Vers une approche systémique, inclusive et transformative

À l’heure où le Sénégal projette de réinventer son système éducatif dans le cadre de l’Agenda national de transformation de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (2025-2050), il devient impératif d'accorder à la formation professionnelle et technique (FPT) la place stratégique qui lui revient.
Ce sous-secteur, trop longtemps perçu comme marginal, porte pourtant des solutions durables aux défis de l’employabilité, de l’industrialisation, de la souveraineté technologique et de la compétitivité nationale. Pour réussir sa transformation, il ne suffit pas d'accumuler des réformes techniques : il faut repenser en profondeur notre manière de concevoir, de gouverner et de vivre la FPT.
Sortir des logiques parcellaires et corporatistes
L’appel à contribution lancé récemment à l’endroit des inspecteurs de la formation professionnelle est une initiative à saluer. Il reconnaît le rôle stratégique de ces professionnels dans l’observation du système, la coordination pédagogique et l’animation institutionnelle.
Mais cette démarche ne saurait, à elle seule, porter l’ambition de transformation à laquelle nous aspirons. Réfléchir à la FPT de demain n’est pas le monopole d’un corps ou d’une catégorie d’acteurs. Il serait contre-productif, voire dangereux, de reproduire une approche parcellaire, cloisonnée, ou "maisonniste", qui limite le débat à quelques cercles initiés.
Ce dont le pays a besoin, c’est d’un sursaut collectif, d’un débat ouvert, transversal et enraciné dans les réalités territoriales et sectorielles.
Penser la FPT comme levier de transformation sociétale
La FPT n’est ni un secteur de rattrapage, ni un segment secondaire du système éducatif. Elle est, au contraire, un espace d’innovation, d’inclusion, de professionnalisation et de développement local. Sa transformation doit s’articuler autour de principes clairs :
Intégration verticale et horizontale : renforcer les passerelles entre la FPT et l’enseignement général, l’enseignement supérieur, mais aussi entre l’école, l’entreprise et la recherche.
Approche territorialisée et partenariale : associer collectivités locales, organisations professionnelles, centres de formation, jeunes, parents et société civile à l’élaboration des politiques.
Réforme de l’orientation : donner aux séries techniques (S4, S5, STIDD…) une vraie légitimité, en valorisant les métiers, les filières courtes et les parcours hybrides.
Pédagogies renouvelées : généraliser les approches par compétences, les technologies éducatives, l’alternance et les dispositifs d’insertion adaptés aux profils spécifiques.
Culture de la qualité et de la gouvernance responsable : fonder la transformation sur la rigueur, l’évaluation, l’éthique et la transparence.
L’intelligence collective comme principe moteur
Une réforme crédible de la FPT ne peut reposer sur une seule expertise, aussi légitime soit-elle. Elle doit s’alimenter des expériences croisées des enseignants, inspecteurs, chefs d’établissement, étudiants, maîtres d’apprentissage, responsables d’entreprise, collectivités territoriales, chercheurs et partenaires sociaux.
L’intelligence collective, lorsqu’elle est mobilisée dans un climat de confiance et de co-construction, permet d’identifier les blocages réels, de co-produire des solutions et de garantir l’appropriation des réformes.
Co-construire pour transformer durablement
Refonder la FPT, c’est bâtir un avenir pour la jeunesse, pour les territoires, et pour l’économie nationale. Ce chantier dépasse les frontières institutionnelles ou les logiques d'appareil. Il exige de sortir des approches compartimentées, d’éviter tout repli corporatiste, et de s'engager dans une dynamique d’ouverture, de dialogue et de responsabilité partagée.
L’agenda 2025-2050 ne réussira que si tous les acteurs s’y reconnaissent, s’y impliquent, et s’y engagent. Ensemble, donnons à la FPT la dignité, la cohérence et la puissance transformatrice qu’elle mérite.
Par Alioune Cheikh Anta Sankara Ndiaye – Expert en développement Ecrivain