Publié le 17 Jan 2014 - 08:22
CAMPAGNE ARACHIDIERE 2013-2014

Jaber, paysans et huiliers, un même sort

 

A mon avis, c'est le harcèlement de Abass Jaber, PDG de la Suneor, qui serait à l'origine de la mauvaise campagne de commercialisation de l'arachide 2013/2014. Il lui serait reproché d'être proche de Karim Wade. C'est pourquoi, le nouveau régime a contesté puis réévalué le prix de cession de la Suneor. De même, la manière dont la présente campagne arachidière a démarré laisse croire que le gouvernement a eu l'intention d'aller encore plus loin dans le traitement du dossier de Jaber.

C'est-à-dire pousser le repreneur de la Suneor à jeter l'éponge après qu’il a déjà subi sans démordre plusieurs tracasseries qu'on peut considérer comme des tentatives de remise en cause des actes posés par l'ancien régime. Il a dû débourser plus de cinq milliards de francs Cfa représentant le différentiel exigé à la suite du relèvement d'office par l'Etat du prix de cession de la Suneor. Manifestement, Jaber n'a pas eu le choix. Il a dû payer cash au prix de s'endetter lourdement pour conserver son huilerie.

Ensuite, les huiliers ont été soumis à la loi du marché dès le début de la campagne agricole. Certains observateurs ont assimilé cela à une forme de pression sur Jaber. En effet, le gouvernement et le Conseil national interprofessionnel de l'arachide (CNIA) ont eu à fixer le prix au producteur à un niveau jamais égalé, 200 f Cfa par kilogramme, sans le subventionner alors que le cours mondial tourne autour de 130 francs Cfa.

Puis, l’État a abandonné totalement le marché des graines à lui-même et n’a pris aucune disposition pour garantir le financement normal des opérateurs et des huiliers ou pour encadrer la collecte des graines. C'est d'ailleurs cette absence de surveillance des marchés hebdomadaires qui a favorisé le bradage des récoltes des pauvres paysans à vils prix entre 120 et 150 francs Cfa le kilogramme.

En outre, les huiliers qui peinent à obtenir les moyens de financement ont dû faire face à une équation à plusieurs inconnues : 1) s’approvisionner au marché parallèle et s'exposer à des critiques et sanctions ;  2) acheter au prix officiel et perdre 70.000 francs Cfa par tonne soit 21 milliards pour des besoins estimés à 300 milles tonnes ; 3) ne pas acheter du tout et détruire la filière de l'huilerie locale. Cette situation délétère au niveau de toute la filière a détérioré le climat social un peu partout dans les huileries du pays et a plombé les performances du sous secteur.

Cependant, les observateurs avertis ont vite compris qu’en supprimant la subvention, le gouvernement était en train de sanctionner Jaber afin de l'amener à jeter l'éponge et à déposer le bilan. Ce qui pourrait justifier aux yeux de l’opinion et des bailleurs de fonds la récupération de la Suneor par l'Etat et la désignation d’un autre repreneur sur mesure.

Ce scénario a été déjoué par l'absence surprenante des Chinois et des Indiens qui avaient raflé à travers tout le pays la production arachidière de l'année dernière à des prix inespérés allant de 250 à 300 francs Cfa ou plus par kilogramme.

Contre toute attente, Chinois et Indiens ont été portés absents cette année à cause, dit-on, du taux élevé de l’aflatoxine dans nos graines et des problèmes liés à leur propre législation. Or, si ces derniers étaient présents, ils auraient payé les graines d’arachide à prix forts aux paysans.

Par conséquent, seules les huileries (Copeole/Novasen, Cait et Suneor) supporteraient les conséquences néfastes du mauvais déroulement de cette campagne. A présent, la situation est tout autre. Huileries et paysans sont tous menacés dans leur existence par l'anarchie qui règne tandis que Jaber risque toujours d'être dépossédé de Suneor.

En réalité, c’est toute notre économie qui est touchée par les manquements graves et les indicateurs économiques ne tarderont pas à le signaler. C’est pourquoi, le gouvernement a signé d’urgence un protocole d'accord avec les huiliers qui sont au bord de la faillite afin de tenter de sauver ce qu'il reste de cette campagne...

Ainsi, l'Etat devrait trouver dare-dare 21 milliards de francs Cfa à injecter dans la filière huilerie en guise de subvention alors que notre pays est en butte à des problèmes de trésorerie. Tout cela est le fruit de l'absence de politique agricole claire.

En tout état de cause, le pouvoir est en train de rater sa seconde campagne arachidière...

Farba SENGHOR

 

Section: 
LIVRE - PAR TOUS LES MOYENS : Dix voix féminines sur le monde
La politique de l'oubli et la défiguration urbaine : Une analyse historique des blessures de Dakar
Attention, nous sommes sur une pente glissante
Piratage massif des Impôts et Domaines : Le pire arrivera si l’État ne fait rien
SOCIOTIQUE : " L'impact de l'IA sur le marché du travail
Dettes cachées : L’impossible transparence ? Le cas du Sénégal et les leçons de l’histoire
Le téléphone portable à l’école : Entre ouverture au monde numérique et vigilance éducative
La vallée du fleuve Sénégal : Entre espoirs et fragilités
PROJET DE CODE DES INVESTISSEMENTS : ANALYSE SOUS L’ANGLE DE LA SOUVERAINETÉ  ET DE LA RATIONALITÉ ÉCONOMIQUE
Impératif de mémoire
De Saint-Louis à Diamniadio : L’héritage d’Amadou Mahtar Mbow pour un savoir partagé
Lettre Ouverte adressée au Procureur Général près du Tribunal de grande instance de Tivaouane
Vivre pour la raconter : A la mémoire de mon BFEM, à la mort en face, à mon petit frère
Analyse Économique Comparative : Le Sénégal face à la Guinée, un dépassement temporaire ?
La ligne radicale du Premier ministre Ousmane Sonko l'emporte sur la ligne modérée du Président Diomaye Faye
LE JOOLA, 23 ANS APRÈS : Un appel à la justice et à la dignité pour les familles des victimes
Sénégal : Quand l’urgence devient méthode
POUR PRÉPARER LA RUPTURE AVEC LE NÉOCOLONIALISME : PASTEF DOIT REDEVENIR L’ORGANISATEUR COLLECTIF DU PEUPLE!
Abdou Diouf, la RTS et la mémoire nationale : Encore une occasion manquée
ET SI ON PARLAIT D’INSERTION DES JEUNES A LA PLACE D’EMPLOI DES JEUNES