FAIRE DE LA DIASPORA LE MOTEUR DE LA CROISSANCE SÉNÉGALAISE

Note de recommandation au Premier Ministre
La diaspora sénégalaise constitue un pilier stratégique de l’économie nationale. Selon la Banque mondiale, elle transfère chaque année entre 2,5 et 3 milliards de dollars, soit près de 10 % du PIB et plus du double de l’aide publique au développement reçue par le pays. Ces transferts représentent une source essentielle de devises, mais près de 80 % de ces ressources sont destinées à la consommation (dépenses courantes, santé, éducation, immobilier résidentiel), avec un impact limité sur la création d’emplois et la transformation économique. Le défi est donc de convertir cette manne en investissements productifs capables de stimuler la croissance et de renforcer l’autonomie économique du Sénégal.
Pour y parvenir, il est nécessaire de mettre en place des mécanismes financiers attractifs et sécurisés. Le Sénégal pourrait, à l’image de pays comme l’Éthiopie ou l’Inde, lancer des obligations diaspora ciblant les infrastructures, l’énergie et l’éducation. Des fonds d’investissement dédiés pourraient être créés pour canaliser une partie des transferts vers les PME locales, l’agro-industrie, les start-ups numériques et les énergies renouvelables. Les fintech doivent également être mobilisées afin de réduire les coûts de transfert (actuellement supérieurs à 8 % en moyenne pour l’Afrique) et faciliter l’investissement direct dans des projets locaux.
Le foncier reste un frein majeur pour la diaspora qui souhaite investir dans l’agriculture ou l’immobilier productif. Il est urgent de sécuriser les titres de propriété et de simplifier les procédures d’accès, notamment par la digitalisation des registres fonciers. De plus, la titrisation des biens immobiliers permettrait aux membres de la diaspora d’utiliser leurs actifs comme garanties pour accéder à des crédits bancaires et investir davantage dans l’économie nationale.
Au-delà du capital financier, la diaspora est aussi un réservoir de compétences et d’innovations. On estime que plus de 600 000 Sénégalais vivent à l’étranger, dont une part importante de cadres, chercheurs et entrepreneurs. Leur implication à travers des programmes de mentorat, d’incubation de start-ups, de transfert technologique et de missions de compétences temporaires peut contribuer à renforcer l’écosystème entrepreneurial et accélérer la modernisation de secteurs stratégiques tels que la santé, l’éducation et l’industrie. Les collectivités territoriales doivent également être associées pour identifier les projets prioritaires et assurer un développement participatif et inclusif.
Enfin, pour bâtir la confiance, il est indispensable de mettre en place un cadre institutionnel fiable. Un guichet unique pour la diaspora, des incitations fiscales ciblées et une transparence totale dans la gestion des fonds sont des conditions nécessaires pour attirer et sécuriser les investissements. Si le Sénégal parvient à convertir ne serait-ce que 20 % des transferts annuels en investissements productifs, cela représenterait près de 500 millions de dollars par an, soit l’équivalent du budget annuel de plusieurs ministères stratégiques. Une telle orientation ferait de la diaspora non seulement un soutien social, mais le véritable moteur de la croissance et de l’émergence du Sénégal.
Dr Seydou Bocoum
Sénégalais de la diaspora, près de 20 ans d’expérience aux États-Unis