On l’identifie à son sourire, son visage avenant et sa douce voix. L’homme est juste affable. Oustaz Mor Thiam est le chef du desk religieux du groupe Futurs Médias. Souvent très élégant, il a reçu l’équipe d’EnQuête après ‘’Warefu Ramadan’’. Une émission qui passe sur la TFM.  Dans le lot des nombreux animateurs, se distingue donc Oustaz Mor Thiam qui ne doit pas uniquement son succès et sa notoriété à son medium qui, dit-on, est la radio la plus écoutée au Sénégal.

Les auditeurs de la Radio Futurs média (RFM) reconnaissent sa voix posée. Ses prêches accompagnent les fidèles après la prière du Fadjr (l’aube).  Mor Thiam à l’état civil, Oustaz Mor Thiam pour les auditeurs, a sa façon de captiver sa cible. Sa particularité réside dans le choix de ses sujets. Il a opté pour retracer le parcours des prophètes de Dieu. Son choix s’explique par une volonté de combiner le passé et le présent pour un mieux-être en société. ‘’Vivre, c’est comme conduire une voiture, il faut un rétroviseur pour mieux avancer et éviter les embuches. A la sourate 12 (Youssouf) du Saint Coran, au verset 110, on nous dit qu’en parcourant l’histoire des Prophètes, on peut embellir notre existence’’, explique-t-il avec un grand sourire. Lequel ne le quitte pas le long de l’entretien qu’il a accordé à EnQuête.

Pour ce natif de Yarakh (Dakar), les styles de prêches sont multiples, même si le but de tous les prêcheurs est le même, à savoir orienter les croyants vers le droit chemin et rappeler les recommandations divines. ‘’Il y a ceux qui ne parlent que du présent, ceux qui s’intéressent à la vie après la mort et il y a ceux qui allient les deux. Moi, je suis de cette dernière catégorie’’, s’identifie-t-il. Un bon créneau qui a ses effets, puisque Oustaz se dit  satisfait aujourd’hui de l’impact de son discours. Il reconnaît tout de même que pour lui comme pour les autres, il leur est difficile de  toucher toutes les couches de la société. Pour être conséquent, il a choisi une cible. Ainsi, son discours s’adresse-t-il à la jeunesse qu’il considère comme les alliés du Prophète Mouhamad (PSL).

Pour faire comprendre ses messages, le présentateur de ‘’Yobël’’, une chronique qui passe dans RFM matin, se met à leur niveau et utilise un langage simple et dépouillé. ‘’La religion est souple et peut s’accommoder à toutes les situations. La mort ne touche pas uniquement les personnes âgées.’’ Le combat du prêcheur aujourd’hui est de ne pas laisser la nouvelle génération à elle-même. ‘’La politique, le sport, la musique, la danse etc. sont des activités qui intéressent très souvent les jeunes. Nous faisons tout pour les dissuader de pratiquer ce genre d’activités. Mais ce n’est pas toujours évident, peu de jeunes nous suivent dans notre requête’’, se désole-t-il. Cependant, l’espoir est permis. Pour lui, tout n’est pas perdu car les choses semblent tourner de plus en plus en leur faveur. ‘’Dans mon quartier, le muezzin, c’est un jeune célibataire qui allie ses études universitaires et des cours de perfectionnement au ‘’Nidaa’’ (ndlr l’appel à la prière). Cela fait notre fierté car à défaut d’avoir 100%, on peut se contenter de 1%’’, se félicite-t-il.

Oustaz Mor mène un autre grand combat. Celui de l’amélioration des conditions de vie dans les ‘’Daara’’ (ndlr : écoles coraniques). Ce polygame et père de plusieurs enfants est engagé dans cette lutte, à cause de son amour pour l’enseignement coranique. Issu d’une famille d’érudits, il n’a pas voulu être l’exception. Ainsi, le prédicateur a très tôt suivi la voie tracée par son père qui, dit-il, a rédigé 12 exemplaires du Coran. ‘’Mon père croyait aussi au soufisme et voulait que j’intègre les grandes écoles étrangères après mon bac arabe. Malheureusement, la première vague d’étudiants qui était partie étudier est rentrée au pays, radicale et intégriste. Ces jeunes ont remis en cause nos confréries et leurs fondateurs. Ce qui n’a pas plu à mon père qui m’a demandé de surseoir à mon rêve d’aller étudier à l’étranger. Il voulait certes que j’aie de la connaissance, mais il était contre le dénigrement de nos religieux’’, se souvient-il.

Un fait qui vous paraîtra bizarre. Dans son parcours, Mor Thiam n’a jamais fréquenté l’école française. A l’entendre à l’antenne, on pourrait jurer le contraire, même si parfois il a du mal à prononcer certains mots ou à faire correctement certaines phrases. Ce qui ne manque pas de déclencher l’hilarité de ses interlocuteurs. Le prêcheur se dit toutefois à l’aise dans la langue arabe. Pour parfaire sa formation, il est ainsi passé par plusieurs localités dont Saint-Louis, Tivaouane, Coki … ‘’J’ai aussi fait des spécialisations dans divers domaines et à chaque étape, j’ai eu un diplôme sanctionnant ma formation.’’

Les débuts difficiles à la RFM

Ainsi, resté au bercail après ses formations, il a commencé à chercher une place dans les médias. Oxy-jeunes Fm dans la banlieue dakaroise lui ouvre en premier ses portes avant d’être accueilli à la défunte Sport Fm. Cette dernière est devenue au fil du temps la RFM. Ce qui fait de lui l’un des plus anciens employés de cette radio avec le journaliste sportif Laye Diaw. Oustaz Mor Thiam se souvient aujourd’hui avec mélancolie des débuts de cette bande FM. ‘’Nous avons eu des moments difficiles dans cette radio, des périodes où on avait du mal à assurer la dépense quotidienne, mais nous sommes restés endurants’’, se remémore-t-il. Cette patience semble payer aujourd’hui, car le prédicateur est responsable du desk religieux du groupe de presse de Youssou Ndour. ‘’Je peux dire que j’anime toutes les émissions car j’ai un droit de regard sur toutes et on me voue une entière confiance’’, assure-t-il. Par conséquent, hormis l’émission ‘’warefu ramadan’’ qui passe du lundi au jeudi à la Télévision Futurs médias, le prêcheur co-anime ‘’Diangalou-dinné’’ les vendredis de 11h à 12h avec Oustaz Ndiaga Seck.  Sur la RFM passe ‘’Kaddu l’islam’’ et, tous les matins, Oustaz analyse également les thèmes d’actualité quotidienne. ‘’On commente les sujets développés dans les sites d’information, dans les journaux pour faire nos prêches. Il y a également ‘’Yobël’’, une rubrique dans RFM matin depuis 4 ans.

‘’Je souhaite qu’il dirige ce pays’’

Oustaz Mor a un style vestimentaire soigné, il est soit en tenue traditionnelle sénégalaise, soit en djellaba toujours assorti d’un bonnet sur la tête, lunettes bien vissées. Le prédicateur est décrit par ses collaborateurs de ‘’Warefu ramadan’’ comme un homme éloquent et un perfectionniste. Ce qui fait dire à Oustaz Assane Seck qu’il est un bon pédagogue, il est captivant et accroche ses auditeurs. ‘’On travaille ensemble depuis 07 ans, il n’a jamais changé. Il est resté gentil et solidaire, et toujours disposé à orienter les gens’’, témoigne le chroniqueur dans l’émission ‘’Yewuleen’’. Ce qui marque le plus les animateurs de ‘’Warefu ramadan’’ chez Mor Thiam, c’est sans doute son amour pour Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy. ‘’On a le même marabout et guide spirituel’’, se glorifie Seyda Fatou Binetou Diop. Mieux, précise Assane Seck, son collègue pratique à la lettre les recommandations du saint homme.

Pour Seyda Fatou Bintou Diop, c’est plus qu’un privilège de travailler avec Oustaz Mor Thiam. Il ne peut en être autrement, quand on travaille avec son idole. ‘’J’étais fan de Mor Thiam, avant même de le côtoyer. A mes débuts à la télé, on m’a proposé de travailler avec quelqu’un pour assurer l’émission durant le ramadan. C’est par la suite que j’ai su que j’allais co-animer avec Oustaz Mor Thiam dont j’étais le fan numéro 1’’. Une collaboration qui a davantage solidifié leurs relations, car après cinq ans de co-animation, son estime envers le prédicateur croit de jour en jour. ‘’En parlant de lui, j’ai les larmes aux yeux, il m’appelle affectueusement yaay booy. Des fois, je me dis qu’il en fait trop, car j’ai un sacré tempérament et malgré ça, on arrive à travailler ensemble. Il est gentil, serviable, accessible et voue un amour incommensurable à sa famille et son quartier ; tous ses revenus leurs sont destinés’’. Aujourd’hui, le souhait le plus cher et cocasse de Seyda Fatou Bintou Diop est de voir Oustaz Mor Thiam diriger le Sénégal. ‘’Je suis sûre que je serais sa première ministre’’, ironise-t-elle… Qui sait...

HABIBATOU TRAORE