Publié le 23 Jun 2015 - 12:52
DEPART DU DIRECTEUR DE LA SENELEC

Pape Dieng, les raisons d’un délestage

 

Etre contesté de l’intérieur suffit déjà pour perdre un directeur. S’il faut y ajouter une mauvaise image de la société envoyée au grand public et des appels incessants au limogeage parmi lesquels la tutelle, il faut dire qu’il y a peu de chance de rester au poste. Pape Dieng le directeur de la Senelec qui était dans cette situation, l’a compris depuis hier. Le décret/guillotine est tombé hier.  

 

On le savait déjà sur siège éjectable. Pape Alé Dieng le désormais ex-directeur de la Société nationale d’électricité (Senelec) a cédé son fauteuil depuis hier à l’ex-directeur de cabinet du président de la République, Mamadou Makhtar Cissé. La tension ambiante l’a finalement emportée. Mais il n’a pas été la seule victime. La décharge électrique a aussi foudroyé le ministre de l’Energie, Maïmouna Ndoye Seck, qui migre au ministère du Tourisme et des Transports aériens. 

Il faut dire que ces derniers jours n’ont guère plaidé la cause de Pape Dieng. Le début du mois a été catastrophique pour l’image de la société. Tout un week-end sans électricité en plus des nombreuses coupures durant la semaine. La sortie du Président Sall à l’occasion du conseil présidentiel sur l'investissement est encore fraîche dans les mémoires.

Macky Sall a estimé que ‘’c’est trop facile’’ de justifier les interruptions dans la fourniture du courant par ‘’du brouillard et de la météo’’. ‘’Les incidents notés la semaine dernière, avec ce black out total de la Senelec, ne sont pas acceptables. Ce sont des explications qui ne rentrent pas dans la tête. Il faut prendre des mesures alternatives’’, déclare ferme le Président.

Fallait-il alors que Pape Dieng quitte ? La tutelle n’en passe pas moins. Invitée dimanche dernier à l’émission hebdomadaire le Grand Jury de la Rfm, la ministre de l’Energie Maïmouna Ndoye Seck précise qu’en 2013, Papa Dieng a été bien noté. Et pour 2014, le chef de l’Etat attend le rapport, et ce qui sera décidé le sera par la suite. Mais dans la foulée, elle ajoute : ‘’Celui qui l’a nommé n’est pas obligé d’attendre un rapport pour procéder à son remplacement…’’. Il a fallu moins de 48 heures pour que les faits lui donnent raison, mais ce n’est pas sans conséquence pour elle.

Mais avant cela, l’ex-ministre de l’Energie avait déjà critiqué la réaction tardive de la Senelec en temps de coupure. Autrement dit, sa communication. Elle avait d’ailleurs demandé à ce que les rôles soient partagés, que chacun face son devoir. ‘’Il faut que les techniciens travaillent et que les communicants communiquent’’, avait-elle lancé.

Avant elle, plusieurs voix ont demandé ouvertement le départ de  M. Dieng. Le coordonnateur du mouvement Y en a marre, en tournée à Kaffrine le 08 juin dernier, a exigé son limogeage. ‘’S'il y a des coupures et que la Senelec n'arrive pas à donner des explications, une tête doit tomber. Macky doit sanctionner au moins pour rassurer les gens’’, suggère Fadel Barro qui toutefois dit ne pas sentir une volonté de sanctionner.

Après le y’en a marriste, c’est au tour des défenseurs des consommateurs. Me Massokhna Kane est d’avis que la société a un problème de management. ‘’ Ce qui doit changer à la Senelec, dit-il, c’est son directeur. ‘’Il a un problème avec les cadres, il a un problème avec les travailleurs. Il a un problème avec tout le monde’’, se désole-t-il.

Grogne des travailleurs

Outre les coupures intempestives, Pape Dieng faisait aussi face à une situation interne très difficile. Une bonne partie des travailleurs lui avait tourné le dos. Les sections du syndicat à Thiès, Saint-Louis et Dakar ont toutes réclamé sa tête. Un des membres du personnel, Arona Touré en l’occurrence, l’a même qualifié de poison pour la Senelec.

Pape Dieng avait en effet remercié plus de 600 releveurs pour raison de grève. Ces derniers réclamaient leur recrutement après plusieurs années. Mais le directeur lui, estimait qu’il avait un contrat de performance qui ne lui permettait pas de recruter. Mieux encore, le passage vers les compteurs numériques fait que, à ses yeux, ces employés n’avaient plus leur place dans la boîte. Dernière considération et pas des moindres : ‘’Ils ne sont pas là parce qu’ils ont été reçus à un concours. Ce sont les agents qui les ont amenés. Ils sont tous le cousin, le neveu, ou le frère de quelqu’un’’, réplique Pape Dieng.

Ambiance surchauffée à l’interne, résultats catastrophiques à l’externe en plus d’une communication inefficace. Il ne fallait pas plus pour perdre son poste. Aujourd’hui, la page Pape Dieng se ferme. Une nouvelle dénommée Makhtar Cissé s’ouvre. Reste à savoir si le problème de la Senelec est une question d’homme.  

BABACAR WILLANE

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