Publié le 4 Nov 2020 - 21:36

Remaniement, replâtrage ou purge ?

 

Le récent remaniement ministériel entre dans la longue série de comportements politiques irrationnels auxquels nous a habitué le régime de Benno Bokk Yakaar depuis la prétendue réélection de son président en Février 2019.

Comment, en effet, expliquer le fait qu’un candidat sortant censé être réélu avec une majorité confortable de 58%, appelle au dialogue, avant même la proclamation définitive des résultats de l’élection ? Qu’est ce qui justifie le peu d’empressement de la Coalition présidentielle à confirmer la majorité confortable obtenue par son leader, en organisant des élections locales, le plus tôt possible ? Pourquoi cette persistance dans les errements (violations des droits de l’homme, atteintes aux libertés, floraison de scandales fonciers, impunité pour les auteurs de crimes économiques proches du pouvoir...), en lieu et place d’une rectification de l’orientation politique initiale ?

En appelant au dialogue politique, juste après sa réélection contestée, le Président Sall donnait, malgré tout, l’impression de vouloir faire amende honorable et de vouloir terminer son dernier mandat en sortant par la grande porte.

Malheureusement, force est de constater que, depuis lors, son comportement politique exhale de forts relents d’intrigues pour lui permettre, sinon de postuler pour un troisième mandat, tout au moins d’assurer ses arrières en se choisissant un dauphin dévoué.

En définitive, l’appel au dialogue, loin d’être sincère, visait plutôt à décrisper une atmosphère post-électorale lourde, du fait de sa victoire usurpée grâce à des artifices plus que douteux (emprisonnements et exil de rivaux politiques, loi sur parrainage citoyen, tripatouillages du fichier électoral et même celui d’état-civil...).

Jusqu’à présent, aucune date n’a été retenue pour la tenue des Locales, avec en perspective, un chamboulement suspect du calendrier républicain cachant des desseins inavoués. Il est vrai que la majorité actuelle court le risque de réaliser des scores moins probants qu’aux présidentielles truquées, sans oublier la possibilité d’émergence de puissants leaders locaux (syndrome de Khalifa Sall), qui pourraient mettre à mal la cohésion de cette majorité unanimiste et grégaire. Il faut comprendre la philosophie de la coalition Benno, qui consiste à ne laisser aucune tête émerger, en dehors de celle du leader bien-aimé. Certains des ministres remerciés lors de ce remaniement, aux allures de purges, savent à quoi s’en tenir !

Au lieu d’organiser sa formation politique et de structurer la Coalition qui soutient son action politique, le président semble plutôt promouvoir la docilité et le dévouement aveugle chez ses collaborateurs et alliés, auxquels on restreint les libertés d’agir, de parler et même de penser, sous peine d’être défenestrés.

Pendant ce temps, on lance des clins d’œil suggestifs à l’opposition modérée, avec laquelle on finit par se réconcilier, grâce à l’intermédiation de notabilités religieuses. Ainsi donc, en nommant Mr Idrissa Seck, arrivé deuxième aux présidentielles de 2019, à la tête du C.E.S.E, on l’a contraint à changer ses projets. 

Lui qui aspirait, il y a peu, à devenir le chef de l’Opposition politique dans notre pays, va surseoir -tout au moins provisoirement – à ses ambitions présidentielles et se satisfaire de la station de président de la quatrième institution du pays.

Il s’agirait, selon lui, d’aider le pouvoir à faire face aux conséquences économiques dévastatrices de la COVID-19 et aux menaces sécuritaires, qui agitent notre sous-région.

Les mauvaises langues susurrent qu’on lui aurait plutôt fait miroiter une éventuelle station de dauphin, dans le cadre d’une majorité réaménagée, au cas où le contexte sociopolitique en pleine mutation au niveau de la sous-région ne permettrait plus la matérialisation d’une troisième candidature de l’actuel locataire du palais présidentiel.

En réalité, le récent remaniement du gouvernement ne fait que confirmer la vraie nature du régime du président Sall, similaire à ceux de la Guinée et de la Côte d’Ivoire, reposant sur une gouvernance autoritaire avec un vernis démocratique.

Pour surmonter les défis qui nous assaillent, notamment la récession économique d’après COVID-19 et les menaces sécuritaires, les seuls remaniements politiciens n’y suffiront pas. 

Il faudra se résoudre à instaurer une gestion vertueuse et à s’inscrire résolument dans la perspective d’une société véritablement démocratique, où règneront la justice sociale et la paix civile, telle qu’esquissée par les Assises Nationales du Sénégal. 

NIOXOR TINE

leelamine@nioxor.com

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