Abdou Diouf, un homme d’État
Au lendemain de sa défaite en 2000, le président Abdou DIOUF aimait dire à qui voulait l’entendre qu’il "ne voudrait pas gêner son successeur". Grand seigneur, il s'effaça de la scène politique sénégalaise et ni les dérives de son remplaçant, ni les scandales répétés ne le firent sortir de sa réserve. Tout le contraire de son successeur qui ne s'est jamais départi de son manteau d'opposant.
Si on parle tant de DIOUF, c'est que celui qui a pris sa place n'a pas su le faire oublier. Deux ans seulement après sa cuisante défaite, le revoilà au pays, sur un air de triomphe savamment orchestré comme à son habitude avec tout un cinéma fait de subterfuges et de contre-vérités sur un prétendu refus d'autorisation. On a parlé de millions de gens, mais ça c'est un air connu. La vérité se fera par les urnes, il est bien placé pour le savoir. Le véritable prétexte de ce retour est la libération de son fils.
Il croit pouvoir s'appuyer sur une certaine mobilisation populaire pour négocier la libération de celui qu'il voit déjà au second tour en 2017. Il n'est pas interdit de rêver. Tout le monde a constaté que dès qu'il a perdu le pouvoir, il s'est empressé de faire le tour des familles religieuses du pays pour blanchir son fils avant la lettre.
Avait-il le pressentiment qu'il aurait des démêlés avec la justice? Ce qui est arrivé n'a surpris personne. Les responsabilités qu'il avait fait porter à son fils étaient bien trop lourdes pour ses épaules. Même un haut dignitaire du PDS avait prévu la prison pour la plupart d'entre eux, on l'oublie trop souvent. Il a semé le vent, il a récolté la tempête.
Son fils est en stage chez Macky, dit- il, puisque la prison forme les grands hommes, mais son stage risque de ne jamais connaître de titularisation! C'est comme s'il n'y avait que lui à Rebeuss.
Combien d'honnêtes citoyens a-t-il envoyés injustement en prison quand il était tout-puissant président, oubliant Dieu-se l'est-il jamais rappelé d'ailleurs -lui qui a emprisonné illégalement et sans le moindre remords une femme enceinte? (voir Libération des 26 et 27 avril 2014).La liste est longue, trop longue. Son attitude est comparable à celle de la lionne de la fable de La Fontaine (La Lionne et l'Ourse, fable 12, X) qui se résume à peu près à ces mots :
"Mère Lionne avait perdu son faon
Un chasseur l'avait pris .La pauvre infortunée
Poussait un tel rugissement
Que toute la forêt était importunée…
L'Ourse enfin lui dit :… tous ces enfants
Qui sont passés entre vos dents
N'avaient-ils ni père ni mère?
- Ils en avaient. S'il en est ainsi,
Et qu'aucune de leur mort n'ait nos têtes rompues,
Si tant de mères se sont tues
Que ne vous taisez-vous aussi?
Moi me taire!...Ah j'ai perdu mon fils! Il me faudra traîner
Une vieillesse douloureuse!"…
Un ancien chef d’État ne boude jamais le salon d'honneur; c'est un mot inconnu du vocabulaire d'un homme d’État ; mais à tant faire, que n'a-t-il pas boudé les autres honneurs avant de venir ?... Il est vrai qu'il était loin des yeux des Sénégalais.
Il dit entre autres choses que "les gens ont perdu tous les avantages que je leur avais laissés, les paysans et les chefs religieux sont dépossédés des véhicules que je leur avais donnés". On ne l'avait pas élu pour qu'il distribue indûment avantages et véhicules. On le dit généreux, certes mais il est facile d'être généreux avec ce qui ne vous appartient pas.
Il revient à l'actuel président de la République de lui couper l'herbe sous le pied en mettant de l'ordre dans son parti pour refréner leurs ardeurs hégémoniques et savoir partager afin d'éviter le syndrome de 2009 qui fut un signal fort pour le régime déchu.
Yatma DIEYE, professeur d'anglais, Rufisque
yatmadieye@orange.sn