Publié le 5 May 2018 - 15:57
GESTION CARGO VILLAGE AIBD

Le one man’s land de Teyliom

 

L’aéroport international Blaise Diagne de Diass est encore loin d’être paradisiaque pour les acteurs du fret. Outre la baisse drastique de leurs chiffres d’affaires, ils sont confrontés à des conditions de travail difficiles, mais aussi à ce qu’ils considèrent comme un diktat de Teyliom Logistics, maitre d’œuvre du cargo village.

 

A Diass, la vie n’est pas si rose. Par rapport à Dakar, les conditions sont même beaucoup plus exécrables pour certains acteurs aéroportuaires. Suant à grosses gouttes, Papa Diop, la soixantaine, un brin amer, se rappelle le bon vieux temps dans la capitale : ‘’J’avais une superficie de 90 m2, dont les 60 m2 servaient de bureau. Le reste, c’était pour la mosquée. En plus, le prix du m2 était nettement inférieur. A Diass, c’est tout à fait le contraire.’’ Président d’honneur de l’Union des acteurs du fret (Uaf), le transitaire qui revendique 14 employés, dont 4 permanents et 6 stagiaires, tous affectés dans le nouvel aéroport, est obligé de partager son petit bureau de 10 m2 avec son comptable et le reste de ses salariés. Ici, c’est le cargo village. La chaleur est suffocante dans les abris provisoires composés de contreplaqués avec une bâche les séparant du ciel.

En fait, le groupe Teyliom Logistics, qui avait en charge la construction du cargo, n’est pas parvenu à le livrer à date échue. Depuis le 7 décembre 2017, les transitaires attendent toujours la livraison de l’infrastructure. D’où l’érection des abris provisoires en lieu et place de bâtiments en dur. Pour les occupants, c’est un calvaire. ‘’C’est très difficile de travailler dans ces conditions. Nous avons accepté de rejoindre le site parce que nous sommes des patriotes. Nous avions l’ambition d’accompagner l’Etat dans sa volonté de développer cette nouvelle plateforme aéroportuaire. Mais on ne sait plus à quel saint se vouer’’, peste le vieux Papa Diop.

En l’absence de livraison du cargo par l’entreprise de Yérim Sow, l’entreposage des marchandises est assuré par 2As.

Le calvaire des acteurs

 Outre les mauvaises conditions de travail, les acteurs du fret déplorent également une baisse de leurs activités. Les raisons sont multiples. Si les uns invoquent la nouveauté de l’aéroport, les autres indexent les tarifs qui seraient peu compétitifs. Pour Omar Kane, les raisons sont tout autres. Il y a, selon lui, une concurrence déloyale de la société Teyliom qui veut, seule, disposer d’un entrepôt. Il ajoute : ‘’Nous sommes livrés à nous-mêmes. L’Etat nous a livrés à des entreprises étrangères qui nous sucent. D’une part, il y a Swissport qui est en partenariat avec Teyliom. D’autre part, il y a 2As avec les Turcs. La situation est invivable. Et l’Etat ne fait rien pour nous accompagner… C’est ça la réalité.’’

Par ailleurs, Omar Kane soupçonne une nébuleuse autour des activités de Teyliom. Selon lui, celle-ci veut s’immiscer dans leurs prérogatives en sous-traitant la branche transit avec d’autres entreprises. ‘’Voilà pourquoi nos chiffres d’affaires ont baissé. L’activité ne marche pas comme avant. A Dakar, nous ne restions pas une semaine sans dossier. Ici, parfois, on reste des jours’’, regrette-t-il.

En ce qui le concerne, Nago Mbengue déplore surtout l’absence de boutiques et de restaurants. ‘’Ici, tout est problématique. Pour manger, on a des difficultés. Pour boire, c’est un problème. Je ne parle pas des problèmes de transport auxquels nous sommes confrontés tous les jours’’, fulmine M. Mbengue.

MOUSTAPHA DIAKHATE SUR LA SOMMATION DE TEYLIOM

‘’Ils n’ont qu’à apporter des corbillards’’

Il y a de l’électricité dans l’air. Ce lundi 7 mai 2018, Teyliom promet de démanteler les abris provisoires qui servaient jusque-là de bureaux aux acteurs du fret. Les occupants, réunis au sein de l’Union des acteurs du fret, refusent catégoriquement de quitter les lieux. Ils accusent l’entreprise d’avoir haussé les prix unilatéralement et de les avoir exclus au profit d’autres acteurs.

Le feu couve à l’aéroport international Blaise Diagne de Diass. Dans une lettre signée hier, la Direction générale de Teyliom Logistics informe tous ses locataires que les abris provisoires situés dans la zone de fret de l’aéroport international Blaise Diagne de Diass vont être démantelés lundi prochain. ‘’Les bureaux définitifs destinés aux opérateurs du fret sont maintenant terminés. Ceux qui ont souhaité avoir un espace au sein de ce bâtiment vont déménager ce week-end’’’, lit-on dans la note.

Ainsi, malgré les difficultés endurées dans les abris provisoires pendant des mois, certains locataires risquent de ne pas y disposer de place. C’est du moins ce que prétend l’Union des acteurs du fret (Uaf) en conférence de presse, hier. Le secrétaire général de la structure, Moustapha Diakhaté, déclare : ‘’Teyliom nous a dit que tous les bureaux sont déjà attribués. Or, nous devrions avoir la priorité, d’autant plus qu’il est prévu, dans nos contrats, la signature d’un avenant. Nos contrats étant arrivés à terme le 4 février dernier, Teyliom n’a pas voulu respecter son engagement.’’

Ainsi, les acteurs du fret, qui estiment avoir rempli leur part de la convention en s’acquittant régulièrement du paiement de leur redevance, accusent l’entreprise de Yérim Sow d’avoir violé ses obligations contractuelles. ‘’Ils l’ont violée parce qu’ils n’ont pas respecté les délais de livraison. Ils l’ont violée parce qu’ils ne nous ont pas mis dans des bonnes conditions de travail. Ils l’ont violée en augmentant les tarifs de manière unilatérale’’, argue Moustapha Diakhaté.

Pour ces raisons, ce dernier et ses camarades ne comptent pas libérer les emprises. ‘’Ce lundi (7  mai 2018), en venant avec leurs Caterpillar pour démanteler nos bureaux, ils n’ont qu’à apporter des corbillards pour évacuer nos corps. Nous ne comptons pas nous laisser faire. Nous sommes des travailleurs honnêtes, pas des va-nu-pieds’’, a renchéri le secrétaire général.

Par ailleurs, l’Uaf reproche à Teyliom de faire main basse sur leur activité, ainsi que sur le Handling. ‘’C’est pourquoi ils ont noué un partenariat avec Swissport, alors que le Handling est réservé à 2As. C’est prévu par un décret. Le Sénégal est un Etat de droit. On ne peut pas faire tout ce qu’on veut’’, a dénoncé pour sa part Ibrahima Kébé, trésorier de l’association.

Mor Amar

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