Publié le 14 Oct 2015 - 11:10
CONTRIBUTION

De l'enjeu d'une bonne gouvernance des ressources naturelles

 

En 2007, j’étais fier d’être à Dakar, dans le cadre de l’Alliance des Libéraux et Démocrates pour l'Europe, le Pacifique, l'Afrique et les Caraïbes (ALDEPAC) afin de défendre les vertus de « l’État social libéral ». C'était à l'invitation du Président Wade qui avait perçu tout ce que le libéralisme pouvait apporter à l'Afrique.

J’étais profondément heureux que le rendez-vous des libéraux d’Afrique, des Caraïbes, du Pacifique et d’Europe puisse se tenir au Sénégal qui est, comme l’a dit le Président, son Excellence Macky Sall, « un des rares pays à n’avoir jamais connu de coup d’État » grâce à une démocratie solide et sereine qui fonctionne et a su assurer l'alternance.

De Léopold Sédar Senghor, président poète, visionnaire et père de la démocratie africaine, au Président Macky Sall, en passant par le Président Abdou Diouf qui a su renouveler la nature même de l'État en luttant contre "les féodalités de toutes sortes qui sont des forces d'inertie, de conservatisme et de régression" , le multipartisme a su trouver des espaces de liberté, même si cela n'a pas toujours été facile.

Huit ans plus tard, à peu près à la même époque, nous avons le plaisir de nous retrouver à Dakar dans le cadre de l’ALDEPAC.

Je remercie très sincèrement et très chaleureusement le président Macky Sall pour avoir accepté d’accueillir notre Conférence annuelle au King Fadh Palace, afin d’échanger et de débattre sur des thèmes aussi cruciaux que « la gouvernance des ressources naturelles de l’Afrique » et « la guerre contre le terrorisme ». 

Notre Conférence veut aboutir à des engagements concrets. C'est dans cet esprit que le Président de la République, S.E.M. Macky Sall, le Premier Ministre, S.E. Mouhamed B.A. Dionne, le Président de l'Assemblée nationale, l'Honorable Moustapha Niasse, le Président du Groupe Parlementaire Bennoo Bokk Yakaar (BBY) à l'Assemblée nationale, l'Honorable Moustapha Diakhate, le Président du Groupe Parlementaire Libéral (PDS) à l'Assemblée nationale, l'Honorable Modou Diagne Fada, et bien d'autres hautes personnalités nous feront l'honneur de leur présence afin de nous livrer leur vision sur des problématiques essentielles pour l'humanité. 

"Nous savons tous les liens étroits existants entre l'exploitation et le commerce illégal des ressources naturelles, le financement des groupes armés et les violations massives des droits de l'homme"(...)" comme l'a souligné  le Docteur Denis Mukwege, lauréat du Prix des droits de l'homme des NU (2008), du Prix Olof Palme (2008), du Prix Sakharov (2014),... qui viendra témoigner sur l'innommable que vivent des milliers de femmes, de mères, de jeunes femmes et de jeunes enfants au quotidien. Le Docteur Mukwege est un homme d'exception, une conscience pour l'humanité, un exemple et un modèle d’engagement et de courage qui force l’admiration et le respect de tous.  

Le Dr. Denis Mukwege personnifie l’espoir. Il sait qu’« il n’existe pas d’autres voies vers la solidarité humaine que la recherche et le respect de la dignité humaine » (Pierre Lecomte du Noüy).   Il ose dénoncer l’arrogance des puissants, l’impunité des militaires,  le déni de justice des officiers, qui s’arrogent tous les droits dans une région où règnent corruption,  guerre économique et intérêts sordides; dans une région où s’entremêle beautés et tragédies; dans une région dont la richesse minière est devenue une malédiction.

Notre conscience universelle doit nous pousser tous à défendre une loi contraignante permettant la traçabilité des minerais et des métaux depuis leur extraction jusqu'à leur commercialisation, comme l'a voté le Parlement européen. C'est à cette condition que les formidables ressources naturelles d'Afrique peuvent devenir une bénédiction.

La lutte contre les calculs abjects et vils, comme la lutte contre le terrorisme ne pourra triompher tant que les populations vivront dans des conditions qui mènent au désespoir. Il n'y aura pas de sécurité sans développement mais il n'y aura pas non plus de développement sans sécurité. Or comme l'a écrit Claude Moniquet, Directeur général de l'European Strategic Intelligence and Security Center (ESISC), qui participera également à notre Conférence annuelle, "nous faisons face à la plus importante menace sécuritaire des trente dernières années".

Nous avons besoin d’un « État monde » comme le disait Jacques Attali. Notre système international est dépassé par des foyers d’instabilité de plus en plus fréquents. Nous devons réfléchir à l’échelle planétaire à une stratégie globale qui allie sécurité, lutte contre la corruption et gouvernance mondiale. Comme l’a dit le Président Obama, «l’avenir de l’humanité dépend de notre décision de nous unir contre ceux qui voudraient nous diviser le long de lignes de clivage relatives aux tribus ou aux sectes, aux races ou aux religions ».

Je l’ai dit, les défis sont de taille. Mais comme dit Winston Churchill, "soyons optimistes et voyons une opportunité dans chaque difficulté et non la difficulté dans chaque opportunité".

L’humanité  est entrée dans un âge où les destins des peuples sont inextricablement liés. Dès lors, nous ne pourrons être libres, comme l’a dit le Prix Nobel de la Paix Desmond Tutu, que « tous ensemble » car  « la seule prospérité durable est celle que l’on acquiert ensemble. Nous ne pouvons être humains que tous ensemble. Nous sommes, membres d’une seule famille, la famille humaine »

Je terminerai sur les mots et la pensée du Président Abdou Diouf: Unissons-nous "pour préserver les biens commun de l'humanité"; unissons-nous "pour que la  force du droit, dans le gouvernement du monde, l'emporte sur le droit de la force"; unissons-nous "pour abattre les murs et construire des ponts entre les races, les cultures, les religions".

Louis MICHEL

* Louis Michel est membre élu du parlement belge depuis le 17 décembre 1978 et a occupé les fonctions de vice-Premier Ministre, Ministre des Affaires étrangères et Ministre des Réformes institutionnelles, de 1999 à 2004. Il sera Commissaire au développement et à l’aide humanitaire de novembre 2004 à juillet 2009. Depuis cette date, il  est devenu membre du parlement européen. 

 

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