Publié le 1 Mar 2012 - 08:47
ELECTION PRESIDENTIELLE 2012

Les urnes ont hurlé


Le lion rouge a rugi, excédé par les prévisions pessimistes et diaboliques des uns, prétentieux et irréalistes des autres. Fidèle à son héritage et à sa culture, le Sénégal a refusé de manger dans le bol du déshonneur. Dans une ambiance démocratique, les Sénégalais ont voté dans le calme, la dignité et la discipline. Il n’y a eu ni fumée ni feu et les résultats sortis des urnes montrent que la transparence était possible, le hold-up impossible et la victoire au premier tour, une illusion. En attendant les résultats de la diaspora, les chiffres issus des commissions départementales mettent le Président sortant Abdoulaye Wade en tête avec 35 % des suffrages, suivi de Macky Sall 25% et Moustapha Niass 13%. Ces résultats concernent les quarante-cinq départements. Par conséquent, un second tour est inéluctable.

 

Faut-il en conclure que c’est la fin de l’ère Wade ? La réponse dépendra surtout du rapport de force entre les engagements politiques pris par les uns et les autres, face à la realpolitik. La grande question est de savoir si ces engagements politiques, particulièrement la radicalisation de l’opposition qui avait fait du retrait inconditionnel de la candidature de Wade et de son âge jugé trop avancé, son principal combat, tiendront devant le réalisme politique qui veut que l’intérêt du parti prenne le dessus sur tout. Comme quoi les nations et les partis n’ont pas d’amis mais des intérêts.

 

La logique de la parole donnée impose aux leaders Moustapha Niass de Benno Siggil Sénégal, Ousmane Tanor Dieng de Benno ak Tanor, Idrissa Seck de Idy4Président, aux autres candidats, ainsi qu’à leurs partis respectifs, de voter contre l’adversaire commun de départ qui risque pour certains d’entre eux de devenir le partenaire final. Oui, cela peut paraître absurde pour beaucoup, mais les enjeux et la survie politique peuvent dicter des prises de position qui pourraient irriter plus d’un. Une analyse froide de ce contexte électoral nébuleux me fait dire que l’on risque de voir au sein des grands partis de l’opposition qui vont arbitrer Macky et Wade, des positions volontairement divergentes. Les leaders vont sauvegarder leur image et leur parole donnée en appelant haut et fort à voter contre Wade tandis que l’autre frange défendra très probablement la survie du parti qui aurait intérêt à s’allier même contre nature avec Wade pour se donner une chance de revenir au pouvoir à moyen terme, sachant que ce dernier est dans l’obligation d’organiser de nouvelles élections dans trois ans tout au plus. Cette analyse n’a pas échappé au porte-parole du parti socialiste Abdoulaye Wilane qui a attiré l’attention de ses frères socialistes sur le risque de voter Macky qui va ajouter aux douze ans d’attente sous le règne pesant des libéraux du Pds, quatorze autres années libérales en hibernation sous le soleil de l’Apr.

 

Mais la realpolitik peut aussi perturber les concessions et les ententes de dernière minute qui ont fait la cohésion à l’origine du score de 35% du FAL2012 arrivé en tête, pour réveiller les dissensions et entraîner des ralliements jugés plus sécurisants avec le camp de Macky qui peut les convaincre de faire le choix entre un avenir sur 14 ans et une fin de règne sur 3 ans.

 

Une bataille rude consistera à déployer une stratégie hors du commun pour s’arroger les suffrages des abstentionnistes et sensibiliser les mal-votants auteurs des bulletins nuls. Mais cette bataille aura-t-elle lieu si comme le prédisent ou le souhaitent certains, le Président se retire pour éviter un parricide et cède sa place au second le mieux placé en l’occurrence Moustapha Niasse ? Où encore qu’adviendra-t-il si le président optait pour la démission?

 

En tout cas le capitaine Macky se trouve en position de tirer la dernière balle de la série de pénalty pour remporter la coupe du Sénégal. Mais attention au poteau et à l’expérience du vieux gardien qui n’a pas encore dit son dernier mot. O diable, qui donc a conseillé au Président de rejeter l’offre paradisiaque du report des élections pour se retrouver dans cette position combien inconfortable ?

 

Mais en fin, dans leurs calculs et analyses, les politiques devront aussi intégrer le fait que les citoyens ont aussi leurs intérêts et leurs principes à défendre et qu’ils ont surtout pleinement pris conscience de la force de frappe de leurs cartes d’électeurs.

 

Cheikh Bamba DIOUM

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