Publié le 28 Aug 2018 - 09:31
ROHINGYAS

L'armée birmane rattrapée par des accusations de génocide

 

Dans un rapport détaillé, des enquêteurs de l'ONU estiment que «les principaux généraux de Birmanie, y compris le commandant en chef Min Aung Hlaing» doivent être poursuivis pour leurs crimes de masse contre les Rohingyas.

 

C’est la plus forte condamnation à l’encontre du régime civilo-militaire birman jamais prononcée par les Nations unies. Un an après le début du nettoyage ethnique à l’encontre de la minorité rohingya dans l’Etat Rakhine (ouest de la Birmanie) un groupe d’enquêteurs travaillant pour l’ONU ont demandé lundi la démission immédiate du chef de l’armée birmane Min Aung Hlaing – réel dirigeant du pays – et sa traduction devant la justice internationale pour «génocide», «crimes contre l’humanité» et «crimes de guerre». Une démarche qui a bien peu de chance d’aboutir à l’heure actuelle.

Le 25 août 2017, à la suite d’un assaut de l’Armée du salut des Rohingyas de l’Arakan contre des postes-frontières, la Tatmadaw, les forces armées birmanes, se lançait dans une vaste opération de contre-insurrection, devenue au fil des mois un nettoyage ethnique et l’une des plus graves crises humanitaires de ces vingt dernières années. Près de 750 000 personnes ont fui les exactions de masses systématiques des militaires birmans pour se réfugier au Bangladesh voisin et s’amasser dans des camps de fortune.

Les enquêteurs de la mission d’établissement des faits de l’ONU sur la Birmanie, créée par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies en mars 2017, se sont rendus à de nombreuses reprises en Birmanie, tout en multipliant les missions au Bangladesh, en Indonésie, en Malaisie, en Thaïlande et au Royaume-Uni. Lors d’entretiens approfondis, ils ont entendu 875 victimes et témoins des exactions de masse et des crimes commis depuis 2011 dans toute la Birmanie. Ils ont également rencontré 250 responsables gouvernementaux, membres d’ONG, experts, diplomates pour écrire leur rapport de 20 pages. Outre l’Etat Rakhine, en proie au feu de la haine, ils ont élargi leur enquête aux Etats Shan et Kachin où sévissent des guerres civiles entre rébellions ethniques et les soldats de la Tatmadaw. La mission de l’ONU détaille comment les militaires ont commis massacres et viols collectifs contre les Rohingyas avec une «intention génocidaire», des faits déjà établis par des ONG et des enquêteurs depuis un an.

Tribunal ad hoc

Les trois rapporteurs (Marzuki Darusman, Radhika Coomaraswamy et Christopher Dominic Sidoti) concluent que «les principaux généraux de Birmanie, y compris le commandant en chef Min Aung Hlaing, doivent faire l’objet d’enquêtes et de poursuites pour génocide». Cinq autres haut gradés de l’infanterie, des opérations spéciales et du commandement militaire de l’ouest birman sont également mentionnés par les enquêteurs. Ils demandent au Conseil de sécurité de faire appel à la Cour pénale internationale ou d’établir un tribunal international ad hoc, appellent à des sanctions ciblées contre les auteurs de crimes et à un embargo sur les armes.

La dirigeante birmane et prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi n’est pas épargnée par les critiques : «Elle n’a pas utilisé sa position de facto de chef du gouvernement, ni son autorité moralpour contrer ou empêcher le déroulement des événements dans l’Etat Rakhine», écrivent les rapporteurs. Par leurs actes et leurs omissions, les autorités civiles ont contribué à la commission de crimes atroces.»

«Les Rohingyas sont dans une situation continue d’oppression sévère, systémique et institutionnalisée de la naissance à la mort», assure le président de la mission de l’ONU, l’Indonésien Marzuki Darusman. La Commission européenne entend organiser une réunion cette semaine à Bruxelles avec les auteurs du rapport. «Les responsables de ces violations présumées des droits de l’homme, sérieuses et systématiques, doivent rendre des comptes», a déclaré un porte-parole de la Commission, ajoutant que d’éventuelles mesures européennes devaient être discutées avec les Etats membres de l’UE.

liberation.fr

 

 

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