Le Programme décennal de lutte contre les inondations sera poursuivi et accéléré. Et le chef de l’Etat, Macky Sall a annoncé hier, lors sa visite à Keur Massar, en banlieue dakaroise, qu’une enveloppe de 30 milliards est d’ores et déjà disponible.

Le chef de l’Etat, Macky Sall, a effectué, hier, une visite à Keur Massar, une des communes les plus inondées de la capitale sénégalaise. Après avoir suivi les explications données par la Brigade nationale des sapeurs-pompiers et les autorités compétentes, le président Sall a félicité toutes les équipes qui sont 24 heures/24 sur le terrain, celles des sapeurs-pompiers, de l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas). Mais aussi l’ensemble des ministères engagés dans ce combat avec les autorités administratives, les maires, les délégués de quartier et les ministres qui ont en charge le plan Orsec.

 ‘’Nous allons renforcer vos moyens de pompage. J’ai demandé au ministre de l’Intérieur, si le dispositif n’existe pas sur place, d’accélérer la commande et de renforcer les motopompes de grandes capacités, 800 à 1 000 m³/h. Mais aussi de renforcer le dispositif de canalisation et les conduites, en attendant’’, dit-il.

Mais, en dehors de ces actions ‘’immédiates et urgentes’’, le chef de l’Etat a annoncé que des actions ‘’très importantes’’ vont être engagées, dès la fin de l’hivernage. ‘’Nous allons poursuivre et accélérer le Programme décennal de lutte contre les inondations. Je peux vous affirmer d’ores et déjà qu’une enveloppe de 30 milliards est disponible. Hier soir, j’ai reçu longuement les représentants de la Banque mondiale et que, donc, les projets 2 et 3 pourront être engagés immédiatement. Aussi, dans le cadre du budget, j’ai demandé des ressources immédiates, au moins 13 milliards qui devront être affectés à l’Onas pour que ces deux projets soient interconnectés’’, informe le président Sall.

Les maires sommés d’arrêter de lotir les zones inondables

Pour s’assurer de la bonne exécution de ces projets et régler la question des inondations, Macky Sall a fait savoir qu’il organisera une réunion. ‘’Et moi-même, à la fin de ma visite à l’intérieur du pays, la semaine, je vais coordonner une rencontre avec les différents ministères, les services de l’Onas, de l’Agence de développement local (ADL), de l’Ageroute, de tous ceux qui interviennent sur l’assainissement, les autres ministres concernés, afin que les travaux puissent démarrer dès la fin de l’hivernage. Bien sûr, nous avons beaucoup fait, mais ce n’est pas suffisant et nous allons encore faire plus’’, poursuit-il.

De ce fait, le président de la République demande aux maires, en particulier sous la supervision des autorités administratives, de cesser ‘’de donner des lotissements dans des zones de cuvette’’. ‘’Autrement, tout ce que nous faisons ne servira à rien. A chaque fois que nous allons traiter un problème, les gens iront dans des marigots pour y faire des lotissements. Et alors, dès qu’il aura une pluie, nous aurons un spectre désolant d’inondations. Nous devons nous aider là-dessus, travailler ensemble la main dans la main, pour que les zones non aedificandi ne soient pas des zones autorisées pour l’habitat’’, préconise-t-il.

En fait, le chef de l’Etat estime que c’est ce qui permettra de ‘’donner un sens’’ aux actions qu’ils sont en train de mener. Car il souligne qu’énormément de ressources ont été ‘’injectées’’ pour la gestion des inondations. ‘’Nous allons continuer à le faire, puisque, de façon globale, le département de Pikine est dans une zone de marécage. Mais nous pouvons faire de l’assainissement et nous le ferons. (…) L’Etat sera à vos côtés. D’abord, dans l’urgence et l’urgence, c’est de sortir les eaux des maisons et des quartiers, et d’assurer également un saupoudrage pour éviter le développement de maladies liées à l’eau. C’est également apporter l’assistance aux familles en termes de ressources financières et de vivres. Cette dernière opération, tout comme le pompage et le saupoudrage, a commencé dès le déclenchement du plan national Orsec’’, rassure-t-il.

Keur Massar, le nouveau département

Au-delà des solutions annoncées pour les inondations, le président Sall a profité de cette occasion pour informer les habitants de cette zone de la banlieue dakaroise que leur localité passera de commune à département. ‘’Je voudrais dire à l’endroit des populations de Keur Massar, que j’ai décidé, compte tenu de l’ensemble des problèmes qui sont là dans cette zone : la population, la densité, le problème d’assainissement et d’urbanisation, de faire de Keur Massar un nouveau département. Depuis plusieurs années, nous y travaillons et je demanderai au ministre en charge des Collectivités territoriales et celui de l’Intérieur d’y travailler également avec les autorités administratives, coutumières, les élus, les maires de Pikine, Guédiawaye, Rufisque, pour voir la cohérence territoriale pour le futur nouveau département’’, fait-il savoir.

Les promesses ne se sont arrêtées là. Parce que Macky Sall envisage également de renforcer la sécurité de ce secteur réputé criminogène, avec des brigades de gendarme, des commissariats, des postes de santé, des écoles, bref les infrastructures sociales, les routes, l’assainissement, etc. ‘’Nous allons démarrer bientôt ces travaux pour le nouveau département. Des actions très importantes seront également engagées sans délai. Les pluies ont été fortes et cela, le président ne peut pas retenir le ciel. Il faut aussi que les gens soient raisonnables. S’il y a de l’eau, tout ce que je peux faire, c’est de mettre des moyens pour y faire face, diminuer les conséquences des inondations. Mais nous allons travailler pour que de tels scénarii ne se reproduisent plus, pourvu que les élus évitent les lotissements dans certaines zones’’, soutient Macky Sall.

Les populations révoltées contre leur maire

Il convient de noter que les engagements du chef de l’Etat n’ont pas séduit les populations qui vivent encore sous les eaux. Et ces dernières en veulent à leur maire qui, d’après elles, ‘’n’a rien fait’’ pour leur localité et n’ont pas manqué de manifester leur colère, aussitôt après le départ du chef de l’Etat des lieux.

‘’Nous voulons que notre maire Moustapha Mbengue démissionne. Au moins, la ministre Assome Diatta a amené deux motopompes et deux jours après, toute l’eau a été pompée. Alors que lui, il est maire depuis 10 ans et rien n’a changé’’, confie l’un d’eux au micro du site Dakarbuzz.

Cet homme d’une quarantaine d’années n’est pas le seul frustré par la gestion de leur élu local. ‘’Nous sommes vraiment fatigués. Nous ne sommes que des cadavres ambulants. Le président ne devait pas seulement arrêter sa visite ici. Il n’y a rien ici. Il devait se rendre à El Hadj Pathé pour s’enquérir de la situation. Nous avons tous quitté nos maisons à cause des eaux. On y a investi des millions et aujourd’hui, on ne peut même pas y vivre. Nous n’avons nulle part où aller. Nous passons la journée sur les terrasses et nous dormons dans les eaux. Et le maire ne s’est jamais déplacé pour venir nous apporter un soutien moral’’, renchérit une autre dame.

Ces populations ont indiqué qu’elles n’ont pas la tête à la politique. ‘’Nous ne sommes pas là pour de la politique. Moustapha Mbengue n’a rien foutu ici. Nous ne croyons plus en lui. Il faut qu’il arrête la politique et travaille pour la population. Nous saluons le discours du président et nous attendons la concrétisation des projets qu’il a annoncés’’, poursuit un autre jeune.

En réalité, l’ire des habitants des sites inondables de Keur Massar est justifiée. Ils font tous leurs besoins dans les eaux à longueur de journée. ‘’Nous vivons dans les eaux et le président Macky Sall et sa femme doivent nous venir en aide. Nous payons 100 F CFA aux jeunes pour qu’ils nous fassent traverser. Nous en avons marre des promesses. Nous vivons dans les eaux depuis 2013’’, rapporte Fatou Lo Diagne, habitante à Baye Niasse.

Même s’il a été hué par ses administrés, le maire de Keur Massar, Moustapha Mbengue, a confié quelques mots à la presse, avant d’être exfiltré par ses gardes du corps. ‘’Nous avions fait des plaidoyers depuis longtemps et le président y a apporté, aujourd’hui, une réponse très claire. Il a annoncé des solutions et a promis le démarrage de la canalisation, une fois les eaux évacuées. Et c’est ce dont nous avons besoin. Il a répondu aux attentes des populations. Il a apporté une assistance matérielle, financièrement et morale. Je pense que les gens doivent s’en tenir à ces promesses’’, se réjouit-il.

MARIAMA DIEME