Publié le 28 Jan 2014 - 06:30
COMMENTAIRE

 Indépendance, Cha Cha…

 

«Papa» de plusieurs chefs d’Etat au Sud du Sahara, Jacques Foccart, ancien sherpa du général de Gaulle dans le courant des années 60, n’était pas présent, mais son ombre a hanté la réunion de Dakar ce fameux 11 janvier 1994.  Car c’est bien de cela qu’il s’est agi.

Un ministre français de la Coopération et du Développement, Michel Roussin, ancien officier de gendarmerie, réussit à faire convoquer la quasi-totalité des chefs d’Etat membres de la communauté financière de la Zone Franc en Afrique. Il y avait le boss (un Français !) et la fine fleur de «l’aide au développement», entre autres patrons venus dire aux présidents de la Zone Franc que la récréation était terminée. Quelle image négative alors !

L’Ivoirien Félix-Houphouët Boigny est mort récemment, c’est pour cela que le Gabonais Omar Bongo est le doyen des présents. Jusqu’au bout, il va se battre, simulant un sommeil pour rappeler au ministre français qu’il restait un des grands du continent et qu’il n’entendait pas se laisser faire. Le contexte géopolitique a changé.

Le président Abdou Diouf essaie d’arranger les meubles, mais les résistances sont fortes. D’une part, les chefs d’Etat savent ce qu’il va leur en coûter au plan social ; ensuite, c’est un ministre qui vient leur intimer des ordres…

Le Mur de Berlin est tombé et, dès lors, la France ne se voit plus obligée de soutenir à bout de bras ses anciennes colonies. Elle-même en butte à des difficultés, les institutions de Bretton Woods sont l’ultime recours. En termes clairs, Paris demande aux Africains de trouver des accords avec le Fmi et la Banque mondiale pour continuer à coopérer durablement avec elle.

Dans une atmosphère de fin de règne, le président François Mitterrand est mourant de son cancer de la prostate alors qu’Edouard Balladur (rival de Jacques Chirac) est Premier ministre d’une cohabitation qui n’entend pas continuer à entretenir les vieilles habitudes.

Il y a une sorte de «vérité économique» que les nouveaux tenants du pouvoir en France veulent appliquer à l’endroit des «Africains» même s’ils vont se presser des mois plus tard pour trouver des financements à leur campagne électorale. La tension est à son comble et la construction de l’Union européenne met un terme aux libéralités de la «France coloniale».

En ces temps, la structure macroéconomique des Etats africains de la zone Franc est faite de rentes, de produits d’exportation non transformés, de dépenses publiques élevées et d’une atrophie du secteur privé. Sans oublier le fardeau d’une dette extérieure dont les Etats se ploient justement à honorer le paiement.

Quand l’accord d’ajustement monétaire est signé, l’image de la France est au plus bas au sein des opinions des villes africaines. Dans un pays comme le Sénégal, le «Plan Sakho-Loum», du nom des ministres de l’Economie et du Budget en fonction à l’époque, élaboré un an auparavant en 1993, avait déjà fait mal. «C’est un petit ministre français qui viendra donner l’ordre», protestera ainsi un dirigeant de la Gauche sénégalaise.

Depuis les années 60, à travers son compte logé au Trésor, la France tenait la monnaie de ses anciennes colonies. Via ses grandes entreprises, elle exploitait (ce qui est toujours le cas) de larges concessions pétrolières au Gabon et au Congo ; avait d’importantes entreprises agro-industrielles en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Par ailleurs, les Français continuaient à tenir des places fortes au plan stratégique (Dakar, Abidjan, Bangui, N’Djamena et Djibouti). Mais la situation pouvait elle continuer ?

Dans un contexte de récession globale, «plus personne ne pouvait plus aider personne». Quel bilan, vingt ans après ? Que rien n’a changé. Que les crises monétaires sont liées aux systèmes de production internes et que la question de l’indépendance monétaire reste toujours stratégique.

 

 

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