Publié le 10 Oct 2014 - 13:46
LIBRE PAROLE

Flèches diplomatiques 

 

Je m’étais juré de ne plus tremper ma plume dans cet encre sénégalais bien nébuleux, non pas que je sois démissionnaire, mais je suis devenu à force de déception un citoyen désabusé, démotivé et déçu. En optant de me conférer une citoyenneté virtuelle, loin de moi l’idée de sous-traiter mes droits inaliénables, encore moins de m’enfermer dans une logique égotiste du sort individuel.

J’ai décidé d’adopter une posture me permettant d’exalter ma liberté à l’inaction. Oui, c’est mon droit de ne plus parler de mon pays, de ne plus voter, bref mon droit à une indifférence assumée.

Oui, je ne suis plus heureux avec mon pays car j’entretiens avec lui des liens  empreints de frustration, d’impuissance et de passion qui frisent un dépit amoureux. Il m’était arrivé dès fois d’y croire car ce dernier montrait des signes encourageants, mais malheureusement depuis quelques temps il a repris ces vieilles habitudes qui l’avaient enlaidi. A qui la faute : lui, moi, les deux à la fois ? Peu importe. Il me semble que le vin est tiré, mais comme en amour, on se sait jamais, j’éviterai avec souplesse de dire : fontaine, je ne boirai jamais de ton vin.

Certains me rétorquent que le fait de déserter nos responsabilités a ouvert la porte aux politiciens sans valeur ajoutée pour la nation. Personnellement, je refuse ce point de vue, on peut servir honorablement son pays en tant qu’instituteur, ingénieur, comptable, chercheur… A chacun ce qu’il sait le mieux faire. Or actuellement, tout le monde veut faire de la politique, elle est devenue la porte dorée pour accéder au Nirvana. Soyons sérieux !

Par contre, nous devons exiger de ceux qui fassent de la politique qu’ils aient avant tout  les bons profils, qu’ils soient de bons généraux et qu’ils fassent bien leur job. Ensuite, que les actes soient lisibles C’est ce qu’on appelle dans le jardon de la bonne gouvernance «contrôle citoyen», avec son corolaire, la redevabilité (devoir de rendre compte).

Retour sur mon histoire. Deux  ambassadeurs de grandes puissances accrédités à Dakar n’ont pas enfilé leurs gants diplomatiques, l’un pour dire qu’il faut que le gouvernement s’occupe des ordures, l’autre sur la corruption. Si je prends  une petite liberté avec leurs arguties en me permettant une articulation des deux idées, je dirai : moralité de l’histoire, nous sommes des voleurs, c’est pour cela que notre pays est sale. Les personnages ne sont pas anodins, ils jouent une fonction de représentation, de relais des informations sur le Sénégal dans leur pays respectif. Dites-moi comment un pays sale et corrompu peut-il attirer un investisseur ou un touriste ?

Vous avez raison excellences, c’est une honte pour un pays qui, 54 ans après son indépendance, n’arrive pas à faire sa toilette correctement. En droit, un individu qui a un tel handicap est mis sous tutelle ; en politique, on les appelle les pays mineurs car ils ont besoin du parapluie des anciens colons. Oui, car lorsqu’une conduite d’eau «pète», il faut le parapluie de Marianne sinon la pénurie est inévitable. Et quand il pleut aussi, les inondations sont apocalyptiques.

Dakar, ancienne capitale de l’AOF, est aujourd’hui  en 2014 l’une des villes non seulement les plus sales d’Afrique, mais également des plus ruralisées. Les ruraux amènent avec eux leurs outils de travail en ville (charrettes et foins sur les artères…) Tout s’y passe, nos ronds-points sont ornés d’ordures et non de fleurs, sans oublier les mendiants sénégalais et de la sous-région.

Dans tous les pays de la sous région, lors de la fête de la Tabaski, des endroits sont dédiés pour la vente de moutons. A Dakar, il en était ainsi mais depuis quelques années les lieux de vente partent de la place de l’indépendance  aux différentes artères de notre capitale.

Pourquoi cette affligeante absence de l’autorité publique ? Pourquoi chaque Sénégalais pense pouvoir faire ce que bon lui semble de l’espace public ? D’une analyse socio-anthropologique, nous savons que pour beaucoup de Sénégalais  l’espace public n’appartient pas à tout le monde, il n’appartient à personne. Changeons de perspective.

Pour notre honneur, pour notre dignité, nous osons espérer que les autorités prendront les mesures nécessaires pour ne pas offrir ce spectacle à nos hôtes lors du sommet de la Francophonie.

Dakar est déprimant…

Le changement réussit d’abord dans nos esprits, avant d’émerger dans notre économie, et dans cette logique le logiciel comportemental sénégalais n’est pas à jour. Justement, parlant de changement, pourquoi le déclic n’a pas eu lieu ? That’s the question. Parlant d’émergence, je voulais simplement poser une seule question : avez-vous déjà vu ou entendu parler d’un pays en voie d’émergence désordonné, sale et indiscipliné ? L’absence d’une volonté politique indiscutable associée à une insuffisante méthode sont à l’origine de la situation que nous vivons actuellement.

Le changement est une rupture entre cet existant obsolète et un futur synonyme de progrès. Cette dynamique de rupture, ce sont des individus qui la mettent en œuvre, et non des slogans sans contenus crédibles. Cette immatérialité nécessite donc une adhésion des personnes par qui le changement doit être une réalité. Il nous faut alors transformer nos pratiques, notre environnement matériel, nos organisations, nos savoir-faire mais surtout notre stratégie en termes de finalités collectives.

Pour cela, nous avons besoin d’un leadership affirmé, sans équivoques, mais surtout trans-générationnel car notre problème, c’est notre incapacité à définir des options soutenues sur le long terme.

Baye Ibrahima Diagne

Président Commission Bonne Gouvernance CNP

Drxuly1@yahoo.fr

 

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