Publié le 6 Aug 2016 - 15:06
MALICK FALL (NOUVEAU SECRETAIRE GENERAL DU SAES)

‘’S’il y a lieu d’aller au front, nous le ferons’’ 

 

Le Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes) a un nouveau secrétaire général. Malick Fall, enseignant à la Faculté des sciences et techniques de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad), a été élu, à l’issue du XIIe congrès tenu le week-end dernier. Pour sa première sortie dans la presse en tant que nouveau patron du syndicat autonome de l’enseignement supérieur, le remplaçant de Seydi Ababacar Ndiaye a accordé une interview exclusive à EnQuête. Dans cet entretien, il explique comment son équipe et lui comptent aborder leur premier mandat.

 

Vous venez d’être élu à la tête du Saes pour un mandat de 3 ans par vos camarades. Qu’est-ce qui a motivé votre candidature ?

Mes motivations sont multiples. J’ai eu un parcours au niveau du Saes depuis que j’ai été recruté en 2000.  J’ai été d’abord secrétaire général adjoint de la Section sciences de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) pendant trois ans avant d’intégrer le bureau national où j’ai occupé le poste de chargé des relations extérieures pendant deux mandats (6 ans). Il s’y ajoute que j’ai participé à toutes les négociations que le Saes a eu à faire avec le gouvernement ces dernières années, notamment lors des récentes crises (grèves). J’ai également participé à beaucoup de sessions de renforcement de capacité managériale et de négociation syndicale. Ce qui fait que j’ai capitalisé une certaine expérience de pratique syndicale. Je me dois de mettre cette expérience aujourd’hui au service de ma communauté qui m’a tout donné.  Mon équipe et moi avons une ambition et un programme que nous comptons mettre en œuvre.

Quel bilan tirez-vous du travail de l’ancienne équipe ?

Je suis comptable de ce bilan. J’ai été élu en même temps que le camarade secrétaire général sortant Seydi Ababacar Ndiaye en 2010. Nous avons cheminé ensemble pendant la durée de tous les deux mandats. Je trouve que le bilan est positif. Nous avons eu des acquis qui ne sont pas du tout négligeables. Si nous prenons, par exemple, la réforme des titres qui était un combat mené depuis plusieurs années, déjà, à l’époque du magistère du Pr Moustapha Sourang, ministre de l’Enseignement supérieur d’alors, on avait posé cette question.  Elle a été finalement adoptée sous le dernier mandat de Seydi Ababacar Ndiaye. Il y a également la question de la retraite qui est fondamentale pour nous. Elle mobilise tous les enseignants, des plus jeunes aux plus âgés. Pour le moment, nous avons obtenu un accord de principe avec le gouvernement.

Et… ?

Il y a aussi la question sanitaire. Souvent, les enseignants étaient rejetés des structures sanitaires. Les dernières grèves nous ont permis d’éponger les dettes que nous devions. Même si après, il y a une reconstruction de cette dette. Mais aussi, notre dernier mouvement de grève a abouti à la conclusion d’un accord avec le gouvernement sur les évacuations sanitaires. Même si sur cette question il y a des points à améliorer. Je pense qu’en travaillant davantage avec les autorités, nous allons parvenir à affiner l’accord et à le rendre beaucoup plus fonctionnel. Nous avons aussi trouvé des accords sur la prime académique spéciale. C’est toutes ces raisons qui m’amènent à dire que  le bilan est positif.

Que comptez-vous faire pour terminer le travail déjà entamé par vos prédécesseurs ?

Nous devons travailler dans le cadre d’une discussion franche et féconde. Notre crédo est d’anticiper sur tous les problèmes en discutant en amont pour faire en sorte que les difficultés qui pourraient surgir puissent être réglées dans les discussions. Il y a des engagements en cours. D’autres doivent entrer en vigueur prochainement. Nous essayerons d’anticiper sur l’agenda pour qu’on puisse mettre en œuvre, à date échue, ces engagements. Notre volonté est de discuter avec tout le monde. L’équipe qui compose le Bureau va suivre à la lettre la feuille de route. Nous discuterons de manière sincère avec les autorités sur la carte universitaire. Le Saes a une grande expertise. Il faudra que celle-ci puisse être mise au service de la communauté.

Quels seront justement vos chantiers au cours de votre premier mandat ?

Sur cette question, je ne voudrais pas trop m’avancer pour l’instant. Parce que notre organisation est structurée. Il faut attendre que les différentes passations de service se fassent. Après cela, le nouveau bureau va se réunir pour ensemble décider collégialement et établir une feuille de route.  C’est après cette étape que nous allons poser les jalons. Mais, je peux vous dire que d’ores et déjà, nous savons là où nous voulons aller. C’est clair dans notre tête !  Voilà ce que je peux vous dire en attendant de rencontrer mon équipe.

Lors de vos deux mandats, vous avez été au cœur des négociations avec le gouvernement. Quelles sont vos relations avec l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ?

Ce sont des relations de tutelle. Uniquement ! C’est un collègue. (Rires). Un éminent Professeur de mathématiques qui a de l’expérience dans l’enseignement supérieur, etc.

On l’a vu surtout menacer, dernièrement, les enseignants de sanctions…

(Il coupe). Je préfère tourner cette page. Et regarder vers l’avenir. Ce qui est important pour nous, c’est ce que nous pouvons faire ensemble pour l’intérêt de notre pays. On doit scruter ensemble l’avenir et essayer de trouver le meilleur remède pour rendre plus performant l’enseignement supérieur. C’est ce que nous avons de commun.

Avec les dernières réformes de l’enseignement supérieur, les frais des inscriptions ont considérablement été augmentés pour entre autres améliorer la qualité de l’enseignement supérieur. A votre avis, est-ce que cet objectif a été atteint aujourd’hui ?

Il faut faire un bilan à mi-parcours. Nous devons avoir cette culture. Une fois que cela sera fait, on pourra évaluer ce qui a été atteint jusque-là. S’il y a des réajustements à faire, qu’on puisse le faire à temps. Ceux qui ont en charge cette question doivent faire un bilan. Pour le moment, je suis très prudent là-dessus. Parce qu’à certain niveau de responsabilités, il faut savoir mesurer le sens et la portée de ce qu’on dit. 

Vous êtes enseignant à la Faculté des sciences et techniques (FST). Les étudiants de ce département viennent de sortir d’une grève pour réclamer de meilleures conditions d’études. N’est-ce pas une preuve qu’il reste encore beaucoup à faire ?

C’est vrai ! Mais, l’Université Cheikh Anta Diop est particulière. C’est une question de nombre. Il y a beaucoup d’étudiants. La capacité d’accueil, qui a été dépassée depuis longtemps, est toujours insuffisante. Cela veut dire qu’il faut encore beaucoup travailler pour que la carte qui est prévue puisse être élargie pour juguler tous ces problèmes. Les étudiants ont levé leur mot d’ordre de grève mardi. J’ai fait cours ce matin (mercredi), avant de venir à notre rencontre.

Comment jugez-vous le dernier discours du président de la République sur l’enseignement supérieur ?

(Silence). Les circonstances de temps peuvent être à l’origine de tel ou tel discours. Mais ce qui est important pour nous, c’est de faire en sorte que les rapports entre autorités et enseignants soient sains. C’est notre crédo.

Vous parlez de sincérité. Le Saes a contesté dernièrement le chiffre de 300 milliards que le gouvernement a dit avoir injecté dans l’enseignement supérieur…

Sur cela, je m’en tiens à ce qu’a dit notre syndicat. Quand cette question a été évoquée en son temps, le Saes a donné sa position. Je me limite à ce qui a été dit.

Allez-vous relancer l’année prochaine la question du respect des accords signés avec l’Etat ?

Ce qui importe pour nous, c’est de faire les passations. Après, nous allons travailler en amont pour que ces accords soient mis en œuvre. Nous avons été élus par un Congrès qui nous a donné une feuille de route que nous allons appliquer.

Iriez-vous en grève l’année prochaine si jamais les éventuelles négociations n’aboutissent pas à une satisfaction de vos revendications ?

(Sourire). Notre profession est d’enseigner et de faire de la recherche. Pour nous, la grève est exceptionnelle. Nous allons privilégier les négociations tout en travaillant en amont afin de prévenir les situations de troubles. Cela veut dire que nous allons anticiper sur les problèmes pour essayer de les circonscrire. Maintenant, nous sommes des syndicalistes. Un syndicat, c’est pour lutter. S’il y a lieu d’aller au front, nous le ferons.

Quel regard portez-vous sur la situation actuelle du Saes ?

Le Saes est un syndicat vieux de 31 ans. Il a atteint une certaine maturité. Il est vrai que la plupart des pères fondateurs qui ont mis en place ce syndicat sont en train de partir à la retraite. Mais l’expérience est là. Nous avons un vécu. Ce qui fait que le Saes est toujours à sa ligne de conduite originelle. C’est un syndicat qui fait dans la réflexion, dans les propositions et dans la prospective. C’est un regard positif que nous (la nouvelle équipe) avons sur le syndicat. Mais également un regard qui peut être critique. Parce que le Saes des professeurs Bouba Diop, Abdou Salam Sall, Moussa Samb, Falilou Ndiaye…, ce n’est pas le même Saes avec Ndiassé Diop, Seydi Ababacar Ndiaye ou nous-mêmes. Car la carte universitaire a beaucoup changé. Il y a des nouveaux jeunes qui sont arrivés avec leur histoire, leur trajectoire et leur sensibilité. La Saes d’aujourd’hui n’est pas celui de 1985.

A l’issue de votre Congrès, vos camarades ont demandé un élargissement des bases du Saes. Comment comptez-vous vous y prendre ?

Il y aura une équipe qui se chargera de voir dans quelle perspective nous allons davantage polir l’image du Saes. Nous allons travailler pour son élargissement vers les nouvelles universités qui sont en train d’être construites. Au plan international, nous avons déjà posé beaucoup d’actes dans ce sens. Nous avons organisé dans le passé deux séminaires internationaux dans l’espace Cames ‘Comité africain et malgache pour l’enseignement supérieur).

Environ 15 syndicats des pays affilés au Cames ont participé à ces rencontres. Il s’agissait de faire dans un premier temps une mise à niveau du système Licence master doctorat (LMD) pour que tout le monde puisse avoir le même niveau de compréhension. Ensuite, nous avons organisé un séminaire sur l’assurance qualité dans l’enseignement supérieur. Ces deux séminaires nous avaient permis de mettre en place une structure que nous avons dénommée la Coalition des syndicats africains pour le développement de l’enseignement général (Cosades). Le Saes occupe le poste de Secrétaire général de cette organisation. 

Cette structure est-elle reconnue par les Etats ?

C’est là où se situe le problème. Mais nous allons travailler pour la reconnaissance de la Cosades par les différentes organisations sous-régionales (Uemoa, Cedeao). Puis, aller vers une reconnaissance par l’Union africaine. C’est important pour nous que les différents acteurs du Cames puissent se retrouver ensemble pour travailler, notamment sur la question de la recherche. Il est nécessaire qu’on mette en place un Fonds africain pour la recherche. Cela va nous permettre de prendre nous-mêmes en charge nos propres problématiques de recherches. C’est une question fondamentale.           

Par MAMADOU DIALLO

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