Publié le 18 Aug 2013 - 13:31
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR AU SÉNÉGAL

 www.campusen.sn ou le premier jalon d’une révolution silencieuse !

 

C’est une lapalissade que de dire, aujourd’hui, notre système d’enseignement supérieur et de recherche est plombé par un accroissement mal maîtrisé des effectifs d’étudiants. L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar compte, à elle seule, près de 80 000 étudiants. Cet accroissement de la population estudiantine, ces dernières années, n’est pas un phénomène propre au Sénégal. Partout, à travers le monde, on assiste à une explosion de la démographie estudiantine, signe tangible d’un monde fortement caractérisé par une ruée vers une maîtrise du savoir et de la connaissance.

Dans tous les pays, les autorités en charge du sous-secteur de l’Éducation se sont résolument orientées vers les technologies de l’information et de la communication pour faire face aux défis de la croissance de la population estudiantine et proposer des solutions novatrices à l’accès à l’enseignement supérieur. Ici ou ailleurs, se créent des Universités virtuelles soutenues par un développement de l’enseignement à distance.

A l’état actuel des choses, aucun pays ne peut se dérober face au défi de la prise en charge des effectifs de bacheliers qui frappent à la porte des universités. Il ne s’agira pas aussi de se débiner en procédant à un recrutement sélectif des bacheliers pour, ensuite, laisser en rade plusieurs centaines ou  des milliers de jeunes Sénégalais en leur fermant l’accès à l’enseignement supérieur.

Que faire alors de cette ''bombe sociale'' ? L’équité, comme du reste le droit à l’éducation, recommandent au Gouvernement et à la communauté de l’enseignement supérieur d’agir.

Pour la première fois, le Gouvernement du Sénégal avait décidé en avril 2013 de faire appel aux Établissements privés d’Enseignement supérieur (EPES) pour permettre aux jeunes Sénégalais non orientés dans les Établissements publiques d’enseignement supérieur de poursuivre leur scolarité. Puis, le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche  a expérimenté  la mise en place d’une plateforme d’inscription en ligne www.campusen.sn pour orienter et inscrire les bacheliers dans les EPES. Ainsi, grâce à cette technologie et, en l’espace de dix huit (18) jours, 6.670 bacheliers furent inscrits dans les EPES. C’est, en vérité, une révolution.

Aujourd’hui, encore, ils sont nombreux, ces étudiants et ces parents d’étudiants, qui dans le plus grand anonymat, envoient des lettres au ministère ou appellent au téléphone pour féliciter le Gouvernement de cette belle initiative. Que seraient devenus ces bacheliers non orientés de 2012 s’ils n’avaient pas bénéficié de l’opportunité d’être inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur privé ? Notre espace universitaire aurait-il connu la paix sociale en laissant ces bacheliers dans  la rue ?

C’est dans cette même optique que le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a décidé en concertation avec tous les Recteurs des Universités de reconduire ce schéma d’inscription en ligne des bacheliers de 2013.

Avant d’en venir aux modalités de mise en place de cette nouvelle procédure, je voudrais rappeler la procédure classique d’orientation des bacheliers sénégalais dans les universités publiques. En effet, juste après le baccalauréat, les nouveaux admis recevaient dans leur lycée ou centre d’examen respectif des formulaires de demande d’orientation. Ces formulaires étaient, ensuite, acheminés par les Proviseurs des lycées ou les chargés d’examen au Rectorat de l’UCAD et à la Direction de l’Enseignement supérieur devenue, aujourd’hui, la Direction générale de l’Enseignement supérieur. C’est à partir de ce niveau central que les dossiers d’orientation étaient conduits dans les Rectorats des Universités puis dans les Facultés ou UFRs.  Je me passerai des tracasseries et autres lenteurs administratives auxquelles étaient confrontés les élèves (légalisation des bulletins de notes ou autres pièces, etc..). Une fois les dossiers de demande d’inscription réceptionnés dans ces établissements, les commissions pédagogiques avaient la charge de les étudier pour procéder à l’orientation des bacheliers. Ainsi, on avait-on une première liste, puis une deuxième et enfin une troisième liste selon les procédés de chaque institution. Je vous ferai l’économie des va-et-vient des dossiers de bacheliers avec des risques assez élevés des pertes de dossiers, d’omissions liées souvent aux négligences de nos administrateurs ou même parfois au manque de motivation, etc. Autant de raisons qui faisaient que les jeunes bacheliers attendaient le plus souvent fin octobre ou début novembre pour connaître l’université, la faculté ou l’UFR dans laquelle il était admis.

On conviendra, avec moi, qu’une telle procédure d’admission des bacheliers a ses limites objectives pour un système d’enseignement supérieur qui prétend être moderne et compétitif au XXIème siècle. Si l’application d’une telle procédure était compréhensible à l’époque où n’existait qu’une ou deux universités, ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Devons-nous continuer à rester dans ce système classique d’orientation au moment où chaque année, plus de 40 000 bacheliers frappent à la porte de nos universités ? Devons-nous perdurer dans cette procédure d’orientation archaïque, au nom d’une prétendue autonomie, en la matière, de nos universités ? Devons-nous perdurer dans ce système qui, au final, ne permet pas d’admettre tous les bacheliers dans nos institutions publiques ? Devons-nous, in fine, faire abstraction de toutes les opportunités que nous offrent les TICs pour orienter en un clic tous nos 40 000 bacheliers ? Faut-il attendre en janvier voire en février pour que le nouveau bachelier sache qu’il n’est pas orienté dans nos universités publiques ? Ce dernier n’a-t-il pas le droit de savoir s’il est orienté ou non dès le mois de septembre ou d’octobre pour, éventuellement, se trouver un avenir ailleurs ? Voilà autant d’interrogations qui recommandent que nous opérions les réformes managériales et les ruptures pédagogiques nécessaires pour faire progresser notre système d’enseignement supérieur.

C’est à ces questions centrales que la nouvelle procédure d’inscription et d’orientation en ligne tente de répondre.  Au lendemain de la Concertation nationale pour l’Avenir de l’Enseignement supérieur (CNAES), il faudrait que le consensus puisse prévaloir sur un certain nombre de questions notamment celles relatives à nos pratiques pédagogiques et au mode de gouvernance de nos universités pour un système d’enseignement supérieur et de recherche performant et compétitif.

Pour revenir à la nouvelle procédure d’inscription et d’orientation en ligne, il faut noter qu’elle a l’avantage de mettre davantage le nouveau bachelier au centre de son processus d’inscription et d’orientation à l’université ; ce système lui offre plusieurs choix et lui permet de modifier son choix jusqu’à la date de clôture des inscriptions fixée par les autorités ; cette flexibilité s’accompagne d’un gain en temps. Mieux, cette procédure a l’avantage de donner à l’étudiant un numéro d’identification nationale qui permettra aussi bien à l’administration universitaire et qu’aux autorités ministérielles de le suivre durant tout son cursus universitaire.

A la date du 05 août 2013, 36.000 bacheliers avaient déjà déposé leurs dossiers d’orientation et d’inscription dans le site. Ces étudiants, dans leur grande majorité, l’on fait directement à partir du cyber du coin, du lycée d’à côté, par l’intermédiaire d’un ami ou d’un parent qui dispose d’une connexion internet… Ils se sont tous inscrits sans avoir formé de longues files d’attente, et sans le risque de perdre un élément du dossier. A travers le site, nous sommes au moins certains que chaque bachelier pourra savoir avant le mois d’octobre sa prochaine destination et se préparera en conséquence. Le site www.campusen.sn arrime davantage notre système d’enseignement supérieur au numérique.

Il est bon également de noter qu’en réalité, ce système ne dessaisit pas les universités de leurs prérogatives régaliennes d’orienter les bacheliers comme le soutiennent certains acteurs de l’espace universitaire. En effet, tous les critères d’admission et d’affectation de coefficient à chaque discipline et à chaque filière figurant dans le site n’ont ni été inventés par les concepteurs du site ni par le Ministère de tutelle. Ces critères ont été bien établis et définitivement arrêtés par les services ou commissions pédagogiques de chaque université, lesquels les ont, enfin, transmis à la Direction générale de l’Enseignement supérieur.     

Il est, aujourd’hui, établi qu’aucun système d’enseignement supérieur et de recherche ne peut se développer sans une utilisation efficiente et efficace des opportunités que nous offrent les technologies de l’information et de la communication. C’est cette nouvelle donne et ce nouveau contexte marqué par la CNAES qui justifie le pari du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche d’introduire, dès cette année, l’inscription en ligne des bacheliers de 2013. Avec campusen.sn c’est un petit pas dans le processus de réforme mais un jalon important pour l’avenir de notre système d’enseignement supérieur et de recherche pour paraphraser J.F Kennedy.    

                                      Dr Moustapha SOW ''Foyré''

                                                   Conseiller Technique en Communication

            Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

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