Publié le 19 Dec 2013 - 19:04
LIBRE PAROLE

 Du respect, Maître !

 

L’ancien président de la République s’est prononcé sur l’affaire Karim Wade en ces termes : «ce qui lui arrive, c’est d’avoir commis le délit d’être fils d’un Président en Afrique. C’est un délit. La preuve : il est en prison. Mais il comprend ça très bien. La politique, c’est de l’injustice, c’est la force».

Cet homme croit alors que ses pratiques au pouvoir sont toujours de cours. Il ignore que son prédécesseur a opéré une rupture fondamentale en laissant à la Justice les coudées franches.

Mais il a révélé, là, à ceux qui en doutaient encore que c’était lui le pouvoir judiciaire. Il pouvait dire comme Mussolini «l’Etat, c’est moi.» Il est à mille lieux de l’évolution citoyenne du pays qu’il a pourtant dirigé durant 12 ans. Un pays dont les fils lui ont tout donné. C’est pourquoi, nous sentons une odeur prégnante d’ingratitude, une saveur forte de trahison et une douleur lancinante d’avoir cet homme passé à côté de la plaque et manquer ainsi de se hisser aux plus hautes cimes de la gloire.

Il descend très bas en laissant entendre qu’il y a «une campagne internationale d’accusation. Comment ça se fait que quelqu’un qui se trouve en prison depuis huit mois, on ne peut pas vous dire : ‘‘il a fait cela’’. Il (le Président de la République Macky Sall) devrait prendre la radio, la télévision, montrer les preuves : ‘‘voila dans telle banque, on a trouvé tant d’argent etc.’’»

Il n’arrête pas sa descente aux abysses mais entre même dans des caniveaux fétides pour dire : «On doit au moins trouver une banque où il a mis de l’argent. La seule banque où on a trouvé de l’argent, c’est la banque Julius Bâr. C’est mon argent et je vais le récupérer. Parce que je fais un procès à Monaco pour récupérer mon argent». Si ce n’est pas un aveu, ça y ressemble très fort !

Mais rien de ce comportement déplorable de l’ancien chef d’Etat ne devrait surprendre. Rappelons-nous un peu de la gouvernance de cet homme qui risque de simplement basculer dans les poubelles de l’histoire.

Chaque jour, s’il se trouvait au palais, le président du clan déprédateur du Sénégal recevait des compatriotes corrompus (je n’ai malheureusement pas un autre mot) et distribuait des liasses de billets de banques pour le «pass retour» ou frais de transport à qui mieux mieux. Les montants les plus bas étaient autour de 20 millions de francs Cfa. On comprend pourquoi l’argent ne circule plus….pour certains oisifs.

Des voitures 4X4 étaient offertes comme de petits pains dans un pays qui fait partie des 15 pays les plus pauvres au monde selon l’Indice du Développement Humain (IDH) du Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD) ; et ceci durant toutes ces 12 années de règne. Peinards comme des nigauds, nos concitoyens payaient pourtant difficilement le prix de devoir sacrifier à apparaître à la Télévision National : certains fuyant les objectifs des caméras.*

Nos ancêtres ne nous ont vraiment pas légué un héritage de mal gouvernance et de corruption. Wade nous a laissé un pays exsangue financièrement et moralement. A cause de sa mal gouvernance, le pays rembourse actuellement, chaque mois, 57 milliards  !

Du point de vue moral, c’est malheureux qu’aujourd’hui la logique de l’avoir facile l’ait emporté sur la logique de l’être. Nous avons vécu avec ce que l’éminent journaliste Soro DIOP a eu à appeler «le Leumbeul  des milliards» animé par le Président et le «Fils-président» les plus liquides au monde et où on a l’impression que le parc des véhicules 4x4 est d’une vastitude infinie.

Mody Niang , l’auteur de «Cet homme qui nous dirige», nous rappelle qu’en privé le Secrétaire général national du PDS  a affirmé sa conviction que «chaque Sénégalais a un coût». Ce qui renseignait à suffisance sur son modus operandi de distribution automatique de billets de banque pour être dans les bonnes grâces de ces mandants.

Convaincus qu’on a tout avec de l’argent hormis des mœurs et des citoyens, nous souffrons du fait qu’il a vendangé le ciment moral et les valeurs cardinales de « ngor » et de « Diom » forgés durant des siècles par nos ancêtres. Le locataire du palais de l’avenue Senghor et son fils ont été plus des concasseurs que des bâtisseurs.

A cet effet, Wade s’était taillé un univers agenouillé, une charretée de handicapés moraux qui louchent de l’honneur et boitent de la dignité. Le 19 novembre 2009, devant les cadres libéraux, qui ne se rappelle pas de cette phrase de Serigne Mbacké Ndiaye ? «Si nous perdons le pouvoir en 2012, nous irons tous en prisons», avait-il lâché. Alors Maître, si vous permettez, du respect!

Je m’excuse de citer, ici, Nelson Rolihlahla Mandela, mais c’est tout juste pour mettre en évidence la dimension lilliputienne de l’homme Wade. Il fait figure de nain face à ce géant de l’histoire universelle que l’argent, la célébrité, les lambris, ors et dehors du pouvoir n’ont jamais pu griser. Il a su garder la tête sur les épaules, les pieds sur terre, jusqu’au moment de tirer sa révérence. Chapeau Madiba !

Bara  DIOP

PhD en Santé Publique

Baradiop078@yahoo.fr

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