Publié le 13 Apr 2021 - 02:52
OUVRAGE COLLECTIF SUR LE SÉNÉGAL POST-COVID-19

Le plaidoyer pour la restructuration du secteur de la pêche artisanale 

 

Dans la perspective de la souveraineté alimentaire du Sénégal après la crise sanitaire de Covid, l'Etat doit aller vers la révision des schémas de la pêche artisanale, voire restructurer le secteur, mieux l’organiser et aller jusqu’à diversifier les sources de production du pays. C'est le plaidoyer qu'a fait Rouguyatou Ka, une des auteurs de l'ouvrage collectif intitulé ‘’Le Sénégal post-Covid-19 : quelles ruptures vers la souveraineté ?’’, lors de la présentation de ce livre, samedi.

 

Une tribune pour permettre aux différents chercheurs de présenter leurs solutions post-Covid, afin que le Sénégal arrive à une souveraineté économique du pays. C’est ce qu’offre l’ouvrage collectif intitulé ‘’Le Sénégal post-Covid-19 : quelles ruptures vers la souveraineté ?’’ présenté samedi aux Editions L’Harmattan. ‘’Dans cette perspective de la souveraineté alimentaire, il faut aller vers la révision des schémas de la pêche artisanale, voire restructurer le secteur, mieux l’organiser et aller jusqu’à diversifier nos sources de production. Parce que la pêche maritime domine vraiment le domaine halieutique. Alors qu’il y a des potentialités aquacoles qui sont là et qu’il faudrait exploiter pour mieux soutenir le Sénégal dans cette perspective d’avenir’’, affirme l’une des auteurs de ce livre, Rouguyatou Ka.

D’après la doctorante-géographe des dynamiques territoriales à l’université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB) qui se penchait sur les défis la pêche artisanale face à la Covid-19 dans cet ouvrage, le deuxième enjeu est diplomatique. ‘’Nous sommes dans un contexte de raréfaction des produits halieutiques. Alors, comment peut-on dire que nos mers ne produisent plus ce qu’elles produisaient et envisager des questions d’accords ou de consolidation d’accords et de licences de pêche ? Là, cela pose des problèmes de cohérence. La maitrise de cet environnement est un enjeu majeur pour l’avenir de nos pêcheurs locaux, mais aussi de système alimentaire’’, souligne cette chercheure.

Dans ce cadre, Rouguyatou Ka note que l’Etat peut toujours explorer une collaboration sous-régionale au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ou plus globalement, de l’Afrique de l’Ouest et voir comment mieux organiser l’espace pour une fluidité de la circulation des pêcheurs sénégalais, d’autres zones. Ceci, pour mieux faire vivre l’intégration sous-régionale et en même temps régler les questions des Saint-Louisiens qui rencontrent beaucoup de problèmes à ce propos. ‘’Concernant l’enjeu scientifique et pétro-gazier, c’est qu’il va falloir, à un moment donné, nous arrêter sur ce que contiennent effectivement nos mers, pour mieux évaluer les stocks de poisson disponibles. A partir de là, on pourrait voir comment réviser les accords et licences. Mais aussi quels sont les potentiels de l’exploitation gazière’’, indique-t-elle.

Pour sa part, le directeur général de la Société des infrastructures de réparation navale (SIRN) a soutenu que le pays a ‘’d’énormes potentielles’’ pour assurer sa propre production. ‘’Le Sénégal est dans une position géographique assez confortable avec l’océan Atlantique et la longueur de nos côtes, ce qui constitue un énorme enjeu. Mais quand on survole le Sénégal, on se rend compte que sur le plan de l’infrastructure navale, il y a des atouts. Il y a également parmi les atouts, ce potentiel énorme dans le domaine de la pêche. Nous produisons beaucoup de poissons. Nous avons un marché national, et c’est aussi un atout. On a également le potentiel minier, avec 640 millions de tonnes de fer, dans l’est du pays. Il y a également les iles du Saloum, de la Casamance, etc. Aujourd’hui, si on avait produit des navires pour la pêche industrielle, ce serait bénéfique pour le pays’’, défend Samba Ndiaye.

Le patron de la SIRN a notifié que le Sénégal a déjà des industriels qui achètent des navires de seconde main en Chine ou ailleurs, signent des accords avec leurs partenaires multinationales qui viennent pêcher au Sénégal. ‘’Il faut une logistique nationale pour soutenir le secteur, se positionner dès maintenant sur le marché sénégalais, mais aussi en Afrique qui a besoin d’industries navales’’, dit M. Ndiaye.  

Aller vers une approche économique poursuivant l’orientation de Mamadou Dia

En fait, le Dr Alioune Ndione, coauteur de cet ouvrage, signale qu’on ne peut pas avoir un développement, si l’essentiel des pratiques de l’activité économique sont ‘’extraverties’’ ou ‘’ne sont pas maitrisées’’. ‘’Il faut qu’on aille vers une approche économique qui va poursuivre l’orientation de Mamadou Dia, qui prônait le développement à la base, mais également de proposer un modèle économique pour la territorialisation à la base. On doit aller vers l’économie immédiate. Il faut qu’on valorise ce qu’on a. On a deux procédés économiques : à savoir la valorisation, la valeur ajoutée en tant que tome économique, l’optimisation et ensuite la notion de terroir’’, estime-t-il.

En conjuguant la création de richesses avec le terroir, le Dr Ndione indique qu’on a un indicateur de souveraineté beaucoup ‘’plus important’’ pour prendre des décisions politiques et publiques, que le produit intérieur brut (PIB) qui peut être extraverti. ‘’Et la culture nous permet d’articuler le système de production et la consommation, de même que l’environnement qui va nous permettre de voir le caractère réel de l’économie, en prenant en compte la durabilité. En conjuguant ces six éléments, on est dans l’immédiateté et non dans l’extraversion. Il faut qu’on ait une économie qui est sensible à une croissance bien mise en œuvre à travers les différents niveaux, micro, macro et méso. C’est à la fois une pratique économique et aussi une approche d’entreprenariat social et de politique publique’’, soutient-il.

Donc, le Dr Ndione pense que dans l’allocation des ressources budgétaires, l’Etat doit désormais prendre en compte la sensibilité à l’immédiateté. ‘’Si l’Etat le fait, on aurait des résultats qui vont se sentir en termes d’impact sur les populations. Il faut le contournement, l’étouffement des multinationales, le modèle économique de la Thaïlande et l’approche coopérative de Mamadou Dia. Celle-ci nous permet de relier les producteurs, les transformateurs et les consommateurs. L’économie immédiate est réelle, intégrative et soutenue. Cela appelle, dans cette donne, à la prise de beaucoup de décisions politiques, notamment le transfert de technologie, le réseautage du système’’, conclut-il.

MARIAMA DIEME

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