Publié le 24 Apr 2023 - 22:16
IDRISSA SECK-MACKY SALL

Un divorce à l’amiable !

 

Malgré la séparation, les deux leaders continuent de se parler et de filer la ‘’parfaite entente’’, poussant certains à croire en une volonté de casser la bipolarisation avec Sonko. Quelques nuages subsistent néanmoins sur les conséquences de ce divorce à l’amiable.

 

Se séparer tout en restant ‘’amoureux’’ l’un de l’autre, c’est bien possible. Entre le président de la République Macky Sall et son allié Idrissa Seck, le divorce sera certes acté aujourd’hui avec la démission du président de Rewmi, de la présidence du Conseil économique, social et environnemental (Cese) mais la relation reste au beau fixe, si l’on en croit les deux leaders.

Dans un entretien diffusé sur RFM le samedi, le président de la République explique : ‘’Comme il veut présenter sa candidature et c’est sa liberté, je lui ai dit que la conséquence est d’aller s’occuper de sa candidature. Parce que vous ne pouvez pas annoncer votre candidature et continuer à être dans la majorité. Dans un régime présidentiel, quand vous posez un tel acte, c’est un acte de rupture par rapport à notre compagnonnage. Moi, je n’ai fait que prendre acte de sa décision. Mais cela ne déteint en rien notre relation…’’

Embouchant la même trompette, Idrissa Seck est, lui aussi, revenu sur les raisons de son départ et l’entente parfaite avec le chef de l’État. Il revient sur sa rencontre avec le président de la République : ‘’J’ai parlé au président de mon intention de me présenter en 2024, pour voir ce que je pèse. Si ça ne dépendait que de lui, j’allais attendre encore un peu, parce qu’il y a beaucoup de travail à faire ; on avait beaucoup de projets ensemble dans l’intérêt du peuple sénégalais. Dieu a fait que nous nous concertons tout le temps. Tout le temps, nous sommes au téléphone. Tout le temps, on s’échange des messages. On a travaillé dans une harmonie parfaite, mach’Allah…‘’

Divergences sur les conséquences de ce départ

Si les partenaires semblent tous les deux sur la même longueur d’onde par rapport à la nécessité de préserver le caractère cordial de leurs relations malgré le divorce, il semble y avoir quelques nuances et divergences quant aux conséquences qui doivent en découler. Pour le président de Rewmi, ‘’normalement, il devait être possible de travailler ensemble jusqu’aux élections’’, malgré la séparation. ‘’Si tu le fais, on va dire que tu ne peux pas être dans un gouvernement et être candidat. Si tel est le cas, pourquoi on permet au président d’être candidat et en même temps président de la République ? Pourquoi on veut le permettre au président et le refuser aux autres membres de la coalition ? Mais c’est le Sénégal qui est comme ça. Pour que ça soit clair, net et précis, je veux dire qu’il n’y a aucun deal. D’ailleurs, quand je lui ai fait part de mon intention d’être candidat, il m’a clairement dit qu’il s’y attendait, vu mon parcours et ma trajectoire…’’, s’est-il plaint devant les journalistes.

À propos du sort de ses ministres, Idrissa Seck a fait dans le clair-obscur. À l’en croire, c’est comme si le président de la République s’accommoderait du maintien des ministres membres de son parti dans le gouvernement. Cela ne dépendrait que de leur volonté. Du moins pour le cas d’Aly Saleh Diop, ministre de l’Élevage. ‘’Je leur avais dit de choisir librement s’ils décident ou non de quitter le gouvernement. D’ailleurs, alors que je m’apprêtais à venir ici, j’ai reçu Ismaila Sow, Président national des Maisons des éleveurs du Sénégal et Arona Galo Diallo qui est aussi responsable dans une autre association d’éleveurs. Ils m’ont dit : nous sommes là pour deux choses. Si ça ne dépendait que de nous, vous n’allez pas vous séparer. Mais même si tous les deux vous devez être candidats en 2024, nous aurions souhaité que vous nous laissiez Aly Saleh Diop comme ministre, parce qu’il fait du bon travail et nous avons pas mal de projets. Je leur ai dit que même le président de la République m’a dit quelque chose de semblable. Je lui ai répondu que ce n’est pas moi qui décide. Quand j’en ai parlé à Aly Saleh, en lui signifiant que je le laisse apprécier puisque c’est une affaire personnelle, que personnellement ça ne dérangerait pas, il m’a dit que si vous partez du Cese, je ne peux plus rester dans le gouvernement. J’ai insisté et il a dit qu’il ne peut pas. Mais je pense que si, en plus du président et de moi, les éleveurs aussi parlent, il ne peut pas dire non’’.

 Le président de Rewmi promet de faire part de ces doléances au président de la République aujourd’hui. ‘’En tout cas, personnellement, ça ne me dérangerait pas ; ça ne m’empêchera pas de dire ce que je veux. Ça devrait même être possible. En vertu de quoi d’ailleurs les ministres APR vont rester dans le gouvernement qui appartient au Sénégal et mener une campagne pour leur parti et on ne permet pas à un autre parti de faire la même chose ?’’, s’étonne-t-il.

Discordances sur le sort des ministres de Rewmi

Sur ce point précis, la compréhension exprimée par le président de la République lors de son interview avec la RFM semble aux antipodes de celle de son allié avec qui il discute tout le temps. Pour lui, la conséquence automatique de la candidature d’Idrissa Seck, c’est sa démission de la majorité et le départ de ses représentants au niveau de l’État et de ses démembrements. Il insiste : ‘’Bien sûr que son départ est une conséquence automatique de sa décision. D’abord, son départ de la majorité ; ensuite, de la présidence du Cese, ainsi que celui de ses ministres dans le gouvernement’’, a-t-il souligné, tout en rappelant qu’il n’a jamais été d’un quelconque soutien en 2024 comme certains le laissaient entendre. ‘’Ça n’a jamais été le cas. Ça n’a jamais été le cas, se répète-t-il. Comme je vous l’ai dit, depuis le début, je lui avais dit qu’en 2024, il pourrait prendre la décision de son choix’’, répond-il à la question de savoir s’il avait promis à Seck son soutien en 2024. ‘’En 2020, avec le coronavirus, je l’ai appelé pour venir travailler avec moi. Je lui avais bien signifié que je ne l’appelle pas pour 2024. Je vous appelle pour qu’on travaille ensemble dans l’intérêt du Sénégal. En 2024, vous aurez la liberté de faire ce que vous voulez et je le lui ai réaffirmé’’.

En tout cas, ce lundi, si tout se passe comme prévu par les deux hommes, Idy sera au palais pour présenter sa démission à son allié et aller s’occuper de son ambition présidentielle. D’ailleurs, lors de sa sortie, le président de Rewmi a tenu à lever toutes les équivoques sur une possible candidature à la candidature de Benno. ‘’Je tiens aussi à souligner que je n’ai jamais été candidat à la candidature de BBY. Vous savez, l’élection présidentielle, c’est entre un individu et le peuple. Ce n’est ni une affaire de parti ni une affaire de coalition.  Comme on dit, ce n’est pas un banc, c’est un fauteuil, c’est un  seul homme qui est élu. Il peut consulter qui il veut, mais c’est lui le chef’’.

Restera à sceller le sort de ses ministres dont le remplacement ne saurait tarder, si le président va au bout de sa logique annoncée le jour de la Korité sur les ondes de la RFM.

Que pèse Idy sur l’échiquier politique ?

Par ailleurs, la question qui se pose aujourd’hui, c’est que pèse véritablement Idrissa Seck sur l’échiquier politique ? Il faut rappeler que depuis l’élection présidentielle de 2007, lors de laquelle il a été la grande révélation avec une honorable 2e place derrière Abdoulaye Wade, l’ancien homme fort de Thiès a perdu beaucoup de terrain. À la Présidentielle de 2019, c’est grâce au soutien de presque tous les leaders significatifs de l’opposition et en l’absence des candidats Khalifa Sall et Karim Wade qu’il a su se positionner à la deuxième place. Auparavant, son meilleur score remontait en 2012 où il s’était retrouvé avec environ 7 % de l’électorat qui le plaçait 5e, loin derrière Abdoulaye Wade, Macky Sall, Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng. Même s’il explique cette chute vertigineuse par son refus d’aller battre campagne, il n’est pas besoin d’être expert pour savoir que le président de Rewmi est dans une pente descendante depuis 2007.

Le seul bastion qu’il avait réussi à conserver pendant tout ce temps était sa région natale Thiès où il a perdu beaucoup de terrain, qu’il espère reconquérir à la Présidentielle 2024.

Une volonté de casser la bipolarisation avec Sonko !

Durant ce long week-end, les deux alliés ont ainsi survolé l’actualité politique nationale. Pour beaucoup, ce chevauchement des calendriers est loin d’être un hasard, si l’on sait que les deux hommes se sont rencontrés jeudi et ont eu largement le temps d’échanger sur leurs agendas respectifs. D’autant plus que comme le dit fièrement le président de Rewmi, ils se parlent ‘’tout le temps’’. D’aucuns ne manquent pas d’en déduire une volonté sciemment menée de casser la bipolarisation instaurée avec l’opposant radical Ousmane Sonko, à qui Idrissa Seck dénie d’ailleurs la qualité de chef de l’opposition que certains lui ont taillée.

‘’Tant que les Sénégalais n’ont pas voté, c’est moi le chef de l’opposition. Malheureusement, Sénégalais dafa beuri thiaaxaane. Les Sénégalais ne disent pas la vérité. Je suis le chef de l’opposition. Si on reconnait à Macky Sall d’être le président de la République jusqu’au 24 février 2024, c’est parce qu’à la dernière élection présidentielle qui date de 2019, il était premier avec 58 %. De là même manière, on doit reconnaitre à Idrissa Seck d’être le chef de l’opposition, parce qu’il était deuxième à la dernière élection présidentielle. Je suis juste le chef de l’opposition qui a préféré répondre à l’appel du président, parce que le pays était en difficulté. Je l’avais accepté en tant que chef de l’opposition. Dans d’autres pays, on a vu ce qui s’est passé à cause de la division de la classe politique. C’était une question de responsabilité’’.

Mor Amar

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