de notre cheminement collectif.

DECONSTRUCTION DES CONFORTS D’ANALYSE

La réussite de « l’Abécédaire de Sidy : Le Sénégal en toutes lettres » se trouve donc dans sa structuration thématique qui, sur la base d’une position verticale des mots ou des champs lexicaux, a su construire une lecture horizontale de l’actualité au fil du temps. Cette prise de parole éclairante produit une œuvre de déconstruction des conforts d’analyse, en nommant les dits, en perçant le mystère des non-dits et en mettant en perspective le dessous des cartes. Cette approche éditoriale revisite également les modèles de réussite aussi bien pour les citoyens que pour le pays tout entier. Il en est ainsi de la relation politique-économie comme champs de prédilection du débat public. L’auteur, allègrement, bouscule encore des certitudes : « La politique décide, certes, mais c’est l’économie qui fait vivre…» La déconstruction des idées reçues s’étend à une « exemplarité » qui fait du Sénégal, « terre de dialogue et de sagesse », un phare dans la vitrine internationale. « Cet héritage n’est pas un trophée que l’on contemple, mais une responsabilité à assumer» car « un flambeau n’éclaire que s’il reste bien tenu », prévient l’auteur. Cet abécédaire n’aborde pas les conquêtes démocratiques comme les alternances avec les accents triomphalistes des acquis définitifs. L’auteur échafaude un argumentaire qui bouscule les certitudes, en se basant sur l’agenda du citoyen et en allant au-delà de l’agenda électoral. « L’alternance donne l’illusion du mouvement, mais le changement, lui, se fait attendre », analyse Sidy Diop. Le bol d’air s’appelle un ancrage de la démocratie dans la pratique républicaine et citoyenne. Sidy Diop interroge, par anticipation, la mémoire collective sur la portée éthique de ce « pardon législatif » : « Il laisse derrière lui une question lancinante : peut-on construire un avenir serein en effaçant les traces du passé ? »…

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