Publié le 27 May 2022 - 22:55
ENSEIGNEMENT - DÉSACCORDS GOUVERNEMENT - SYNDICAT D'ENSEIGNANTS

Le coup de théâtre !

 

Entre le gouvernement et les syndicats d'enseignants, on assiste à une rupture totale de l’accord paraphé, il y a quelques semaines. Les syndicalistes parlent de manquement à la parole donnée ; le gouvernement marque son incompréhension, après les efforts consentis pour satisfaire les doléances des syndicats. 

 

Alors qu’on pensait l’affaire entendue et que c’était la fin d’un long et douloureux feuilleton dans le secteur de l’éducation, avec la signature des accords entre les organisations syndicales de l'enseignement et le gouvernement, on assiste à un rebondissement inattendu. Il s’agit de nouveaux points de crispation qui risquent d’hypothéquer la fin d’année scolaire, avec les examens qui se profilent à l’horizon. L'effectivité des accords signés au mois de mars dernier, relatifs notamment aux revalorisations salariales, se fait toujours attendre. Les syndicalistes ne sont pas contents et le font savoir.

En effet, le Cusems et le Saems, lors d’une conférence de presse conjointe tenue ce mardi, soulignent qu’il ne s’agit pas ‘’d’une question d'impôt, comme on voudrait le faire croire à l'opinion’’. Abdoulaye Ndoye, Secrétaire général national du Cusems, explique : ‘’L'imposition est faite à la source. Donc, que l'on ne vienne pas nous parler de fiscalité pour corroborer leur énième manquement.’’ ‘’Les acteurs qui étaient témoins doivent dire la vérité au peuple. J'ai envie de nommer la Cosydep, l'association des parents d'élèves, la société civile, ceux du dialogue social, tous capables de témoigner de notre bonne foi. Nous sommes en face d'une promesse non tenue, d'une parole, d'un engagement violés", fulmine le syndicaliste. Qui ajoute : "Les augmentations de salaires devaient être effectives en cette fin de mois de mai. Mais, grande a été notre surprise quand, après vérification des états de paiement, aucune hausse n'a été relevée, comme cela a été convenu dans le protocole d'accord".

Selon M. Ndoye, les enseignants n'ont jamais exigé une quelconque revalorisation salariale, mais plutôt une "mise à niveau", la correction d'une "injustice sociale", car l'enseignement passe pour le "parent pauvre de la Fonction publique". Le SG du Cusems en a aussi profité pour rappeler le patriotisme, l'envie de ses camarades de sauver les meubles. Il le résume en ces termes : "Malgré tous les sacrifices consentis, les heures supplémentaires pour honorer le programme, malgré les contraintes dues notamment à la Covid-19, l'enseignant se sent juste trahi. Il est démoralisé. Le président est interpellé. Il doit être à l'écoute de l'enseignant, pour apaiser le climat scolaire et ainsi sauver l'école".

"Nous comptons internationaliser notre combat. Ainsi, nous allons déposer une plainte au niveau de l'Organisation internationale du travail, car un protocole d'accord est fait pour être respecté et ce gouvernement a tout violé, encore une fois", renchérit El Hadj Malick Youm, SG national adjoint du Saems.

N’excluant pas de se remettre autour de la table, il réclame un autre interlocuteur. "Cette nouvelle trahison, il faut l'appeler ainsi, nous pousse à la radicalisation de notre discours. Dorénavant, nous ne voulons plus du ministre des Finances Abdoulaye Daouda Diallo comme interlocuteur", peste le syndicaliste. Il martèle : "La parole est sacrée, de surcroît celle d'une institution de l'État comme un ministère."

Plus radicaux, cinq syndicats du G7, dont l'Uden, le Sels et le Siens notamment, ont pour leur part décrété une grève totale, du 27 mai au 3 juin. Il faut rappeler que le Cusems et le Saems, membres aussi du G7, privilégient les débrayages sur cette même période. En outre, ces deux organisations syndicales prônent le boycott de toutes les évaluations, du baccalauréat, du Bfem, des examens professionnels, etc.

Le gouvernement ne comprend pas les enseignants

Au moment où le Cusems et le Saems tenaient leur conférence de presse, le ministère des Finances et du Budget en a fait autant, pour donner sa version des faits. "Tous les engagements financiers contenus dans l’accord conclu le 26 février 2022 entre le gouvernement et les syndicats représentatifs d’enseignants ont été scrupuleusement respectés", se défend le ministre des Finances et du Budget qui donne plus de précisions : "Jusqu’ici, aucun dysfonctionnement d’ordre financier d’un quelconque point de l’accord n’a été porté à l’attention des services de la Direction générale du Budget du ministère des Finances et du Budget."

Selon Abdoulaye Daouda Diallo, c’est un "effort financier sans précédent" qui a été fait en faveur des enseignants, malgré le contexte de crise économique mondiale et pris en compte dans la Loi de finances rectificative 2022 pour laquelle le budget révisé du ministère de l’Éducation nationale s’est établi exceptionnellement à 673,150 milliards F CFA. 

De ce fait, l’argentier de l'État a rappelé le contexte délicat dans lequel ces reconsidérations salariales ont été faites. "À ces mesures de revalorisation de la rémunération des enseignants, s’ajoute le soutien au pouvoir d’achat des Sénégalais (subvention à l’énergie, soutien aux prix des denrées de première nécessité et revalorisation des salaires des agents publics) pour un montant de 702 milliards F CFA", précise-t-il.

Au finish, le gouvernement, par la voix de M. Diallo, semble ne pas comprendre l'attitude syndicale, au regard de tous les "sacrifices" consentis. ‘’Depuis hier (NDLR : mardi 24 mai) nous constatons, avec surprise et regret, la rupture unilatérale de l’accord par les syndicats d’enseignants représentatifs. Le gouvernement appréciera, dans les prochains jours, cette nouvelle situation". 

En effet, d’après des sources proches du ministère, chaque enseignant pourra se rendre compte de l’augmentation de son salaire entre les mois d’avril et mai 2022 et selon sa catégorie et son grade (Instituteur Adjoint, Instituteur, Professeur de collège d’enseignement moyen général, Professeur d’Enseignement Moyen, Professeur d'Enseignement Secondaire et Inspecteur) entre 50 000 FCFA et 180 000 FCFA.

Nos interlocuteurs se demandent comment les enseignants peuvent insinuer qu’il y ait que sur une même rubrique de paie une défiscalisation des augmentations et la poursuite de l’application de la fiscalisation sur les montants initiaux de la rubrique.  ‘’Autrement dit, « l’indemnité d’enseignement qui a augmenté de 50% à 60% devrait alors être fiscalisée pour les 50% et défiscalisée pour l’augmentation de 10% », ce qui n’est point concevable. C’est comme qui dirait également que la prime scolaire au profit des Instituteurs et Instituteurs adjoints qui est revalorisée de 25 000 FCFA à 80 000 FCFA devra être fiscalisée pour les 25 000 FCFA et défiscalisée pour l’augmentation de 60 000 FCFA, ce qui semble être une incongruité’’, explique-t-on.

MAMADOU DIOP

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