Publié le 14 Mar 2023 - 18:42
BAISSE DES PRIX DU LOYER ET DU TRANSPORT

L’État a-t-il les moyens de sa politique ? 

 

Depuis septembre 2022, le gouvernement du Sénégal a pris plusieurs mesures pour lutter contre la hausse des prix des denrées de consommation courante. Si dans le panier de la ménagère des baisses ont été consenties, il est plus compliqué de faire appliquer cette  mesure concernant le loyer et les transports publics.

 

Cinq mois que le président de la République a déclaré la guerre à la vie chère. Le 26 septembre 2022, Macky Sall a convoqué une rencontre au palais de la République afin de booster le pouvoir d’achat des Sénégalais durement éprouvé par les conséquences de la pandémie du coronavirus et de la guerre en Ukraine. Lors d’un Conseil national de la consommation spéciale ‘’pour écouter les acteurs impliqués en vue de la prise de décisions rapides et efficaces à la satisfaction de nos compatriotes’’, 11 décisions ont été prises dans l’optique de la réduction du coût de la vie des Sénégalais, dans un contexte d’inflation généralisée des prix.

S’en sont suivies des concertations sur la vie chère à l'issue desquelles le ministre du Commerce, de la Consommation et des Petites et moyennes entreprises a signé, le 10 novembre 2022, des arrêtés portant prix distributeurs de nombreux articles de consommation courante. Ainsi, plusieurs prix ont été homologués concernant le sucre, l’huile, le riz, les produits horticoles, l’aliment de bétail, etc.

Malgré ces efforts, deux secteurs donnent particulièrement du fil à retordre au gouvernement : le loyer et le transport.

Dakar, région avec le plus faible taux d’accès au logement

Le loyer tient une place importante dans le pouvoir d’achat des Sénégalais. Selon l’étude sur ‘’L’accès au logement et aux services sociaux de base : encore de très fortes inégalités au Sénégal’’ menée par les chercheurs Ndèye Ngom, Lamine Ousmane Cassé et Ndiacé Diop, ‘’l’accès au logement reste un fait très déséquilibré selon les régions du Sénégal. Au niveau de Dakar, région avec le plus faible taux d’accès au logement, moins de la moitié des ménages ont accès à un logement, soit 41,8 %. (…) Par contre, le reste des régions situées au nord, au centre, à l’est et une partie du sud est considéré comme une zone où l’accès au logement ne pose pas de problème majeur. En effet, plus de 80 % des ménages dans ces régions sont des propriétaires’’.

Mais c’est bien dans la capitale que se posent le plus de soucis. En 2014, l’Assemblée nationale avait voté une loi portant baisse des loyers à usage d’habitation. Cette loi, promulguée par le chef de l’État, est entrée en vigueur après sa publication au ‘’Journal officiel’’ du 22 janvier 2014. Celle-ci annonce des ‘’prix des loyers des baux à usage d’habitation, à l’exclusion de ceux dont la fixation a été obtenue suivant la méthode de la surface corrigée’’, baissés comme suit : moins 29 % pour les loyers inférieurs à 150 000 F CFA, moins 14 % pour ceux compris entre 150 000 et 500 000 F CFA et moins 4 % pour ceux supérieurs à 500 000 F CFA’’.

Quelques années après, elle s’est avérée être un échec, puisque le président de la République a reconnu lui-même que ‘’les loyers ont augmenté de plus de 20 % depuis la dernière tentative de baisse. Alors que les coûts de la construction n’ont évolué que de l’ordre de 45 %, il y a une marge qui doit être considérée’’.

Nouvelle législation, nouvelle résistance

Depuis sa publication le 28 février 2023, le ‘’décret n°2023-382 du 24 février 2023 modifiant la loi n°2014-03 du 22 janvier 2014 portant baisse des loyers n'ayant pas été calculés suivant la surface corrigée’’, autorise une baisse de 15 % est opérée sur le loyer inférieur ou égal 300 000 F CFA, 10 % sur le loyer compris entre 300 000 et 500 000 F CFA, et 5 % pour les loyers supérieurs à 500 000 F CFA. Bien qu’étant accompagnée par la mise en place d’une Commission nationale de régulation des loyers des baux à usage d’habitation pour veiller à l’application de cette mesure, la facture peine à baisser pour les locataires.

Malgré sa mise en vigueur, Coumba Sagnane a décidé de ne pas l’appliquer pour le mois en cours. ‘’C’est vrai que j’appréhende la réaction de mon bailleur’’, s’angoisse-t-elle dans son appartement aux Maristes. ‘’Une baisse crée souvent des tensions, même si elle est bienvenue pour nous. Mais le mois prochain, c’est sûr que je vais l’appliquer, advienne que pourra’’, ajoute-t-elle.

Si elle a choisi de différer son ‘’affrontement’’ avec son bailleur, d’autres vivent déjà un contentieux avec cette réduction décidée par le président de la République. Selon le président de la Commission nationale de régulation des loyers des baux à usage d’habitation, ‘’nous avons reçu 436 appels sur le serveur dont 355 demandes de renseignement, et le reste c’est le contentieux’’.

Momar Ndaw appelle tout de même les bailleurs à se conformer à la loi, car qui ne respecte pas la législation risque ‘’entre 2 et 6 mois de prison et une amende qui peut aller jusqu’à 500 000 F CFA’’.

Plus de tickets à 100 F CFA dans les bus Tata

Le même constat s’observe dans le secteur des transports privés où les acteurs mènent un bras de fer avec les autorités publiques pour l’augmentation des tarifs appliqués aux usagers.

Depuis quelques jours, l’Association de financement des transports urbains (Aftu) a procédé à une hausse des tarifs des bus Tata, ce malgré l’interdiction du ministre des Transports terrestres. Si dans l’informel (‘’clandos’’, ‘’Ndiaga Ndiaye’’ et ‘’cars rapides’’) une hausse successive à l’augmentation des prix du carburant en janvier dernier est appliquée, le réseau Aftu a décidé de supprimer les tickets à 100 F CFA.

Désormais, il n’est plus possible d’y voyager à moins de 150 F CFA, des hausses proportionnelles ayant été appliquées selon les trajets. Une démarche en contradiction avec la position du ministère de tutelle qui rappelle que les tarifs des transports publics routiers de personnes sont fixés par le décret n°2009-20 du 22 janvier 2009.

Lamine Diouf

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