Publié le 9 Nov 2012 - 08:57
EFFICACITÉ ET EFFICIENCE DE L’ACTION GOUVERNEMENTALE

Un réaménagement y suffit-il ?

 

 

Le premier gouvernement réaménagé du président Macky Sall s’est réuni en conseil des Ministres le vendredi 2 novembre 2012. Il aura auparavant fait l’objet de beaucoup de commentaires, qui continuent d’ailleurs d’aller bon train. De ce réaménagement, on peut retenir quelques leçons.

 

1 – Le Gouvernement est passé de 25 à 30 membres, contrairement aux engagements formels et plusieurs fois réitérés du candidat Macky Sall. Il s’est donc dédit, il a fait du wax waxeet. Des voix se sont levées curieusement pour justifier ce wax waxeet, qui n’en serait pas d’ailleurs un, à leurs yeux. Parmi ces défenseurs de l’injustifiable, figure un grand homme de communication qui a avancé que ce wax waxeet ne peut pas être comparé à celui du président Wade, parce qu’il ne met pas en cause les institutions. Peut-être, a-t-il oublié que le président de la République, qui qu’il soit, est la clé de voute de toutes nos institutions, en particulier de la première qu’il incarne. Un autre, chef d’un minuscule parti connu jadis pour son discours dévastateur qui balayait tout sur son passage, fait une différence entre le wax waxeet positif et le wax waxeet négatif. Il est vrai que, entre temps, il est devenu Pca.

 

Finalement donc, on banalise le wax waxeet, le reniement de la parole donnée et de l’engagement pris. Tout le monde peut se permettre désormais, chez nous, de prendre formellement et publiquement un engagement et de s’en dégager sans frais quelques jours ou quelques mois après. Nous nous rappelons encore ces mots terribles du président Wade : « les promesses n’engagent que ceux qui y croient». Le wadisme est donc encore incrusté dans nos mentalités, sept mois après l’avènement de la seconde alternance démocratique, de laquelle nous attendions pourtant une rupture profonde.

 

2 – L’argument-prétexte pour augmenter la taille du Gouvernement, c’était de permettre à tous nos compatriotes de s’y reconnaître. Tâche titanesque qui nous fait penser au fameux dosage. Le président de la République est libre de ses choix. Il peut tenir certainement compte des différents équilibres, mais ne devrait pas en faire une fixation. La République est une, la Nation est une. Le ministre, qui qu’il soit, est le ministre de la République, de la République tout court. Peu nous importe ses différentes appartenances ! Le principal pour nous est qu’il ait le profil professionnel et moral requis pour exercer cette importante fonction, et s’en acquitte honorablement. Dans les grandes démocraties, certaines préoccupations n’habitent pas les chefs d’État ou de gouvernement.

 

On pourrait même craindre que le choix du président de la République de rééquilibrer le Gouvernement produise des résultats à mille lieues de ceux qui étaient attendus. N’a-t-il pas finalement ouvert la boîte de pandore en se hasardant à ce fameux souci de dosage ? D’ores et déjà, dans plusieurs localités, des voix se font entendre pour réclamer leur place dans le Gouvernement. D’autres encore ne se reconnaissent point dans les ministres nommés pour les représenter dans le Gouvernement. Pour ne donner qu’un exemple, la dame qui est nommée Ministre chargée des Sénégalais de l’Extérieur fait l’objet de beaucoup de commentaires qui sont loin de lui être favorables. Elle serait très peu connue dans la ville qu’elle est sensé représenter. Elle n’aurait surtout pas le profil qu’on lui a taillé et nous serions heureux qu’elle rende public le doctorat de troisième cycle dont elle a déclaré être titulaire.

 

De même, l’un des nouveaux promus (à l’agriculture) qu’on nous a présenté comme un éminent professeur d’université ne le serait pas encore. Il est assistant à la Faculté des Sciences économiques et de gestion de l’Ucad. Nous connaissions déjà ce vilain penchant, du temps des Wade, à gonfler des CV presque vides, et nous espérions qu’ils l’avaient emporté dans leurs lourds bagages. Apparemment, nous ne nous en sommes pas encore débarrassés. Les nuages du wadisme sont loin, très loin de s’être dissipés. Ils assombrissent encore gravement notre atmosphère.

 

3 – Il ne suffit pas, non plus, d’augmenter la taille d’un gouvernement pour en rendre l’action plus efficace et plus efficiente. Une grande puissance comme les États-Unis d’Amérique ne compterait pas plus de quinze ministres dans son gouvernement. Une autre, le Japon, en compte 18. Tandis que le gouvernement d’un Joseph Kabila serait lourd d’au moins 40 ministres. Pour autant, qui ose seulement avoir le toupet de comparer l’efficacité et l’efficience du gouvernement congolais (Kinshasa) à celles des deux précédents ?

 

Ce qui importe davantage donc dans les objectifs assignés à un gouvernement, c’est moins le nombre que la qualité des hommes et des femmes nommés pour l’animer. Ces derniers doivent avoir le profil de l’emploi. En particulier, ils ne doivent pas venir de nulle part comme ceux auxquels les Wade nous avaient habitués. D’un ministre de la République digne de ce nom, on s’attend à ce qu’il réunisse au moins les qualités suivantes : une compétence et une expérience – de préférence des affaires publiques – avérées, une bonne moralité ne faisant l’objet d’aucun doute, une large ouverture d’esprit, un esprit d’entreprise, une capacité d’adaptation.

 

Ces qualités, même indispensables, ne suffiront d’ailleurs pas. Le ministre doit avoir une vision claire de la politique qu’il est chargé d’appliquer, de la mission dont il est investi. C’est l’animateur d’une équipe à la mise en place de laquelle il doit prêter une attention particulière. Les hommes et les femmes qui constituent son cabinet et ses autres collaborateurs du ministère doivent être choisis parmi les meilleurs et appartenir, autant que possible, à la Fonction publique. Il doit surtout éviter, dans la nomination de ses collaborateurs, de n’avoir d’yeux que pour ses parents, ses amis, ses camarades de Parti, pendant que son ministère ou d’autres structures de l’Administration regorgent de ressources humaines de qualité.

 

Du temps des Libéraux, des anciens Libéraux, les ministères étaient des fourre-tout et nombre de nos compatriotes en profitaient pour se faire recruter dans la Fonction publique, à laquelle ils ne pouvaient apporter aucune valeur ajoutée. C’est d’ailleurs le lieu de rappeler ici une vieille tradition qui remonte à la gouvernance du président Senghor, puis à celle de son successeur. Après la formation de chaque nouveau gouvernement ou un profond remaniement ministériel, le président de la République et le Premier ministre (à partir de février 1970) adressaient des instructions générales aux ministres. Celles-ci étaient relatives, pour ne donner que quelques exemples, à la composition des cabinets ministériels, à l’organisation du travail gouvernemental, à la préparation et à la présentation des décrets, à la déconcentration des pouvoirs au sein des départements ministériels, etc. Rien n’était négligé.

 

Ainsi, toutes les catégories de conseils (de cabinet, interministériels permanents ou occasionnels) et de réunions interministérielles dont l’importante réunion de coordination que présidait tous les samedis le Secrétaire général de la présidence de la République, faisaient l’objet de textes précis. Il est vrai que cet important travail était facilité, à l’époque, par le Secrétaire général de la présidence de la République, celui du Gouvernement, le Directeur de Cabinet du président de la République, celui du Premier ministre qui avaient tous le profil de l’emploi. Tout ce monde bénéficiait de l’appui éclairé du Bureau Organisation et Méthode. (A suivre)

 

Dakar, le 5 novembre 2012

Mody Niang,

e-mail : modyniang@arc.sn

 

 

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