Publié le 29 Nov 2012 - 20:05
POSTURE D'OPPOSITION

Quand le Pds rêve du bon vieux temps !

 

Professionnels de la culture d'opposition avec Wade, les Libéraux reviennent à leurs premières amours après leur déroute du 25 mars, le maître invisible en arrière-plan.

 

«Nous allons apprendre à Macky Sall comment s’opposer». Ce propos que le député Modou Diagne Fada avait confié à EnQuête, donne une idée de ce que sera le Parti démocratique sénégalais (PDS) lors du mandat du chef de l'Etat élu le 25 mars 2012. S’estimant victimes d’«agression de Macky Sall et de son régime» dans le cadre de la traque des biens mal acquis, les libéraux prévoient d’organiser «un grand rassemblement» le 6 décembre à la Place de l’Obélisque.

 

Instinct de survie ou nostalgie de la vieille époque ? Babacar Gaye, porte-parole du Pds, joint par EnQuête, précise : «Nous n’avons jamais quitté l’opposition, dit-il. Le Pds des années 80 reste dans le cœur des militants. Nous sommes retournés à notre matière avec les gens qui ont cru à ce parti. Le parti est ragaillardi vu l’engouement des militants.» A cet effet, le président du Conseil régional de Kaffrine rappelle que «le Pds usera de tous les moyens légaux pour faire respecter ses droits et s’opposer à l’oppression».

 

Né en 1974 à la faveur du multipartisme avec la naissance des «quatre courants», le Pds, pendant 26 ans, a marqué l’opposition sénégalaise par le charisme de son leader, Me Abdoulaye Wade. Opposant au régime de Senghor et d’Abdou Diouf, le «pape du Sopi» cristallise, à l’époque, l’espoir de toute une jeunesse qui en a marre du pouvoir socialiste. Cette jeunesse-là, qui ne refuse rien à Me Wade, répond spontanément à son appel. Le Sénégal se souvient encore des manifestations violentes qui ont émaillé l’élection présidentielle du 28 février 1988. Placé deuxième (25%) derrière Abdou Diouf, Me Wade dénonce alors des «fraudes massives» et invite ses partisans à «refuser la confiscation» de sa victoire. De quoi mettre le feu aux poudres.

 

A Dakar comme dans les régions, les manifestations se multiplient. La tension est vive, l’adrénaline est à son paroxysme. Des voitures sont cassées, des magasins saccagés, des stations d’essence brûlées. Pour «prévenir tout désordre», le pouvoir socialiste dont André Sonko est le ministre de l'Intérieur décrète l’Etat d’urgence. Le secrétaire général du Pds est arrêté le 29 février 1988. Jugé et reconnu coupable le 11 mai suivant pour sa responsabilité dans ces manifestations, Wade écope d'un an de prison ferme, alors que ses compagnons Boubacar Sall et Assane Dia prennent 2 ans et 6 mois. Ces derniers sont accusés d’avoir commandité des jets de pierres sur des policiers, sur le cortège présidentiel, et défié l’autorité publique.

 

Pour apaiser la tension, le président Abdou Diouf lève l’état d’urgence et tend la main à son adversaire politique historique qui l'accepte. Ainsi, le 26 mai 1988, l'opposant est reçu en audience au Palais de la République. Une rencontre au terme de laquelle il se dit disposé à travailler avec le régime socialiste. C'est le premier gouvernement de majorité élargie.

 

Mais cette cohabitation ne fait pas long feu. Quatre ans plus tard, Me Wade, alors ministre d’Etat, est au devant de la scène suite à l’assassinat de Me Babacar Sèye, vice-président du Conseil constitutionnel, le 15 mai 1992. Tous les yeux sont braqués sur le Pds dont l’un des responsables avait, au cours d’un meeting, ouvertement menacé de mort le juge s’il proclamait Diouf vainqueur de la présidentielle. Me Wade, son épouse, Me Ousmane Ngom, Abdoulaye Faye, sont inculpés de «complicité d’assassinat et d’atteinte à la sûreté de l’Etat». La psychose de la violence s’empare à nouveau du pays. Les populations retiennent leur souffle. Me Wade et ses frères sont finalement libérés, pendant que Clédor Sène et Cie sont condamnés à 20 ans de réclusion criminelle. Une peine qu’ils ne purgeront pas entièrement puisqu’ils seront graciés par... le président Wade, en 2005.

 

Psychose de la violence

 

L’opposition de Me Wade au régime socialiste devient sans répit. Il élargit le cercle de ses soutiens et décroche un allié de taille : Moustapha Sy, guide des Moustarchidine wal moustarchidati. Farouche opposant à Diouf, ce marabout se distingue par ses sorties au vitriol.. Jusqu'à ce meeting organisé sur le boulevard du Centenaire par la Coordination des forces démocratiques (CFD) qui vire au drame. Des manifestants, en furie, s’attaquent violemment aux policiers. Sept personnes sont assassinés dont cinq policiers. Me Abdoulaye Wade et Landing Savané (And Jëf) sont interpellés pour «incitation à la violence», placés en garde-à-vue puis libérés. Moustapha Sy, lui, est inculpé et placé sous mandat de dépôt pour «actes et manœuvres de nature à troubler l’ordre public». Dakar est encore sous le choc.

 

 

Deux manifestations distinctes ont lieu, l’une contre le plan d’austérité initié par le duo Pape Ousmane Sakho-Mamadou Lamine Loum, et l’autre contre l’arrestation du marabout de Tivaouane. Elles sont dispersées par la police. Bilan : plusieurs arrestations dont celles de Landing Savané, Ousmane Ngom, Abdoulaye Faye. Le juge leur colle une condamnation de six mois avec sursis. Pour le guide des Moustarchidine, c'est un an ferme. Ces peines ne tempèrent pas pour autant les ardeurs de l’opposition. Profitant du malaise social des années 1990 exacerbé par la dévaluation du francs Cfa, Me Wade se présente de plus en plus en messie pour faire oublier le régime socialiste. Il parvient à fédérer de très larges franges de l'opposition politique et de la société civile autour de sa personne dans un processus de remise en cause de 40 ans de règne du Parti socialiste. Il y parviendra en 2000...

 

 

DAOUDA GBAYA

 

 

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