Publié le 6 Dec 2012 - 08:38
3 QUESTIONS…

Au professeur Alioune Sall*, Directeur de l’Institut «Think Tank» des Futurs Africains

 

A la sortie du panel «Quelle place pour l’Afrique dans le monde d’aujourd’hui et de demain ?», au cours duquel il intervenait en qualité de modérateur, le Pr Alioune Sall de l’Institut «Think Tank» des Futurs Africains a répondu aux questions d’EnQuête quant aux enjeux et à la portée des Africités.

 

 

Au cours du panel qui vient de s’achever, vous avez affirmé qu’il fallait repenser le développement de l’Afrique. Est-ce que vous pensez que des sommets comme les Africités peuvent aider les peuples d’Afrique à créer les nouveaux paradigmes du développement du continent?

 

Cela peut l’être à plusieurs conditions… Il faut d’abord que la notion de territoire soit repensée. Le territoire a, bien sûr, une dimension géographique, mais aussi une certaine histoire. Nous avons différents types de territorialités : l’État était une certaine forme de territorialisation et, davantage, l’État colonial qui relève d’une territorialisation qui a découpé l’Afrique, sans respect pour les entités culturelles qui étaient sur le continent, pour les frontières etc. Aujourd’hui, quand on parle de «nouvelles territorialités», il faut faire en sorte que ces dernières soient inscrites dans l’histoire, aient une justification et une épaisseur historique que n’avaient pas les États.

Donc, il faut repenser la notion de territoire, mais il faut surtout penser les relations entre les différentes entités territoriales qui existent. Définir les territoires d’une part, définir les relations entre les territoires d’autre part : voilà une double exigence qui, si elle est remplie, peut permettre aux Africités de contribuer, je crois, à changer la donne.

 

 

Le fait que ce soient des acteurs de base, maires et représentants de collectivités locales, qui se réunissent aujourd’hui à Dakar donne-t-il, selon vous, plus de chances d’avoir des résultats concrets, une fois rentrés chez eux, ou le sommet des Africités ne sera-t-il, finalement, qu’un sommet «aérien» comme les autres ?

 

Ça peut être une rencontre comme les autres… qui ne sera donc pas suivie d’effets… mais il n’y a pas de fatalités pour qu’il en soit ainsi. Tout dépendra de la légitimité dont disposent les maires et représentants de communautés qui sont ici. S’ils ont la légitimité suffisante pour imposer leurs points de vue et entrer en alliance avec d’autres, alors, il est certain que les choses vont changer. Je le dis parce que ce qui ressort très clairement des discours inauguraux prononcés ce matin, c’est qu’au fond, les représentants de collectivités locales souhaitent changer leurs rapports avec le pouvoir central, mais ce dernier ne cédera une part de ses prérogatives que s’il voit un intérêt ou s’il sent qu’il y a une mobilisation suffisamment forte pour ouvrir les vannes. Tout dépendra de la capacité de ces collectivités locales à s’organiser.

 

 

Par rapport à ce concept d’«insurrection intellectuelle» qui est apparu au cours du panel, peut-on avoir plus de détails sur cette nécessité du continent à se défaire d’idées préconçues sur son développement ?

 

 

La façon dont le développement est conçu et la façon dont il est mesuré ne nous satisfont pas, en tant qu’Africains. Jusqu’ici, le développement est mesuré, la plupart du temps à l’aune de la croissance économique, or on sait que cette dernière n’est pas neutre… Il y a des «bonnes» croissances économiques, comme il y en a de «mauvaises». Une croissance économique qui accroît les disparités entre groupes et fait qu’au fond, les résultats de la croissance vont à une minorité et laissent la majorité dans le sous-développement, n’est pas quelque chose de souhaitable pour l’avenir.

Ce qui se passe dans plusieurs de nos pays africains est que vous avez deux courbes qui sont parallèles : celle de la croissance économique d’une part et l’autre de la pauvreté. Les deux sont des courbes ascendantes, ce qui signifie qu’il y a un accroissement des disparités entre les groupes sociaux, parce que sinon, il devrait y avoir des courbes inversées : si la croissance monte, la pauvreté devrait baisser. Des instruments de mesure comme le PNB et le PIB, qui ne mesurent que le volume des richesses créées, sans se soucier de la façon dont la richesse est distribuée entre les groupes, de tels instruments ne sont pas adéquats. Ils ne sont pas appropriés. Voilà pourquoi de nouveaux indicateurs ont été proposés, qui tendent à incorporer des considérations ou des préoccupations d’ordre social ou sociétal, tel que l’Indice du Développement humain qui a été élaboré par le PNUD et qui prend en compte l’espérance de vie à la naissance, le niveau d’éducation etc.

Parce qu’au fond, la croissance n’a de sens que si elle se traduit en une amélioration de nos conditions de vie.

 

* Docteur en sociologie, coordonnateur régional du PNUD (1997-2003) à Abidjan, actuel Directeur exécutif de l’Institut des Futurs Africains (Pretoria)

 

 

Sophiane BENGELOUN

 

 

 

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