Publié le 4 Dec 2021 - 08:40
SITUATION À LA POSTE

Au bord de l’implosion

 

La tension est vive au niveau de la société nationale La Poste, où le limogeage du directeur général de Postefinances, filiale de La Poste, semble avoir mis le feu aux poudres.

 

Le Rubicon semble avoir été franchi au niveau de l’entreprise nationale La Poste. Avant-hier, l’administration de cette société au bord du gouffre a pris la décision, jugée grossière. Le directeur général Abdoulaye Bibi Baldé a purement et simplement publié, mercredi, une note de service portant limogeage du directeur général de Postefinances, filiale de l’entreprise. Jusque-là, rien d’anormal. Mais là où le bât blesse, ce sont les raisons qui ont prévalu au départ de Saliou Fédior, ci-devant directeur général de Postefinances, moins d’un an après sa nomination.

En fait, le désormais ex DG a commis l’indélicatesse d’avoir osé porter plainte, suite à la découverte de déficits cumulés qui dépasseraient les 1,5 milliard F CFA à l’agence principale Malick Sy et au Centre financier de Dakar. La guillotine n’a pas tardé à tomber sur sa tête, à peine une semaine après la fameuse plainte.

Mais pourquoi une telle décision contre celui qui est considéré comme le plus gradé de La Poste ? Qui cherche-t-on à protéger ? Une chose est sûre, le principal mis en cause dans cette nébuleuse portant sur 1,5 milliard, le chef de l’agence Malick Sy, n’est, lui, nullement inquiété. Le plus cocasse, c’est que, selon l’Amicale des diplômés des écoles de postes, ce n’est pas la première fois qu’un DG de Postefinances paie pour avoir osé prendre des dispositions allant dans le sens de tirer au clair cette nébuleuse.

 A en croire leur communiqué, le prédécesseur de M. Fédior, M. Bassirou Wade, avait, lui aussi, été démis après avoir pris une note de service pour relever de ses fonctions le chef d’agence en question. ‘’Comment, s’interrogent les agents diplômés des écoles de poste, comprendre cette volonté obsessionnelle du directeur général à sévir contre tout DG de Postefinances qui souhaite faire la lumière sur ces déficits importants ? Comment comprendre que des centaines de millions F CFA soient mis en cause dans des accusations de malversations sur des deniers publics sans que la direction générale n’encourage des initiatives allant dans le sens de situer les responsabilités et de prendre des mesures conservatoires ?’’.

Pourtant, selon l’amicale, celui qui est considéré comme un intouchable devrait faire valoir ses droits à une pension de retraite depuis plus de trois ans, mais il est maintenu grâce à des contrats spéciaux qui durent depuis Ciré Dia. Félicitant leur collègue Fédior pour son courage, l’ADEP met en garde l’Etat contre cette gouvernance obscure au sommet de La Poste. Elle appelle tous les travailleurs à plus de responsabilité, au courage et au sens de l’honneur pour préserver leur outil de travail contre les pratiques qu’elle considère comme mafieuses. ‘’L’amicale alerte l’Etat et lance un appel à toutes les forces vives de la nation en général, de La Poste en particulier, pour lutter contre ces actes et comportements de la Direction générale aux antipodes des intérêts de l’entreprise’’.

Déficits chroniques

En fait, cette situation n’est que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Depuis des mois, voire des années, La Poste sénégalaise se trouve dans une situation plus que comateuse. Avec des déficits chroniques, un népotisme à nul autre pareil qui a fini de transformer la société nationale en un véritable gouffre financier. Une situation qui a fini de rendre tout le monde, les agents diplômés des postes en particulier, dans une grande inquiétude. ‘’Depuis mardi, rapporte un interlocuteur, on a cessé de payer les bourses de sécurité familiale, parce qu’il n’y a pas d’argent, alors que l’Etat dit avoir procédé aux décaissements’’.

Aussi, insistent-ils, cela fait des mois que les salaires à La Poste ne sont plus payés entre les 25 et 28 comme auparavant. Ils sont désormais payés entre les 2 et 5 du mois parfois.

C’est le cas pour les retraités qui font le pied de grue aux chèques postaux. Cela fait des jours qu’ils y font la navette et n’arrivent à percevoir leurs pensions. D’ailleurs, cela fait quelques mois qu’ils vivent cette galère. Les agents de la Poste leur servent, tout le temps, des faux-fuyant comme : ‘’le système est en panne’’ ou ‘’revenez ce soir, il y aura de l’argent’’…

Dans le viseur des contestataires, il y a directement le directeur général et non moins maire de Kolda Abdoulaye Bibi Baldé. A l’instar de son prédécesseur Ciré Dia, ce dernier aurait mis en place un système de gouvernance peu transparent à la tête de la société nationale, avec une masse salariale qui ne cesse de gonfler, devenant insupportable pour la boite. Notre source de souligner : ‘’Notre préoccupation, c’est moins la personne du DG de Postefinances que l’avenir même de notre outil de travail. Notre souhait est que la justice fasse son travail dans cette affaire et que les responsabilités soient situées.’’

Une passation au forceps !

Hier, l’on a frôlé le pire au niveau de cette institution. Selon certaines sources, la direction générale a fait venir des nervis au niveau des colis postaux, pour empêcher le DG déchu de Postefinances d’accéder à son bureau. Grâce à la détermination des agents qui estiment que la décision est illégale, Fédior a pu accéder à son bureau. Dans une audio, des postiers se donnent d’ailleurs rendez-vous aujourd’hui au niveau des colis postaux pour barrer la route à ce qu’ils considèrent comme une forfaiture. Pour eux, pour démettre le directeur général de Postefinances, Bibi aurait dû forcément passer par le Conseil d’administration de la boite.

Mais, aux dernières nouvelles, la passation de service a bel et bien lieu, malgré la désapprobation des pro-Fédior. Ce dernier a tout simplement pris la décision de ne pas participer à ce qu’il considère comme une injustice. La passation a été constatée par voie d’huissier et actée par la direction générale. L’administrateur des postes, Saliou Fédior, a ainsi été remplacé par le nommé Abdoul Aziz Diallo, Inspecteur des postes.

Il faut le préciser, M. Fédior, qui vient d’être démis, est l’agent le plus gradé actuellement en service au niveau de La Poste. ‘’C’est le seul administrateur des postes actuellement, c’est-à-dire le grade le plus élevé. Tous les autres administrateurs que comptait La Poste sont partis à la retraite. Tout ce que nous demandons, c’est que cette affaire des 1,5 milliard soit tirée au clair ’’, insistent nos interlocuteurs.

Nos tentatives d’entrer en contact avec la Direction générale de La Poste sont restées vaines. Malgré nos messages, la cellule de communication de la boite a préféré s’emmurer dans le silence.

MOR AMAR

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