Publié le 12 Nov 2020 - 21:43
DOSSIER - RENTREE 2020-2021

A l’épreuve de la Covid-19

 

Le nouveau protocole sanitaire a été validé, pour la rentrée scolaire. La distanciation sociale ne pourra être respectée. Enseignants et parents d’élèves invitent les autorités au respect des mesures prises. Les premiers nommés rappellent leurs revendications et menacent de perturber l’année scolaire, si elles ne sont pas satisfaites. Un cocktail détonnant, pour une année scolaire qui s’annonce sous de mauvais auspices.

 

Les élèves vont reprendre le chemin de l’école, dans un contexte de propagation de la Covid-19, même si le pays enregistre depuis presque deux mois une tendance baissière de personnes atteintes du virus. Pour la rentrée 2020-2021, un nouveau protocole sanitaire a été élaboré par les autorités. Deux rencontres de prérentrée ont été organisées par le Haut conseil du dialogue social. Le secrétaire général du Cadre unitaire des syndicats d’enseignants du moyen secondaire (Cusems), Abdoulaye Ndoye, annonce que le protocole a été validé. Mais, à son avis, tout le matériel sanitaire doit être disponible et les recommandations du protocole sanitaire respectées. Car, poursuit-il, qui parle d’hygiène parle de l’environnement scolaire, de blocs sanitaires, de nettoyage, d’effectifs, etc. ‘’Nous avons dit qu’il faut respecter, à la lettre, les recommandations du protocole sanitaire, faire un suivi du protocole. Deux semaines après la reprise précédente, les gestes barrières n’étaient plus respectés. Le port du masque n’était plus respecté’’, prévient-il.

Pour la reprise, tous les acteurs insistent sur l’hygiène. C’est le cas du président de l’Union nationale des parents d’élèves et étudiants (Unapes) Abdoulaye Fane. Avec la tendance baissière, il estime que le port du masque doit être ‘’obligatoire’’. Parce que la distanciation physique ne pourra pas être respectée. Au moment de reprendre les cours, après le confinement, il n’y avait que 551 000 candidats aux examens répartis, de telle sorte que la distanciation physique avait été respectée.

Avec cette rentrée, il y aura 4 millions d’élèves et 97 000 enseignants. Ce qui veut dire, selon lui, qu’il y a certains paramètres qui ne pourront plus être de mise, comme la distanciation physique. Il s’y ajoute que les dotations qui ont été faites dans les établissements doivent être multipliées, vu le nombre de personnes qui seront présentes et dans la mesure où la pandémie est toujours là.

Abdoulaye Fane estime que, dans l’élaboration de ce nouveau protocole sanitaire pour la rentrée 2021-2021, il n’y a pas eu de ‘’changements majeurs’’ par rapport à l’ancien protocole esquissé lors de la reprise des enseignements pour les classes d’examen.

Le secrétaire général national du Syndicat des enseignants libres du Sénégal (Sels/A) Abdou Faty, joint par ‘’EnQuête’’, souligne que ‘’ce qui change, c’est que dans le préscolaire, les enfants ne porteront pas de masque. Il y a des exigences. L’environnement scolaire doit être extrêmement propre. Il y a le mur de clôture, avec des toilettes et des points d’eau. Il y a également la distanciation’’. Abdou Faty fait aussi remarquer que si c’est évident dans certains départements, cela peut ne pas être le cas à Dakar, comme à l’inspection d’éducation et de la formation (IEF) de Guédiawaye et de Pikine. 

Le syndicaliste d’inviter les autorités à régler la question de la distanciation. Celle-ci, à ses yeux, va poser des problèmes dans les centres urbains, dans la banlieue. Il se pose la question de savoir comment cela va se régler en collaboration avec les inspections d’académie (IA), les inspections d’éducation et de la formation (IEF) et les enseignants.

‘’Les autorités n’ont pas appris de la Covid’’

 Autre inquiétude soulevée par Abdou Faty, c’est la disponibilité des masques, des dispositifs de lave-mains, des gels et de l’eau courante. ‘’Nous sommes inquiets par rapport à cela. On a même l’impression que l’on n’a rien appris de la Covid-19. Or, la Covid devait servir de leçon’’, constate-t-il.

Les abris provisoires, selon lui, sont aussi un problème à régler. Idem pour les classes pléthoriques et le recrutement d’enseignants. ‘’Il y a beaucoup d’écoles qui ne sont pas encore désherbées, qui manquent d’eau, de matériel nécessaire comme les gels, les lave-mains et les masques. D’autres qui n’ont pas de toilettes. Nous, en tant qu’enseignants, on nous appelle au front comme d’habitude. Les camarades ont été dans les établissements le 5 novembre. Maintenant, nous attendons les parents d’élèves et les élèves, et également la communauté à venir aider les directeurs d’école, les proviseurs et les principaux pour mettre la main à la pâte pour désherber, désinfecter, apporter de l’eau, voir si tout le matériel est disponible ; que l’on puisse commencer et voir à la pratique ce que cela va donner’’, déclare Abdou Faty.

Abdoulaye Fane est tout autant préoccupé par l’assainissement des établissements. D’autant que certains sont encore occupés par des personnes qui ont été impactées par les inondations. Il estime qu'un protocole pédagogique est nécessaire.   Et reste persuadé que les enseignants sont les seuls à pouvoir relever le défi.

Abdoulaye Ndoye constate, lui, que les enseignants ont payé le plus lourd tribut. Au moment où les gens se sont confinés, où personne ne voulait aller dans les masses, les foules, les enseignants ont accepté d’aller dans les salles de classe et contribuer à l’effort de guerre.

 

‘’Un préavis est déjà en cours’’

Dans le même temps, Abdoulaye Ndoye dénonce le fait que les revendications des enseignants aient été gelées et non-satisfaites. Le syndicaliste précise qu'ils ont dit leurs quatre vérités au ministre de l'Education nationale Mamadou Talla qui a décliné cinq priorités.

‘’La première est relative à la stabilité dans l’espace scolaire.  Nous avons dit au ministre quel que soit le programme, les projets, l’argent qui sera injecté, si les acteurs qui sont les premiers intrants qu’il faut former, motiver, ne sont pas mis dans de bonnes conditions, les enseignants ne seront pas en mesure de dispenser des enseignements de qualité et la performance, n'en parlons pas’’.

Egalement, souligne Abdoulaye Ndoye, ils attendent du gouvernement le respect des engagements. ‘’Si les revendications, les accords signés avec les enseignants ne sont pas respectés, on ne peut pas penser à une stabilité du système éducatif’’. Depuis dix ans, poursuit-il, les mêmes problèmes reviennent. ‘’Si les questions consignées dans le protocole d’accord du 30 avril ne sont pas respectées, s’il ne mesure pas les enjeux pour comprendre que c’est une année difficile, c’est sûr que nous allons vers des perturbations et le gouvernement sera tenu pour unique responsable. Parce que, depuis dix ans, ils ne sont pas capables de régler les problèmes de l’école’’.

Il insiste : ‘’Si réellement le gouvernement veut rendre hommage aux enseignants, il doit satisfaire les revendications. Un préavis court depuis l’année dernière. Tout cela montre qu’il y a un manque de volonté politique.’’

Cette donne inquiète les parents d’élèves, car pour eux, les enseignants sont en train de s’agiter. Ils appellent le gouvernement à prendre ses responsabilités. ‘’Ils avaient suspendu leur mot d’ordre de grève. D’après l’analyse que nous faisons, nous nous sommes rendu compte que les réunions de suivi ont été suspendues. On risque d’avoir une année scolaire perturbée. C’est une donne très importante. Nous appelons particulièrement le chef de l’Etat à reprendre ce dossier pour que les négociations puissent continuer, dans la perspective d’une année scolaire paisible, sans grève’’, lance Abdoulaye Fane. Inquiet, il poursuit : ‘’Si on y ajoute des grèves, ça sera vraiment la catastrophe.’’

’Si l’Etat ne convoque pas les enseignants dès le mois de janvier, l’école va connaitre des perturbations’’, prévient le président de l’Union nationale des parents d’élèves et étudiants du Sénégal.

‘’Les classes intermédiaires et les classes d’examen sont d’égale dignité’’

Ainsi, le secrétaire général du Cusems, Abdoulaye Ndoye, note que ‘’la question des classes intermédiaires reste entière. Et c’est pour cette raison que les enseignants suggèrent au gouvernement des cours de rattrapage en dénonçant ceci : c’est des classes d’acquisition de connaissances. Les classes intermédiaires et les classes d’examen sont d’égale dignité ; elles se valent.  La classe d’examen, c’est l’évaluation d’un processus, la fin d’un processus. Un enfant qui n’a pas appris et qui n’a pas reçu des enseignements de qualité en 6e, 5e, ne peut être bien évalué’’.

Sur ce, Abdoulaye Fane rappelle qu’à propos des classes intermédiaires qui n’ont pas fait cours depuis le mois de mars, le ministère de l’Education nationale a promis de réserver les deux premiers mois à la consolidation. Un rattrapage sera fait. De manière progressive, dit-il, le quantum horaire sera résorbé. Il invite le comité de veille à un respect strict du nouveau protocole sanitaire.

La Covid-19 a entrainé des dysfonctionnements dans la gouvernance du système, un arrêt des cours pendant plusieurs mois et la suspension du processus de monitoring des accords. Toutes choses qui font dire à Abdoulaye Ndoye qu’il faudra améliorer l’environnement scolaire. ‘’Les enseignants sont surchargés. Non seulement avec les classes pléthoriques, mais aussi les programmes lourds’’, dit-il.

AIDA DIENE

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