Publié le 9 Aug 2012 - 18:06
ACCIDENT DE CIRCULATION

Tous coupables

 

''Un accident d'une rare violence a fait vingt-trois morts dont dix-neuf sur le coup''. La formule est lapidaire, et sonne comme du déjà entendu. Sauf qu'elle a le don de mettre à nu une réalité insupportable : la route tue au Sénégal, plus que de raison.

 

 

Car comment expliquer le drame qui s'est produit à hauteur du village de Sikilo 2, dans la région de Kaffrine ? Sinon que les même causes produisent les mêmes effets, depuis des décennies, sans qu'une réelle volonté politique et citoyenne ait été exprimée, afin de prendre à bras le corps les accidents meurtriers de la route qui se produisent à longueur d'année, de manière quasi-quotidienne, et déciment la population.

 

Assurément, l'accident de la nuit du lundi au mardi est de ceux que la raison a du mal à accepter. La tragédie rappelle que dans moins de deux mois, le Sénégal va commémorer les 10 ans du naufrage du bateau Le Joola. Déjà à l'époque, négligence, laxisme et laisser-aller avaient conduit à la plus grande catastrophe de l'histoire maritime internationale en faisant près 2000 morts, plus que le Titanic.

 

Dix ans après, les mêmes tares conduisant aux mêmes tragédies, les Sénégalais continuent de mourir par dizaines du fait d'accidents qui frisent l'absurde. En effet, quelles que soient les causes de l'hécatombe, le constat est que l'écrasante majorité des accidents fatals met en scène des camions ou des cars de transport en commun. Après le drame du Joola, de bonnes résolutions avaient été prises qui ont très tôt été jetées aux orties. Les cars de transport sont plus surchargés que jamais. Des scènes hallucinantes, voire grotesques, se passent tous les jours sous les yeux complices des forces de l'ordre.

 

Au Sénégal, les campagnes de sensibilisation, les semaines de prévention routières n'y font rien, les automobilistes restent englués dans leurs certitudes que le Code de la route est fait pour les autres et jamais pour eux. En y ajoutant le je-m'en-foutisme, l'incivisme et l'indiscipline qui caractérisent certains usagers de la route, on obtient un cocktail explosif et des visions apocalyptiques, comme cela a été le cas à Kaffrine. Que faire alors, lorsque le citoyen préfère soudoyer un agent de l'État, au lieu de soumettre sa voiture à une visite technique en règle ? Que dire de l'achat des permis de conduire, érigé en mode de fonctionnement ? Que dire des préposés à l'application de la loi qui préfèrent encaisser ou arracher des espèces sonnantes et trébuchantes aux automobilistes pris à défaut, plutôt que de les mettre hors d'état de nuire ou d'envoyer à la casse les voitures qui n'ont plus rien à faire sur une route ?

 

Chacun se complaît dans son confort, en pensant ou en espérant que les accidents mortels n'arrivent qu'aux autres. Il est donc heureux que le chef de l'État se soit prononcé sur l'accident. Car il est du ressort des autorités étatiques de prendre leurs responsabilités et de mettre fin à cette farce de sinistre dégoût.

 

Gaston COLY

 

 

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