Publié le 25 Jun 2013 - 20:44
LIBRE PAROLE - LETTRE OUVERTE À ALAIN GIRESSE

Appel au sens des réalités !

 

Cher Alain Giresse, mon propos concerne l’équipe nationale de football du Sénégal, objet d’intérêt de nombreux sportifs de notre pays.  En n’accompagnant pas l’équipe nationale du Sénégal jusqu’à Dakar au lendemain de la rencontre contre le Liberia à Monrovia, vous avez peut-être, vous aussi, fait « votre » grève. Mais, chez nous, quand on vous confie la direction d’un groupe, vous devez  l’accompagner et revenir avec lui. Mais à notre grande surprise, vous avez préféré prendre l’avion et aller en France aussitôt à la fin du match. Quelle réaction ?

Au cours de son dernier regroupement, les joueurs de l’équipe nationale du Sénégal ont passé trois semaines ensemble. Il y a longtemps que les joueurs n’ont pas été regroupés pour une telle période. Une situation valable aussi pour les autres équipes nationales africaines (plus d’une quarantaine) engagées dans cette compétition pour le cinquième tour des préliminaires de la Coupe du monde 2014 au Brésil. Des jours passés pour la plus grande partie en Afrique (entre Luanda, Accra et Monrovia) après le camp de base de Bruxelles. Certainement, c’était tout à fait nouveau pour les binationaux de vivre un si long séjour en Afrique pour jouer au football. Et ils ont pu se rendre compte du décalage qui existe entre l’Europe, continent de naissance de leurs parents (pour la plupart) et cette Afrique profonde avec ses multiples facettes et réalités socioculturelles. Ils avaient donc à s’adapter à cette vie, tout comme les joueurs professionnels (nés au Sénégal), et qui évoluent maintenant en Europe. Même ces derniers semblent perdre le sens des réalités africaines. «L’homme est déterminé par son milieu» comme disait l’autre.

Les locaux savent que les terrains de football d’Afrique noire sont parfois impraticables et que l’intendance ne suit pas toujours. Nous le constatons et nous sommes parmi ceux qui pensent qu’il faut remédier à cette situation.
L’avion de commandement, un faux débat

Parmi les problèmes ou les questions soulevées à l’occasion de ces deux matches par le sélectionneur de l’équipe Alain Giresse, il y a eu l’histoire du vol spécial que vous avez demandé  pour les joueurs. Nous comprenons que ça soit important de réunir tous les atouts pour faire le meilleur résultat. Nous vous informons d’ailleurs que depuis le premier Président de la République du Sénégal, Léopold Sedar Senghor, les équipes nationales ont souvent bénéficié de l’avion présidentiel. A chaque fois que l’avion de commandement  était disponible, il a été mis à la disposition de l’équipe nationale. Ce fut le cas  par exemple de la Can de 1968 en Ethiopie. Aussi, les «Lionnes» du basket de Bonaventure Carvalho ont régulièrement profité de cet avion. Le président Abdou Diouf n’avait  pas dérogé à la règle. Et avec le régime du président Abdoulaye Wade, c’était l’excès pour ne pas dire que les sportifs en abusaient…

«A l’impossible, nul n’est tenu». L’avion n’étant pas disponible cette fois-ci et l’Etat du Sénégal (qui a ses raisons) ne pouvait pas affréter un avion pour un vol spécial. Cela coûte cher en ces temps de  disette, raison pour laquelle il a été demandé à l’équipe nationale d’emprunter un vol commercial.

Saviez-vous, Monsieur Alain Giresse, que le président Macky Sall est revenu à Dakar à bord d’un vol commercial en provenance de Paris au moment presque où l’équipe  nationale empruntait elle aussi un vol commercial entre Bruxelles et Luanda. Quoi de plus normal alors ? Certes le voyage entre Bruxelles (Belgique) et Luanda (Angola) est long, mais il s’est fait dans des conditions assez confortables. Vos joueurs ont voyagé en classe affaires. C’est-à-dire que le ministère et la Fédération n’ont pas informé les «Lions» que même Macky Sall avait emprunté un vol commercial parce que l’avion de commandement n’était pas disponible.

L’Etat et la fédé au banc des accusés

Toutefois, nous sommes d’accord avec vous quand vous mettez le doigt sur le  manque de professionnalisme des responsables de la fédération, ou même, sur l’Etat qui ne tient pas ses engagements. Comment le ministère a pu rester pendant six mois sans que votre salaire vous soit versé ? Oui ! Aussi, dans notre football nous avons des problèmes d’infrastructures dans la mesure où il a fallu qu’on suspende un seul terrain (Léopold Senghor) au Sénégal pour qu’on se rende compte que tous les autres stades du pays ne sont pas fonctionnels ou en état d’abriter un match international. Cela révèle l’irresponsabilité d’un Etat.

En Afrique, les problèmes sont identiques

Alain Giresse, vous connaissez bien l’Afrique pour avoir entraîné dans un passé récent les équipes du Gabon et du Mali. C’est dire que tous les problèmes que vous rencontrez ne sont pas nouveaux. Peut-être que vous pensiez que le Sénégal était, au plan du football, mieux loti que ces deux pays. Le plus important aujourd’hui pour vous Giresse, c’est d’essayer de tirer plutôt profit des quelques potentialités que nous avons, notamment exploiter le réservoir de joueurs capables de constituer une bonne équipe nationale dont l’ambition pourrait être une qualification pour la Coupe du monde 2014. Ce serait un plus pour vous, Monsieur le sélectionneur, car, dans votre contrat, l’objectif qui vous a été assigné est avant tout la qualification à la prochaine Coupe d’Afrique des nations qui aura lieu au Maroc dans deux ans (2015).

Alain Giresse, l’opinion n’a pas aussi bien compris la grève des joueurs à Accra (Ghana), mais aussi, toute cette publicité faite autour de ce jet privé loué, paraît-il, à 26 millions de francs Cfa, par une partie des joueurs pour rejoindre rapidement la France. On ne vous demande pas trop, en disant que ces deux affaires auraient pu être gérées autrement. Imaginez un seul instant ce qu’il serait advenu si les «Lions» avaient perdu ce match !

Comprenons nous,  bien Alain Giresse, restez exigeant avec notre pays mais vous ne devez perdre le sens des réalités. Il doit en être de même pour vos joueurs.

Ahmed Tidiane DEME
Journaliste Nouvel Horizon
 

 

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