Publié le 4 Jul 2022 - 20:00
LEVÉE DES SANCTIONS DE LA CEDEAO

Le Mali respire enfin  

 

Réunis en sommet ordinaire hier à Accra, les chefs d’État ouest-africains ont accepté un compromis avec les autorités maliennes. Mais un point de discorde subsiste.

 

C’était attendu ! C’est désormais officiel. La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a levé, hier, les sanctions prises à l’encontre du Mali. Le gouvernement de la transition avait posé des actes afin de satisfaire les chefs d’État ouest-africains. Au 61e Sommet ordinaire à Accra (Ghana), ces derniers ont accepté un compromis permettant de desserrer la pression sur Bamako. C’est le président sortant de la Commission de la CEDEAO, Jean-Claude Kassi Brou, lors de la conférence de presse d’après rencontre, qui a donné la bonne nouvelle : "Le sommet a décidé de lever toutes les sanctions économiques et financières à partir de ce jour", mais maintient les sanctions individuelles (contre les membres de la junte) et la suspension du Mali des organes de la CEDEAO jusqu'au retour à l'ordre constitutionnel. Les frontières sont rouvertes et les ambassadeurs des pays ouest-africains reprendront leur poste à Bamako.

La semaine dernière, le médiateur de la CEDEAO dans la crise malienne, Goodluck Jonathan, se disait optimiste quant à une fin prochaine de la crise au Mali. S'exprimant vendredi au terme d'une visite de 48 heures au Mali, l’ancien président nigérian a souligné les avancées notoires dans les négociations effectuées jusqu’ici par les autorités de la transition : ‘’Cette visite s’inscrivait dans le cadre du suivi de tout ce qui a été entrepris afin d’aider le Mali à sortir de cette situation de crise. Cette crise touche non seulement le Mali, mais également tous les pays de la sous-région, les pays de l'Afrique de l'Est. Je peux vous dire que nous sommes heureux de constater les progrès effectués jusqu’ici par le gouvernement de la transition, sous la haute autorité du président de la transition.’’

Les militaires ne doivent pas participer à la Présidentielle…

Si l’embargo est levé, il est assorti d’un rappel pour le respect de la charte de la transition. En début de semaine dernière, les autorités maliennes ont annoncé un calendrier pour les futures élections communales, régionales (juin 2023), législatives (octobre 2023) et surtout présidentielles (février 2024) qui marqueront la fin de la période de transition, d’ici mars 2024. Bamako a aussi mis en place une commission chargée de rédiger une nouvelle Constitution, amorcé un dialogue avec la classe politique qui le réclamait de longue date et adopté une nouvelle loi électorale. Toutefois, celle-ci pourrait permettre la candidature de l’actuel président de transition, le colonel Assimi Goïta.

Malgré sa demande de ne pas voir une transition supérieure à 16 mois, la CEDEAO a fini par accepter un compromis, avec une condition : celle de ne pas voir les militaires, actuellement aux commandes, participer à la prochaine Présidentielle. Un point de blocage éventuel dans les mois à venir.

Pour sanctionner la promesse non tenue des militaires d'organiser le 27 février 2022 des élections présidentielles et législatives qui auraient ramené des civils à la tête du pays, les chefs d’État ouest-africains ont décidé de geler les avoirs maliens au sein de la Banque centrale des États d'Afrique de l'Ouest (BCEAO), de fermer les frontières entre le Mali et les États membres de l'organisation, mais aussi de suspendre les transactions avec Bamako, à l'exception des produits médicaux et des produits de première nécessité. La CEDEAO a également décidé de retirer les ambassadeurs de tous les pays membres du Mali ainsi que d'autres sanctions concernant l'aide financière contre un pays qui a connu deux coups d'État militaires depuis 2020 et en proie à une profonde crise sécuritaire.

Les prévisions de recettes budgétaires revues à la baisse

Ces sanctions étouffent le pays depuis le 9 janvier. Ce samedi, Bamako a revu à la baisse ses prévisions de recettes budgétaires pour l’exercice 2022, face aux conséquences des sanctions de la CEDEAO combinées aux effets de la guerre en Ukraine.

Ainsi, la Direction générale des Douanes maliennes s’est projetée sur 611,29 milliards F CFA, en lieu et place des 721,29 milliards initialement projetés dans la loi de finances, soit 110 milliards F CFA en moins. Il en est de même pour la Direction générale des Impôts qui table désormais sur 986,94 milliards F CFA de recettes à mobiliser, contre 1 061,94 milliards prévus par la loi de finances 2022, soit un gap de 75 milliards F CFA.

Les sanctions de la CEDEAO impactent aussi d’autres pays  membres et en pole position le Sénégal dont le Mali est le premier client. Quelques heures après la décision des chefs d’État ouest-africains, le président sénégalais a salué, sur les réseaux sociaux, ‘’la levée de l’embargo économique, commercial et financier contre le Mali, pour accompagner les efforts de la transition en cours’’.

De bonne guerre, à une semaine de la célébration de la fête de Tabaski 2022. Le Mali est un des premiers fournisseurs de bétail au Sénégal. Et les 5 500 têtes d’ovins et 300 têtes de bovins récemment autorisées n’étaient qu’une infime part des besoins exprimés par le Sénégal.

Une bonne nouvelle pour le Sénégal aussi

Le 61e Sommet ordinaire de la CEDEAO a également été l’occasion de se pencher sur les cas du Burkina Faso et de la Guinée, deux autres pays ouest-africains ayant connu des coups d’État militaires. Si aucun représentant des trois pays n’était présent à la rencontre, les médiateurs désignés ont présenté leur rapport aux chefs d’État. Concernant le Burkina Faso, l’ex-président nigérien Mahamadou Issoufou a convaincu la junte au pouvoir depuis fin janvier 2022 de baisser la durée de la transition qui devrait désormais être de deux ans, à partir du 1er juillet 2022. Les autorités burkinabé prévoyaient jusqu’alors les dates du 24 décembre 2024 pour un référendum constitutionnel et du 25 février 2025 pour la tenue d’élections législatives et présidentielles. Le nouveau calendrier n’a pas encore été annoncé. Mais les sanctions économiques et financières contre le pays ont été levées.

La situation reste tendue pour la Guinée. Les chefs d’État ont rejeté la transition de trois ans proposée par les nouvelles autorités. Ces dernières avaient refusé le médiateur de la CEDEAO. Désormais, ils devront composer avec l’ancien président béninois Yayi Boni. La CEDEAO les appelle à travailler avec lui afin de proposer une nouvelle période de transition raisonnable d’ici la fin du mois de juillet. Sans quoi, le pays subira des sanctions économiques, en plus des sanctions ciblées déjà imposées aux dirigeants de la transition militaire.

Pour la première fois, un président bissau-guinéen prend la présidence de la CEDEAO. Umaro Sissoco Embaló, 49 ans, a été désigné par ses pairs ouest-africains pour succéder  au Ghanéen Nana Akufo-Addo, en poste depuis 2020.   

Lamine Diouf

 

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