Publié le 23 Dec 2018 - 13:07
CHEIKH TIDIANE GADIO, PRESIDENT LUY JOT JOTNA

‘’Ma part de vérité sur ce que je considère comme un tragique malentendu’’

 

Un Gadio d’attaque ! Réglant ses comptes aussi bien au plan politique que médiatique. Bloqué pendant 10 mois aux Etats-Unis, il revient, sur ses terres natales, le cœur plein d’amertume, l’esprit toujours aussi vif. Puisqu’il le dit, on peut le croire : Cheikh Tidiane a pardonné. Mais même s’il ne le dit pas, c’est aisé de le constater : il n’a rien oublié. Les poursuites, les médias sénégalais, Macky Sall, Abdoulaye Wade. Il dit Tout ! Faisant parfois de l’ego trip pur et dur. Au rap, il n’aurait rien à envier à Gun Man Xuman ou Dady Bibson. Ses questions, il les pose lui-même avant d’apporter des réponses.

 

Gadio a-t-il organisé un acte de corruption avec la compagnie Cfc afin de toucher une commission de 400 000 dollars ?

La réponse est dans l’acte posé par la justice américaine qui a annulé toute poursuite pour corruption ou acte de blanchiment et a concentré ses investigations sur la compagnie chinoise et les 2 millions de dollars qu’elle a voulu délivrer en cash au président du Tchad. Ce dernier a non seulement rejeté avec force l’acte posé, mais a failli les expulser manu militari de son pays. Les Chinois le savent, puisqu’il le leur a signifié en ma présence. C’est le cœur de toute cette affaire, en ce qui concerne les accusations contre moi retirées en septembre. Un journal sénégalais a décidé, un jour, que j’ai été payé, non pas 400 000 dollars, mais à 400 millions de dollars, soit 200 milliards de francs Cfa. Et tenez-vous bien, pour un contentieux qui porte sur une transaction de 2 millions de dollars. A vous de juger. Un autre journal bien intentionné, cette fois-ci, a eu à défendre mon droit à toucher une commission sur une transaction pétrolière aussi importante. Je dis merci, mais je précise : il n’y a eu aucune transaction pétrolière au Tchad, entre la compagnie chinoise en question, le gouvernement tchadien et mon cabinet de consultation.

Le deal n’avait pas abouti et puisqu’il n’avait abouti, aucune transaction n’a été signée pour que je puisse toucher ma commission. Ce qui ne serait ni honteux ni illégal, si tous nos efforts avaient été couronnés de succès. Notre cabinet a perçu ce qu’on appelle des honoraires de consultance, soit 400 000 dollars ainsi répartis par la compagnie chinoise elle-même : 100 000 dollars, disent-ils dans la lettre qu’ils m’ont adressée, pour soutenir mes activités liées au panafricanisme, 100 000 dollars pour rembourser 6 mois de préfinancement et des prestations de notre cabinet au Tchad et en Chine (voyages, perdiem, frais d’hôtel entre septembre 2014 et mars 2015 et 200 000 dollars pour nos honoraires). Sur une radio internationale de référence que je respecte beaucoup, j’ai entendu une pseudo-analyste dire avec aplomb et désinvolture : ‘’Gadio risque au minimum 10 ans de prison et entre 10 et 50 millions de dollars d’amende. Mais ne vous en faites pas. Il pourra payer avec les grosses commissions qu’il a touchées sur cette affaire de transaction.’’ La transaction n’existe pas. Les commissions, grosses ou petites, n’existent donc pas. Madame la journaliste a fauté. Lourdement !

Gadio a-t-il participé à une opération de blanchiment d’argent ?

L’annulation de cette accusation par la justice américaine répond, en grande partie, à cette question. Un vétéran banquier sénégalais m’a toujours dit qu’il n’a jamais vu un homme blanchir de l’argent dans son propre compte. En général, les spécialistes de ce genre d’opération savent créer des sociétés-écrans et utiliser des prête-noms. Mon partenaire et moi avions ouvert un compte à Dubaï pour tous les avantages que l’on sait. Nous n’avions pas hésité à transférer une partie de ces fonds à notre compte City Bank à Washington comme à notre compte à Dakar. Comment des ‘’blanchisseurs’’ qui se cachent peuvent faire de tels mouvements en signant avec leurs noms, sans aucun souci ? Cet argument a prospéré devant la justice américaine, puisque là aussi, la plainte a été totalement annulée.

Gadio a-t-il fait un deal avec la justice américaine ‘’en jetant sous le bus son coaccusé’’ (expression américaine littéralement traduite qui signifie, ici, charger son coaccusé) ?

Si la contrevérité sur ma nationalité a été cruelle, celle-là aussi l’a été. Primo, ceux qui ont conçu cet argument l’ont fabriqué tranquillement puisqu’ils ont lancé la bataille pour décrédibiliser ma victoire face à l’adversité. Au moment où ils écrivaient cela, ils n’avaient pas jeté un œil sur l’accord que j’avais signé. Comment ils pouvaient alors savoir quel était le contenu de cet accord ? De deux choses l’une : ou ils ont payé de puissants voyants qui ont pu lire un document sous scellé à plus de 5 000 km ou ils ont eux-mêmes pu m’accorder cet accord à la condition qu’ils étaient les seuls à savoir. J’ai fait six interviews avec les enquêteurs. Chacune a duré plus de 4 heures, dont une sans avocat, le jour de mon interpellation. Dans cette interview, il y avait la main de Dieu. Les enquêteurs du Fbi - les meilleurs du monde - ont passé au peigne fin chaque aspect du dossier. On est même remonté à des évènements qui datent de 30 ans dans ma vie. Pas une seule fois, il ne m’a été proposé un deal ou une attitude quelconque par rapport à Dr Ho. Rarement d’ailleurs son nom a été prononcé au cours de ces face-à-face. Les deals existent certes aux Etats-Unis, mais ils sont rendus publics. C’est le système le plus transparent au monde. Ce n’est donc pas mon cas.

Chaque fois que j’ai terminé une interview, on s’est revu trois semaines plus tard, parce qu’ils (les enquêteurs) avaient besoin de prendre cette interview, mot pour mot, fait pour fait et de procéder aux vérifications. Et s’il y a un seul fait mensonger, en plus des accusations, on allait m’ajouter le fait d’avoir menti au Fbi, qui est un crime. Vous n’êtes pas sans savoir que Michael Flynn, l’ancien National Security, conseiller sécurité de Trump, risque la prison, risque sa vie pour avoir menti au Fbi. D’ailleurs, aux Etats-Unis, on ne rencontre jamais les procureurs sans la présence du Fbi qui se charge des Pv et qui vont par la suite analyser tout ce qui a été dit. Si on vous appelle pour vous dire : on a programmé une autre rencontre, c’est parce que vous avez réussi le premier test. Après ce long et fastidieux processus qui a duré 10 mois, où chaque interview de 4 heures a été transcrite, vérifiée par le Fbi du début à la fin, les procureurs ont abouti à la conclusion suivante : Gadio est crédible. Gadio est véridique. En 10 mois d’interviews, voire d’interrogatoires, ils ont ajouté : Il n’a jamais varié dans sa version des faits. Il mérite le retrait total de la plainte et l’annulation de toutes les poursuites.

Par rapport à cette affaire, ils ont retenu : ‘’Nous sommes convaincus que Gadio n’a pas participé à la tentative de corruption liée aux deux millions de dollars rejetés par le président du Tchad, même si, à notre avis, après cet acte posé par la compagnie chinoise, il aurait dû arrêter toute collaboration avec eux. Monsieur Gadio est d’accord avec nous sur ce point. Toutefois, nous comprenons son explication à l’effet qu’il avait travaillé dur pendant des mois et avait souhaité faire aboutir le contrat pétrolier et se faire compenser. Ensuite, il voulait absolument que ce gros contrat puisse aider le Tchad et son leader. Un pays qu’il considère comme un pays héros du Sahel, qui s’est sacrifié au plan militaire et financier pour sauver le Mali, le Nigeria, le Niger et le Cameroun. Pour toutes ces raisons, nous n’allons pas le suivre au plan criminel. Cependant, si nous le jugeons utile, nous lui demanderons de présenter à la cour, sous forme de témoignage, sa version des faits advenus au Tchad. La nécessité de ce témoignage sera déterminée plus tard. En attendant, Dr Gadio doit rester aux Etats-Unis comme résident.’’

Il n’y a donc eu aucun deal. Ceux qui ont fait état de deal, je les pardonne et leur demande de demander pardon au peuple sénégalais.

Gadio a-t-il été témoin à charge contre Dr Ho ?

Quand j’ai dit au lead procureur, c’est-à-dire au magistrat principal qui pilotait ce dossier que des médias sénégalais ont décrété que j’étais témoin à charge, il a répondu ceci : ‘’Ont-ils eu accès à votre accord de non poursuite ? La seule exigence pour vous, c’est de dire la vérité. Votre témoignage ne doit pas chercher à incriminer ou à disculper qui que ce soit, y compris Dr Ho. Ce travail ne vous regarde pas, c’est notre rôle.’’ Mon témoignage a surtout concerné ma présence lors des malheureux évènements qui ont provoqué à juste titre la colère du président Deby et qui m’ont choqué moi aussi, puisque je n’en voyais ni l’utilité ni la nécessité.

Le président leur ayant ouvert la porte de son pays, leur ayant offert d’excellentes opportunités de faire des affaires au Tchad. De l’argent dissimulé dans des cadeaux ne pourrait que soulever le courroux d’un chef d’Etat africain comme Deby salué par beaucoup d’hommes d’affaires comme quelqu’un qui vous demandera toujours d’envoyer vos donations et actes de générosité au Trésor tchadien. Cela est écrit dans des ouvrages dont celui du Pdg de Elf. Devant les juges américains, j’ai fait ce témoignage, j’ai dit que quand le président du Tchad a fini de sermonner la délégation du Cfc, Dr Ho était la première personne à prendre la parole pour dire ceci : ‘’Je suis impressionné par la réaction du président et son rejet du cadeau en cash montre que j’avais donc raison de proposer le Tchad comme porte d’entrée de notre compagnie en Afrique.’’ Et je crois que cela a été très positif pour lui… Même si ma volonté n’était de disculper ou d’incriminer qui que ce soit. J’ai juste dit les faits.

Gadio a-t-il soutenu Macky parce qu’il l’a fait libérer ou est intervenu auprès de Trump pour demander des faveurs ?

Si les questions sur la nationalité et en ce qui concerne mon supposé accord m’ont fait particulièrement mal, cette dernière m’a amusé. D’abord, il ne faut pas insulter l’intelligence de notre président Macky Sall. Il connait parfaitement les Etats-Unis pour savoir que la plus petite intervention est qualifiée d’obstruction à la justice. Une telle intervention aurait ruiné mes chances d’aboutir à un accord quelconque.

Le magistrat qui avait mon dossier est celui-là même qui avait celui de l’avocat de Trump dont il a obtenu la condamnation à 3 ans ferme, il y a moins d’une semaine. Honnêtement, quand j’ai su que la même personne avait aussi le dossier de l’avocat de Trump, je me suis senti important. Je me suis dit : Trump est grand, mais Gadio n’est pas petit (rires). Tout le monde, en Amérique, sait qu’il poursuit également avec vigueur le dossier des enfants de Trump et pourrait obtenir leur emprisonnement. Il s’appelle Thomas Mc Kay. Alors imaginez que Trump va dire à ce magistrat ou ses supérieurs : ‘’Laissez Gadio tranquille, car on a besoin de lui au Sénégal.’’ On en aurait éclaté de rire, si cela ne traduisait pas les limites intellectuelles et les problèmes de culture générale de certains pseudo-analystes ou pseudo-intellectuels au Sénégal. C’était donc là ma part de vérité sur ce dossier judiciaire qui m’a pris une précieuse année de ma vie… J’ai, en effet, appelé tout cet épisode comme un tragique malentendu.

Mor Amar

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