Publié le 23 Nov 2023 - 18:12
ENTRE COUP DE COLÈRE, TRAHISON, MÉLANCOLIE, ETC.

Macky s’est confié sur la fin de son magistère

 

À cinq mois de la transmission du pouvoir à un nouveau président de la République, Macky Sall a évoqué les points chauds de la fin de son deuxième mandat, dans un entretien à venir avec ‘’Jeune Afrique’’. 

 

S’il sait se montrer taquin à l’occasion, le président de la République Macky Sall n’est pas très connu pour son expression joviale. Et depuis l’annonce de sa non-candidature à un nouveau mandat à la tête du Sénégal, la situation ne s’est pas tellement améliorée. Le chef de l’État s’est montré très caustique à de nombreuses occasions. Le dernier épisode lors duquel il a traité d’’’escroc’’ Pierre Goudiaby Atépa, un membre influent du secteur privé national, fait encore couler beaucoup d’encre. Dans une interview accordée au journal panafricain ‘’Jeune Afrique’’, Macky Sall est revenu sur l’exercice de ses derniers mois en tant que président de la République. Certaines de ses confidences peuvent expliquer son humeur, ces derniers temps. Un entretien à paraitre la semaine prochaine.

À la question à savoir ce qui l’a ‘’le plus marqué ou surpris dans l’exercice du pouvoir’’, le président de la République a répondu avec un brin de déception. ‘’D’abord, la solitude’’, regrette Macky Sall. Avant d’expliquer sa pensée : ‘’À chaque fois que les situations sont difficiles. Quand tout va bien ou que la victoire est là, tout le monde participe, tout le monde est content, tout le monde réclame. Dans le cas inverse, vous êtes seul. Il faut s’y préparer, ne pas se décourager.’’

Macky Sall : ‘’La politique rime trop souvent avec trahisons…’’

S’il n’a pas donné les moments précis pendant lesquels il s’est senti seul, le président Macky Sall explique, sur le ton mélancolique, que ‘’la politique rime trop souvent avec trahisons, querelles, petits meurtres entre amis, comme on dit. C’est lié à la nature du pouvoir. Malheureusement, il faut aussi composer avec’’. 

Malgré son choix porté sur le Premier ministre Amadou Ba pour conduire la coalition au pouvoir à la Présidentielle, quelques partisans des premières heures de son parti (APR) ont décidé de quitter le navire et de lancer leur propre candidature.  

Élu en 2012, réélu en 2019, le président de la République Macky Sall vit une fin d’exercice du pouvoir tendue, marquée par deux épisodes de violences sociopolitiques extrêmes en mars 2021 et en juin 2023. Alors qu’il est accusé d’instrumentaliser la justice pour éliminer ses adversaires politiques les plus en vue, l’interpellation (2021) et la condamnation (2023) de son principal opposant, Ousmane Sonko, ont plongé le pays dans une atmosphère politique tendue qui se propage à trois mois de l’élection présidentielle de 2024.

Dans l’entretien avec ‘’Jeune Afrique’’ dont des extraits sont déjà disponibles, Macky Sall a rejeté les critiques sur les condamnations judiciaires de ses principaux opposants (Karim Wade, Khalifa Sall, Ousmane Sonko). “Les opposants, ou les hommes politiques de façon générale, ne seraient-ils pas justiciables ? a-t-il rétorqué.  Vous-mêmes (NDLR : Le journaliste de ‘’JA’’) avez évoqué les menaces de mort, les appels à me destituer ou à l’insurrection lancés par l’un de mes adversaires [Ousmane Sonko]. Si le Sénégal était une dictature, comme certains veulent le faire croire, pensez-vous sincèrement qu’il aurait pu passer une seule journée à m’insulter en boucle ?”.

‘’Si le Sénégal était une dictature…’’

Malgré la dissolution du parti Pastef d’Ousmane Sonko, sa radiation des listes électorales et toutes les procédures intentées par le procureur de la République et l’agent judiciaire de l’État dont les conséquences seront l’invalidation de la candidature de l’opposant à la présidentielle de février 2024, l’élan sympathique à l’endroit de Sonko n’a fait que se renforcer au fils des mois. Même en prison, il continue de dicter le rythme de la vie politique au Sénégal. Son choix de faire parrainer le numéro deux de son parti dissout, Bassirou Diomaye Faye, comme plan B, a redonné de l’élan à une campagne de collecte de parrainages citoyens bien terne.

Pourtant, Macky Sall, par rapport à son opposant, dit ne rien regretter. Le président assure : ‘’Vraiment, je n’ai aucun regret : tout ce qui a été fait l’a été selon les normes démocratiques les plus élevées. Force doit rester à la loi. Ceux qui veulent l’anarchie et le chaos pour assouvir leurs ambitions me trouveront sur leur chemin, a-t-il poursuivi. De soi-disant militants de son parti ont tué des femmes innocentes en lançant des cocktails Molotov contre un bus de transport public dont ils avaient bloqué la porte. Et on va manifester pour la libération de personnes qui ont commis ces atrocités ?”

Sur Sonko : ‘’Je ne regrette rien’’

C’est d’ailleurs l’une des raisons de son coup de sang lors du fameux Conseil présidentiel tenu le 15 novembre dernier à Kaolack où il s’en est violemment pris à Pierre Goudiaby Atépa, coupable d’avoir écrit une lettre, avec d’autres cadres casamançais demandant la libération d’Ousmane Sonko. Macky Sall a également ‘’menacé’’ ceux qui seraient tentés d’essayer de semer le chaos dans le pays, avant de critiquer son propre camp incapable ‘’de défendre son bilan’’. Sans oublier ses critiques sur le système éducatif sénégalais.  

Pourtant, Macky Sall dispose d’un bilan élogieux sur lequel il a engrangé pour se faire réélire en 2019. Entre les grands projets d’infrastructures, les filets sociaux mis en place, les réussites sportives (le Sénégal vainqueur de plusieurs Can dans différentes catégories) entre autres sous son magistère, le président de la République estime avoir assez donné d’arguments à ses collaborateurs pour défendre son œuvre depuis 12 ans. 

Alors qu’il a été nommé envoyé spécial du Paris Pact for Peace and Planet (4P), il a évoqué son intention de tourner la page de la présidence après son départ. ‘’Je ferai comme Abdou Diouf, je me retirerai complètement”, dit-il, afin de s’investir sur des choses ‘’comme le leadership, la voix et le poids de l’Afrique dans le concert des nations – nous venons d’obtenir un siège au G20 pour l’Union africaine ; il faut qu’il soit bien occupé”.

Lamine Diouf

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