Publié le 15 Aug 2023 - 12:26
BASSINS DE RÉTENTION DE NIETTY MBAR

Des ordures à la place des eaux de pluie

 

Construits dans les années 2000 pour récupérer les eaux de pluie d’une bonne partie de la banlieue dakaroise, les bassins de rétention de Nietty Mbar, dans la commune de Djiddah Thiaroye Kao, sont sur le point d’oublier leur mission principale. Ils sont devenus des dépotoirs d’ordures. Les auteurs de cette situation sont les populations riveraines et les charretiers. La mairie déclare avoir mis en œuvre des actions pour régler la question. Elle pointe le comportement des populations qui se renvoient la balle. Reportage.

 

Dans les années 2000, à la suite de très fortes pluies à Dakar, en particulier dans la banlieue, notamment en 2005 et en 2009, les inondations sont devenues un vrai drame social, économique et écologique au Sénégal. Les dernières études sur le phénomène parlent de 300 000 personnes déplacées au cours des 10 dernières années de la banlieue de Dakar qui a progressivement été envahie par les eaux. La même étude indique que 11 % de la population de la région de Dakar et quelque 25 % de la population de la banlieue (Pikine et Guédiawaye) sont victimes d’inondations endémiques.

De ce fait, la santé publique s’est détériorée, l’économie locale a été en partie détruite, l’éducation a été déstabilisée. Également, des ménages ont été sinistrés, le tissu social s’est déstructuré et les infrastructures périurbaines, déjà déficientes, ont été englouties.

Le gouvernement d’alors a initié un vaste programme de construction de bassins de rétention dans toute la région de Dakar, plus précisément à Grand-Yoff, Wakhinane Nimzatt et Djiddah Thiaroye Kao (Nietty Mbar). Son objectif était de recueillir les eaux des précipitations, prévenir les inondations et permettre l'irrigation ciblée des terres.

Concernant Nietty Mbar, trois bassins y ont été construits. Mais le constat est que leur vocation première a été dévoyée. Ils sont sur le point d’oublier leurs objectifs de base. À la place de la récupération des eaux de pluie, c’est plutôt un vrai dépotoir d’ordures qui est constaté.

Une visite sur les lieux permet de compter de nombreux tas d’ordures. Les trois bassins disposés côte à côte sont séparés par une dizaine de mètres. Tout autour, des ateliers de mécaniciens et des espaces de jeux ont essaimé.

Les bassins accueillent toutes sortes de déchets. On peut constater des pneus, des bouteilles, des nattes, des morceaux de tissu, du bois mort... Les clôtures longtemps réclamées par les populations, qui avaient valu des marches de protestation, ont été finalement installées. Sauf que les autorités n’ont pas pensé à mettre des portes. Ainsi, chacun peut y avoir accès, y compris les enfants qui souvent y perdent la vie, piégés par les eaux du bassin, pendant l’hivernage. Les lieux sont devenus des terrains de jeu des enfants, les moins jeunes s’y entrainent et les animaux y errent. La couleur verdâtre de l’eau n’inspire d’ailleurs pas confiance.

Récriminations et accusations de la population

À la question de savoir qui jette les ordures dans les bassins, on se renvoie la balle, au sein de la population. ‘’À ce que je sache, les ordures ne marchent pas ni ne se déplacent seules. Ce n’est pas, aussi, les habitants des autres quartiers qui les apportent ici. Donc, ce sont les riverains qui le font’’, tonne un vieux trouvé dans les environs et qui n’a pas voulu donner son nom. Il renseigne que les gens attendent la nuit pour déverser leurs ordures dans les bassins, surtout les jours où les camions de ramassage d’ordures ne passent pas.

Faux, rétorque la dame Aby Faye. Selon elle, les riverains ont peur des bassins. ‘’On n’ose pas s’approcher des bassins. Ils ont englouti plus de neuf personnes. Nos enfants ne les fréquentent même pas. Ce n’est pas nous qui y déversons des ordures. À chaque fois, on nous accuse. Allez chercher ailleurs les auteurs, car ce n’est pas nous. On ne produit même pas autant d’ordures dans le quartier’’, s’indigne la dame qui habite la zone depuis des années.

 Pour d’autres, si l’on en est arrivé à cette situation, c’est parce que la mairie a failli. Elle n’a pas respecté ses engagements de campagne. ‘’Il y  avait un programme de clôture, de surveillance et d’éclairage. Mais la mairie est aux abonnés absents. Je ne peux pas nier qu’une partie de la population est coupable, mais cette situation était gérable. Il faut de la surveillance, des rondes la nuit et une bonne sensibilisation pour sauver la situation. Ce bassin pourrait être l’objet de bonnes infrastructures avec de bons aménagements comme promis, pour en faire des espaces verts et y créer des activités économiques. Mais hélas, personne n’ose imaginer cela à cause de l’insalubrité, mais aussi de l’insécurité. Il ne faut pas perdre de vue que les trois bassins étaient devenus des cimetières pour les garçons et des nouveau-nés y étaient jetés’’, renseigne un interlocuteur dont les déclarations sont corroborées par plusieurs autres voisins.

Les populations soulignent avoir organisé des marches, à plusieurs reprises, pour dénoncer les noyades dans les bassins de rétention. À l’époque, les populations de Djiddah Thiaroye Kao soutenaient que la clôture des bassins de rétention est une revendication légitime. Mais rien n’a changé, entretemps, vu que les bassins ont été clôturés, sans y mettre des portes.

Les chantiers de la mairie

Pour la présidente de la Commission environnement et cadre de vie de la commune de Djiddah Thiaroye Kao, c’est vrai qu’il y a des tonnes d’ordures aux alentours des bassins, mais elles proviennent des bassins qui ont fait l’objet d’écrêtage, car la mairie, pour cette année, a pris en charge totalement l’écrêtage des bassins de Nietty Mbar.  Elle projette aussi de faire de même pour le bassin de Bagdad. ‘’Pour les bassins de Nietty Mbar, on peut noter que, pendant plus de neuf ans, jamais ce genre de travail n’avait été fait. Il faut préciser que la compétence de la mairie, c’est autour des bassins, mais l’intérieur, c’est du domaine de l’État, et plus précisément de l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas)’’, renseigne Adji Codou Ka.

La collaboratrice du maire d’ajouter : ‘’Mais lors de notre campagne pour les Locales, la première doléance des riverains, c’était de les aider à nettoyer les bassins. C’est pour cela que le maire Mamadou Guèye l’a prévu dans le budget de la mairie, même si ce n’est pas de la compétence de la collectivité locale. Quand on faisait ce travail, on ne savait même pas qu’il y avait autant d’ordures. Les maires précédents laissaient la charge des bassins à l’Onas. Eux, ils venaient à chaque veille d’hivernage pour faire un écrêtage partiel et permettre à l’eau de s’écouler vers le bassin de Bagdad et vers le lac Thiourour. Nous avons constaté que les typhas avaient atteint une grande taille. Il y avait aussi des moustiques et des ordures partout.’’

Elle renseigne qu’ils ont galéré pour terminer le travail de nettoyage des bassins. ‘’On a mis deux mois pour terminer les trois bassins. Maintenant, nous allons commencer à enlever les ordures. Ceci grâce à l’aide de l’UCG (Unité de coordination de la gestion des déchets solides) qui a signé une convention avec la mairie en ce concerne la gestion des ordures. Ils vont venir deux jours par semaine pour nous aider à enlever ces ordures. Nous les appuyons en camion et en carburant. C’est plus de 21 rotations à chaque fois qu’on fait ce travail. Ces derniers jours, il y a un ralentissement lié aux manifestations que le pays a connues. On ne pouvait pas courir le risque de voir des camions incendiés par des manifestants. D’ici le weekend prochain, le travail va continuer. C’est une situation embarrassante pour les riverains, mais aussi pour nous. Mais comme on le dit souvent, on ne peut pas faire des omelettes sans casser des œufs‘’, ajoute-t-elle.

L’idée, dit-elle, est d’améliorer sensiblement le cadre de vie des populations.

Selon Adji Codou Ka, les quelques désagréments sont passagers, car, au terme des travaux, les riverains vont retrouver le bonheur, car les bassins constituent un casse-tête pour la commune et les riverains. ‘’Il faut dire que ces ordures sont liées à un mauvais comportement des populations et surtout des charretiers qui apportent nuitamment ou tôt le matin les ordures qu’ils ramassent durant la journée moyennant de l’argent. Faute de surveillance, ils viennent les déverser dans les bassins à l’insu de tous’’.

L’autre question fondamentale est la sécurité. Adji Codou Ka renseigne qu’il y a une brigade au niveau de la mairie et que quelques agents vont faire, de temps en temps, des rondes autour des bassins pour dissuader les enfants qui viennent jouer aux alentours. ‘’Ce n’est pas facile. Avec les vacances, les enfants pensent que les bassins sont une aire de jeu. On essaye de les en dissuader. Il y a aussi les bonnes volontés qui habitent tout autour et qui nous avertissent en cas de soucis. Pour les enfants, il est prévu des camps de vacances pour les occuper, afin qu’ils ne puissent plus fréquenter les bassins et que personne ne puisse avoir un accident dans les bassins’’, dit-elle.

En ce qui concerne les garages mécaniques présents aux alentours des bassins, elle souligne que c’est souvent des espaces libérés par d’anciens habitants transférés à Jaaxaay, il y a quelques années. ‘’Eux aussi font partie des populations et ils ont occupé des dépotoirs d’ordures sauvages. Il vaut mieux les laisser les occuper. Ils font leur travail et on ne peut pas les chasser du jour au lendemain’’, indique la présidente de la Commission environnement et cadre de vie de la commune de Djiddah Thiaroye Kao.

CHEIKH THIAM

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