Publié le 25 Jul 2020 - 20:23
FONDS FORCE-COVID-19 CULTURE

Des plasticiennes dénoncent une “discrimination’’

 

Le Collectif des plasticiennes du Sénégal qualifie de discriminatoire la répartition du fonds octroyé à leur sous-secteur, dans le cadre du fonds Force-Covid-19.

 

Le fonds de riposte et de solidarité mis en place par le président de la République, Macky Sall, en mars dernier, continue de créer des polémiques dans le secteur des arts et de la culture. En conférence de presse au Village des arts, des artistes du sous-secteur art plastique sont montés au créneau. Il s’agit d’artistes femmes réunies autour du Collectif des plasticiennes du Sénégal (CPS). Elles notent une ‘’discrimination’’ dans la répartition de l’argent qui leur est attribué.

En effet, ce sous-secteur a reçu la somme de 500 millions de F CFA affectés à l’achat d’œuvres d’art, sur les trois milliards que le secteur des arts et de la culture a reçus. Pour répartir ce fonds, le ministère de la Culture et le comité en charge de la gestion et du partage du fonds ont préféré procéder à un appel à candidature et sélectionner certaines œuvres que les artistes ont proposées. Pour le Collectif des plasticiennes du Sénégal, ce procédé est une manière d’enrichir une minorité et la collection d’œuvres du patrimoine privé et de laisser pour compte les autres.    

‘’Ce qui me dérange dans le sous-secteur art plastique, c’est qu’on ne peut pas donner un fonds d’aide et qu’on demande aux artistes de venir postuler pour qu’on achète leurs œuvre. Moi, au début, j’ai pensé que l’idée était louable, parce que je me suis dit que chaque artiste qui postule peut avoir quelque chose (de conséquent). Mais ils ont sélectionné 94 artistes et donné sur la liste des millions à un petit groupe de personnes. Pendant ce temps, les autres reçoivent entre 200 et 500 mille’’, s’est indignée Adjaratou Kane Lèye, artiste plasticienne et maquilleuse au cinéma. ‘’Ce n’est pas de l’argent pour un concours, c’est une somme qu’on a déposée sur la table pour aider les artistes. Donc, je pense que la répartition doit être équitable, parce qu’il y a de jeunes artistes qui peinent à trouver du matériel pour travailler. Ils ont besoin de ce fonds’’, a-t-elle ajouté.

En outre, seules 10 % des œuvres proposées ont été sélectionnées. Ce qui fait dire à la porte-parole du CPS, Adama Boye, qu’en vérité, le fonds qui avait pour vocation d’aider le plus grand nombre de victimes de la Covid-19 n’a été qu’une simple action de deux poids, deux mesures, un fait qui n’a suscité, au finish, que frustrations et mécontentements’’.

Et de souligner une discrimination des femmes plasticiennes dans cette affaire. ‘’Sur presque 800 artistes, ils n’ont sectionné que 94 dont 8 femmes seulement. Deux de ces dernières figurent dans le comité. C’est aberrant’’, regrette Mme Boye. ‘’On ne peut pas dire que nous ne travaillons pas. Nous sommes cinquante artistes et représentons le Sénégal partout dans le monde. A cause de la Covid-19, nous n’avons pas pu tenir nos manifestations prévues dans le cadre de la célébration du 8 mars, nos expositions à la Biennale, au Maroc, en France, au Japon. Malgré tout cela, ils tiennent à dire que nous ne sommes pas des artistes. Nous sommes là depuis longtemps. La plupart d’entre nous sont sorties de l’Ecoles des beaux-arts’’, a-t-elle ajouté.

Pour rectifier le tir, le Collectif des plasticiennes du Sénégal demande au ministère de la Culture d’acheter leurs œuvres. 

Les plasticiennes ont saisi cette occasion pour alerter sur la situation qu’elles vivent depuis longtemps. Elles ont aussi dénoncé d’autres ‘’actes discriminatoires’’. Adama Boye déclare : ‘’Au salon national passé, il n’y avait que quatre femmes. Au Village des arts, seules 8 femmes ont été sélectionnées. Les femmes cherchent des ateliers depuis des années.’’

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… Espace Médina parle ‘’d’injustice’’

Encore des plasticiens qui ne sont pas d’accord avec le sous-comité du secteur des arts visuels. Ils dénoncent la manière dont l’enveloppe dédiée à leur secteur a été répartie.

BABACAR SY SEYE (STAGIAIRE)

Après le Collectif des femmes plasticiennes, c’est au tour de l’atelier d’art Espace Médina de partager son amertume et sa déception, suite à la répartition de l’argent que le sous-secteur art visuel a reçu, dans le cadre du Plan de riposte et de solidarité contre les effets de la Covid-19.

En effet, sous l’impulsion du ministère de la Culture, un comité de pilotage a été mis en place, composé de membres de la tutelle et des représentants des quatre filières du secteur des arts et de la culture. Ainsi, il a été décidé que les 500 millions vont servir à l’achat d’œuvres d’art, pour garnir le patrimoine culturel privé de l’Etat. Les artistes de l’atelier Espace Médina y voient ‘’une logique commerciale, qui n’est pas du tout de commune mesure avec la première logique’’. 

En conférence de presse hier à Dakar, le manager des artistes plasticiens de l’atelier d’art Espace Médina, Mamadou Ndiaye, s’interroge : ‘’C’est un fonds qui, au départ, visait à soutenir les artistes. Il visait la solidarité et le soutien aux artistes plasticiens, victimes de la crise sanitaire de la Covid-19. Pourquoi y admettre une autre logique, celle purement commerciale ?’’ Il est d’avis que l’Etat à l’obligation d’acheter des œuvres d’art pour enrichir le patrimoine privé, mais pas dans ce contexte de solidarité.

‘’Depuis 1967, l’Etat a l’obligation d’acheter des œuvres d’art pour les mettre sur le compte du patrimoine privé, parce qu’on doit préserver notre socle mémorial du Sénégal pour le présent et l’avenir’’, souligne-il. ‘’On ne peut pas acheter l’œuvre d’une personne et appeler ça de l’aide. C’est du gagnant-gagnant’’, renchérit l’artiste Cheikha.

Par ailleurs, estimant qu’il devait y avoir une répartition équitable, les plasticiens de l’Espace Médina ne comprennent pas le choix de procéder à un appel à candidature des artistes et, à l’arrivée, ne sélectionner que 10 % des candidatures. Ils ont, par la même occasion, noté ‘’des dysfonctionnements’’ au niveau de la plateforme d’inscription. ‘’Il y a là anguille sous roche. Toute chose qui légitime et justifie le mécontentement et la colère du plus grand nombre d’artistes, pour dénoncer l’inquiétude et l’injustice qui ont prévalu, par le fait du comité de pilotage en charge de la gestion et de la réparation du fonds Covid-19’’, ont-ils dit.

Pour eux, qu’il y ait réparation ou pas, leur dénonciation se justifie par le fait qu’ils ne veulent plus que ce genre de choses ne se reproduise. Car, ‘’ce pays-là ne mérite pas ça. C’est un pays de culture qui a une histoire bien connue’’, a rappelé M. Ndiaye.

ANTA GERMAINE GAYE

‘’Il n’y a pas un seul artiste dans le comité de sélection’’

En marge de la conférence de presse des plasticiennes, une de membres du sous-comité des arts visuels du fonds Force-Covid-19, Anta Germaine Gaye, a tenu à apporter des précisions. Elle assure que tout s’est fait en toute impartialité. ‘’J’ai apporté un courrier pour le remettre à Adama Boye et à Aichatou Diène qui dirigent le collectif. Il y est bien mentionné les noms des membres du comité de sélection. J’ai eu la liste sans problème, parce que j’ai appelé la secrétaire générale de la Biennale, elle m’a dit qu’il n’y a rien de confidentiel.

C’est une liste qui provient d’un arrêté ministériel.  Il n’y a pas un seul artiste sur cette liste. Il y a un historien de l’art, un critique d’art, la secrétaire générale de la Biennale, etc. C’est un comité de cinq ou six personnes. C’est peut être une démarche qui n’est pas appréciée par tous. Et même dans le comité, on en a parlé et rapporté nos appréciations. On s’est demandé s’il fallait se partager l’argent ou l’utiliser pour enrichir le patrimoine privé de l’Etat. Ça n’a pas été une décision facile, mais les choses sont ainsi. Et les artistes qui ont candidaté ont eu 500 mille. Et parmi les nouveaux talents, il y en a à qui on a acheté les œuvres et qui ont demandé 200 000 F CFA’’, a précisé Anta Germaine Gaye.

Aussi, il est indiqué que les artistes dont les œuvres ont été sélectionnées ont reçu le prix qu’ils ont fixé. Ceux qui ne sont pas sélectionnés et qui ont déposé auront leur enveloppe. Le deuxième volet concerne les artistes qui n’ont pas candidaté et dont les noms se trouvent dans la banque de données des artistes visuels du Sénégal.

BABACAR SY SEYE

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