Publié le 4 Jul 2017 - 01:28
HIVERNAGE 2017

Polémique sur les semences

 

L’hivernage a fini de s’installer sur presque l’ensemble du territoire national, notamment à Kaolack et Kaffrine. Mais dans ces deux régions du bassin arachidier, les paysans ont “boudé” les semences mises à leur disposition par l’Etat, parce qu’ils les jugent de mauvaise qualité. Certains ont prévu de mettre les graines dans la marmite, là où d’autres revendent leur part ou se gardent même d’aller la récupérer. Pourtant, du côté de l’Etat, on assure que la qualité est presque à 100%. Une affirmation que ne partage pas un opérateur semencier qui parle de 80% de qualité et s’inquiète pour sa part de la quantité et du retard des engrais.

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Les semences distribuées par le gouvernement dans le Saloum, réputé être le “bassin arachidier”, pour l’hivernage de cette année, ne sont pas de bonne qualité. Ce constat a été fait par des cultivateurs rencontrés dans la commune de Médina Sabakh, dans le département de Nioro du Rip.

Assis sur de petits tabourets, les membres de la famille Cissé de Médina Sabakh se sont retrouvés au milieu de la concession. En cette veille d’hivernage (le reportage a été réalisé le dimanche 25 juin), ils sont en pleine opération de décortication de l’arachide. Chacun essaie au mieux de séparer les graines des coques. Mais ce qui devait être un moment de plaisir pour le chef du foyer a fini par être une source de grande préoccupation, du fait de la qualité des graines. Dans cette localité du bassin arachidier, les voix sont unanimes : les semences sont de piètre qualité, car la graine n’est pas pleine dans la coque. ‘’J’ai récupéré ma semence il y a à peine 10 jours. J’ai pris 6 sacs de 50 kg. J’ai commencé à décortiquer l’arachide. Mais je me suis rendu compte que ce n’est pas de la bonne qualité. C’est en majorité composé de petites graines’’, raconte Djibel Cissé, le maître des lieux.

Chez le sieur Cissé, au milieu des bassines, se trouve une dans laquelle sont mises les graines sélectionnées. Malgré un regard insistant sur ce récipient, il peine à y trouver un motif de satisfaction. Il finit par se résigner. ‘’Vous avez constaté vous-même. Cette arachide ne peut pas normalement servir de semence. Mais on n’a pas le choix. On aurait aimé avoir d’autres alternatives. Mais c’est dommage ! On va tenter notre chance et la semer. Je n’espère même pas qu’elle puisse pousser. Parce que ce n’est pas vraiment la semence qu’il nous faut’’, se plaint-il. Selon ce cultivateur, une bonne graine doit ‘’être huileuse’’. Or, ce ‘’n’est pas le cas’’ avec ce qu’il a reçu. ‘’Si la graine est trop petite, elle peut certes germer, mais va mourir aussitôt. C’est vraiment désolant, car cette situation va avoir des conséquences sur le rendement’’, prévient d’un air désespéré le vieux Djibel, la cinquantaine révolue. D’après lui, l’année dernière également, les semences étaient de la même qualité. ‘’On a semé cette arachide, mais  seulement quelques graines ont pu correctement pousser. L’arachide peut germer au début. Cependant, après quelques semaines, on perd tout ; seules quelques graines arrivent à terme’’, gémit-il.

‘’Je vais me rattraper avec le mil’’

Bassirou Touré, un autre cultivateur habitant Djiguimar, un village à 2 km de Médina Sabakh, estime même que c’est la mauvaise récolte de l’année dernière qui fait que la qualité des semences n’est pas au rendez-vous cette année. ‘’Cette arachide ne peut être utilisée que pour préparer du mbaxaal (ndlr : riz préparé avec poudre d’arachide et poisson séché). Mais ce n’est pas une surprise pour nous, parce que c’est nous-mêmes qui l’avions cultivée l’année dernière et vendue à l’Etat. C’est cela qui nous est retourné’’, fait savoir Bassirou.  Ce jeune cultivateur tient son commerce au marché de Médina Sabakh. Il rappelle que la pluie s’est arrêtée au moment où les plantes avaient grandement besoin d’eau. Ce qui fait qu’elles n’étaient pas arrivées à maturité. Il s’y ajoute, renchérit-il, que les rares cultivateurs qui avaient une bonne graine l’ont vendue aux commerçants et aux Chinois.

Ayant déjà labouré leurs champs et en attente de la première pluie pour semer leurs graines, certains cultivateurs de cette partie du Saloum revendent cette dotation de l’Etat aux commerçants, afin de se procurer de la bonne germe. ‘’Malheureusement, le constat, cette année, c’est que les paysans n’en veulent même pas, à cause de la qualité. C’est pourquoi je n’ai pas pris la quantité normale qui m’est allouée. Parce que je n’aurais aucun rendement, alors que je rembourserai à la prochaine campagne. Par contre, je suis impatient de recevoir les intrants pour mon champ de mil. Car, si je n’espère pas une récolte en arachide, je vais me rattraper avec le mil’’, confie Katim, un autre cultivateur habitant le même village que Bassirou. A l’heure actuelle, les cultivateurs sont convaincus que cette situation est une menace à la fois pour la filière et pour eux-mêmes qui ne vivent que de l’agriculture. ‘’La seule alternative pour faire face à cela, c’est de semer les autres céréales telles que le mil, le maïs ou le sorgho’’, estime Bassirou.

La solution des coopératives

Il y a toutefois un autre son de cloche. Loin du concert de récriminations, Khady Cissé, elle, se dit satisfaite de la semence qu’elle a reçue. Mais ses explications laissent croire qu’elle est une privilégiée. ‘’Personnellement, je n’ai pas de problème de semences. Je suis membre d’une coopérative de femmes qui nous donne de la graine, chaque année. Et, c’est vraiment de la qualité. On cotise 10 000 francs CFA pour bénéficier de 300 kg de graines et deux sacs d’intrants. Et après la récolte, on rembourse 700 kg d’arachide’’, se réjouit cette femme. En d’autres termes, il s’agit d’un circuit particulier. Car, si pour la coopérative, les semences sont distribuées après le dépôt d’une caution, du côté de l’Etat, elles sont calculées en fonction de l’impôt payé.

Ainsi, selon madame Cissé, la coopérative est très rigoureuse dans la sélection de semences. Ce qui lui vaut parfois l’incompréhension des certains vendeurs. ‘’Même durant la campagne, la plupart des cultivateurs ne veulent pas lui vendre leur arachide, parce qu’ils jugent la sélection trop compliquée. La gérante vérifie tous les sacs, avant d’acheter. Elle ne laisse même pas un petit bout de paille. Elle sait que c’est cette même graine qui sera distribuée pour la prochaine saison’’, ajoute-t-elle.  De son point de vue, il ne lui reste qu’à prier pour une bonne pluviométrie pour espérer un bon rendement. 

MARIAMA DIEME

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