Les précisions de sources diplomatiques françaises

Lors de la cérémonie de remise du Livre blanc sur le massacre de Thiaroye, le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, a magnifié le travail qui a été réalisé par le Comité de commémoration, tout en regrettant un déficit de collaboration de la France dans la mise à disposition de certaines archives. EnQuête a contacté des sources officielles françaises pour en savoir plus.
« Nous prenons acte de la remise au président Faye d’un Livre blanc sur l’établissement des faits par le président du comité de commémoration mis en place par les autorités sénégalaises ; livre blanc dont nous allons prendre connaissance. » C’est en ces termes que les sources officielles françaises ont réagi aux interpellations d’EnQuête, suite à la cérémonie de présentation dudit livre.
À propos des déclarations du président sénégalais sur le déficit de coopération de la France, nos interlocuteurs précisent : « La France a engagé un dialogue mémoriel avec le Sénégal et est prête à traiter de tous les sujets, y compris des plus difficiles. Le massacre de Thiaroye, qui s’inscrit dans l’histoire des tirailleurs sénégalais, en fait partie. »
Nos sources sont également revenues sur les actes qui ont été posés dans ce dossier par le gouvernement français. « Le président de la République française a reconnu la réalité de ce massacre dans un courrier adressé au président sénégalais Bassirou Diomaye Faye le 28 novembre 2024, reconnaissance réitérée lors du discours prononcé par le ministre Jean-Noël Barrot lors des commémorations du 80e anniversaire du massacre, le 1er décembre 2024, à Thiaroye. »
Dans le même sillage, nos interlocuteurs rapportent que, sur demande de la partie sénégalaise, une délégation du Comité de commémoration a bien été accueillie en France, dans le cadre de leurs travaux. « Nous avons accueilli du 19 au 27 novembre 2024, à la demande des autorités sénégalaises, une délégation d’historiens et d’archivistes sénégalais pour travailler sur les archives que notre pays détient sur ce sujet, dans un esprit de transparence », rapportent les sources diplomatiques.
Cette mission, à en croire nos interlocuteurs, se voulait la première étape d’un travail scientifique et collaboratif réunissant des chercheurs de tous horizons. Ce travail devant permettre d’avancer dans la connaissance commune des faits. « Depuis cette mission, nous n’avons pas reçu de demande officielle de l’État sénégalais sollicitant l’accès à d’autres archives existantes et identifiées », ont précisé nos sources qui ajoutent : « Nous entendons poursuivre ce dialogue mémoriel avec le Sénégal dans un esprit de collaboration scientifique ouverte, constructive et sereine. »
Interpellé par l’Agence France-Presse, le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot est revenu sur sa participation l’année dernière aux commémorations avant de réaffirmer la volonté de la France de coopérer.
La France, pour lui, ne détourne pas les yeux de sa propre histoire. Elle a engagé avec le Sénégal, mais aussi avec d'autres pays africains, un travail de mémoire. À propos du Livre blanc, il déclare : « Nous allons prendre connaissance de ce rapport et nous nous tenons prêts à coopérer avec le Sénégal, les autorités sénégalaises le savent, pour que les travaux de recherche puissent éclairer ce qui s’est passé ce jour-là. »
Pour rappel, recevant le Livre blanc avant-hier au Palais de la République, le président Bassirou Diomaye Faye a fait part de son amertume par rapport au déficit de coopération de la partie française. « [...] Je dois cependant exprimer, avec une certaine amertume, que la coopération attendue de la République française dans la mise à disposition complète des archives n’a pas toujours été à la hauteur de nos espérances », a regretté le chef de l’État.
Cette réserve, selon lui, n’a en rien entamé la détermination du gouvernement sénégalais à faire toute la lumière sur cette tragédie dans la collaboration avec l’ancienne puissance coloniale.
Pour le président Faye, ce travail symbolise la volonté d’un État qui interroge son passé, éclaire sa mémoire et revendique, par la connaissance, le droit imprescriptible à la justice et à la dignité humaine.
AMADOU FALL