Publié le 25 Nov 2024 - 19:09

Le piège Auchan et l'autosuffisance alimentaire

 

"Face à des difficultés financières persistantes, l'enseigne Auchan a discrètement entamé un réajustement stratégique pour limiter les pertes. Parmi les mesures prises, la fermeture de plusieurs de ses supermarchés et drive piéton, notamment à Strasbourg, a été décidée ou est en cours. En parallèle, des solutions de reclassement et d’indemnisation ont été proposées aux salariés impactés par ces fermetures". Toutefois, attendez-vous à un retour sur ses marchés africains pourrait se dessiner comme une option pour l’entreprise, qui pourrait chercher à redynamiser ses activités dans ces régions en pleine croissance.

Cependant, cette réorientation stratégique pourrait comporter une menace pour l'Afrique. En effet, Auchan, qui a déjà investi dans plusieurs pays africains, pourrait être tentée de réduire ses efforts dans certains pays pour se concentrer sur des marchés jugés plus rentables. Si la situation financière de l'enseigne ne s'améliore pas rapidement, l'Afrique, pourtant un terrain stratégique pour l'expansion, pourrait voir des fermetures ou des réductions d'activités. Cette approche pourrait mettre en péril l'emploi local et affecter l'approvisionnement en produits locaux, alors même que l'Afrique représente un potentiel de croissance énorme, avec une population jeune et une urbanisation croissante.

Les autorités locales et les travailleurs du secteur doivent donc rester vigilants, car un retrait stratégique d'Auchan en Afrique pourrait laisser place à de graves conséquences économiques pour les pays concernés.

Le déploiement d'Auchan en Afrique, bien qu'il puisse sembler offrir des opportunités de développement et de modernisation du secteur de la distribution, dissimule un piège complexe pour les économies locales, notamment pour les petits producteurs. En s'implantant sur des marchés encore en développement, l'enseigne impose un modèle de consommation de masse qui marginalise progressivement les producteurs locaux au profit de produits importés.
Ce phénomène crée une dépendance accrue aux produits étrangers, fragilisant l'autosuffisance alimentaire et nuisant à l'économie locale. Les petits producteurs, incapables de rivaliser avec les prix et l'organisation logistique des grandes surfaces, se retrouvent dans une position de plus en plus précaire.

De plus, ce modèle ne soutient pas véritablement la croissance des circuits courts ou la transformation locale des produits. En concentrant ses efforts sur des chaînes d'approvisionnement internationales, Auchan réduit l'espace disponible pour les acteurs locaux, qui sont souvent contraints de vendre à bas prix ou de renoncer à leur activité. À long terme, ce système de distribution pourrait exacerber la pauvreté et l'inégalité économique en Afrique, au lieu de stimuler un véritable développement durable et inclusif. Ce piège de déploiement, qui semble d'abord prometteur, pourrait finir par maintenir les économies africaines dans une position de subordination aux grandes entreprises multinationales, sans favoriser un véritable essor des secteurs locaux et agricoles.

L'expansion d'Auchan en Afrique pourrait, à première vue, être perçue comme un soutien à l'atteinte de l'autosuffisance alimentaire.

En implantant ses supermarchés et en établissant des chaînes d'approvisionnement locales sous une autre appellation, l'enseigne pourrait sembler contribuer à l'accès à une alimentation plus diversifiée et à la création d'emplois dans le secteur de la distribution. Toutefois, cette vision idéalisée masque une réalité plus complexe. Si Auchan décidait de se retirer ou de réduire son investissement en Afrique en raison de ses difficultés financières, cela risquerait de compromettre ces efforts de développement. En effet, l'absence d'un acteur majeur comme Auchan pourrait entraîner une dépendance accrue vis-à-vis des importations de produits alimentaires, freinant ainsi les initiatives locales et les projets agricoles destinés à renforcer l'autosuffisance. En d'autres termes, loin de soutenir l'autosuffisance alimentaire, un retrait stratégique pourrait accentuer la vulnérabilité des pays africains aux fluctuations des marchés mondiaux.

L’implantation d’Auchan au Sénégal, bien qu’elle ait été perçue initialement comme une opportunité de développement économique, a engendré des conséquences néfastes pour les petits producteurs locaux. En introduisant des volumes massifs de produits importés, l’enseigne a créé une concurrence déloyale, mettant en péril les petits exploitants agricoles qui peinent à rivaliser avec les prix bas et la qualité des produits distribués par la grande surface. Cette pression exercée par Auchan sur le marché local a réduit les opportunités pour les producteurs sénégalais de commercialiser leurs produits, notamment ceux issus de l’agriculture locale, et a freiné les efforts pour encourager la production locale et durable.

De plus, le modèle de distribution d'Auchan, axé sur des chaînes d'approvisionnement internationales et une logistique centralisée, prive souvent les producteurs locaux de la possibilité de valoriser leur travail à sa juste valeur. En multipliant les intermédiaires et en privilégiant les produits importés, Auchan ne fait qu’aggraver la dépendance du Sénégal vis-à-vis des importations, freinant ainsi l'autosuffisance alimentaire. Au lieu de favoriser une économie circulaire qui soutiendrait les agriculteurs locaux, l’enseigne impose un modèle de consommation de masse qui érode la rentabilité des petits producteurs, les obligeant à se tourner vers des pratiques moins rentables ou même à abandonner leurs exploitations. Ce phénomène, bien que moins visible, contribue à l’appauvrissement progressif des communautés rurales et à l'exacerbation des inégalités économiques.

Pour éviter qu'Auchan n'impacte négativement la politique d'autosuffisance alimentaire au Sénégal :

1. Renforcer la réglementation sur les importations et la protection des producteurs locaux

Le gouvernement sénégalais pourrait mettre en place des politiques fiscales et douanières favorisant les produits locaux. En augmentant les taxes sur les produits importés ou en subventionnant les produits locaux, les autorités peuvent inciter les consommateurs à privilégier l’agriculture locale. Cela permettrait de contrer la concurrence déloyale imposée par des acteurs comme Auchan, qui privilégient les importations au détriment de la production locale.

2. Promouvoir les circuits courts et les partenariats entre supermarchés et producteurs locaux (Protocole signé)

Afin de limiter les effets négatifs de la grande distribution, une solution pourrait être de favoriser des partenariats entre Auchan et les producteurs locaux. L'enseigne pourrait être incitée à intégrer des produits locaux dans ses rayons, en privilégiant une offre en circuit court. Cela renforcerait les liens entre la grande distribution et l’agriculture locale, en permettant aux petits producteurs d’accéder plus facilement aux marchés urbains.

3. Encourager l’industrialisation et la transformation locale des produits agricoles

Le Sénégal pourrait investir davantage dans la transformation locale des produits agricoles. Cela permettrait non seulement de réduire la dépendance aux importations, mais aussi de créer de la valeur ajoutée pour les producteurs locaux. Auchan pourrait être encouragé à acheter des produits transformés localement, contribuant ainsi à soutenir l’emploi et l’économie sénégalaise tout en réduisant les effets négatifs des importations.

4. Soutenir les coopératives agricoles et l’agriculture durable

En soutenant les coopératives agricoles locales et en incitant les producteurs à adopter des pratiques agricoles durables, le Sénégal pourrait renforcer son secteur agricole. Ces coopératives pourraient ensuite devenir des fournisseurs privilégiés pour des enseignes comme Auchan, permettant ainsi une meilleure organisation des producteurs et une plus grande compétitivité face aux grandes surfaces.

5. Développer des infrastructures de distribution alternatives

Plutôt que de laisser toute la distribution entre les mains de grands acteurs étrangers, le gouvernement pourrait soutenir le développement d'infrastructures de distribution alternatives, comme des marchés locaux, des plateformes numériques de vente directe ou des réseaux de distribution communautaires. Cela offrirait aux petits producteurs un moyen direct de commercialiser leurs produits, contournant ainsi la grande distribution et renforçant l'autosuffisance alimentaire.

6. Sensibiliser la population à la consommation de produits locaux

Il est également important de mener des campagnes de sensibilisation sur les bienfaits de la consommation de produits locaux. En encourageant les Sénégalais à privilégier les produits cultivés sur leur propre sol, le pays pourrait réduire sa dépendance aux importations tout en soutenant ses producteurs locaux. Cela pourrait se traduire par des promotions dans les supermarchés, des campagnes médiatiques ou même des labels "produits locaux" qui valorisent la production nationale.

7- Renforcer la transparence et le contrôle des pratiques - commerciales d'Auchan

Le gouvernement peut mettre en place un cadre réglementaire strict pour encadrer les pratiques commerciales des grandes enseignes comme Auchan. Cela inclurait des contrôles sur l'origine des produits, des exigences sur la quantité de produits locaux vendus et des sanctions en cas de non-respect des normes. Ce contrôle garantirait que les grandes surfaces respectent l’équilibre entre importation et soutien à la production locale.

En combinant ces stratégies, le Sénégal pourrait limiter les impacts négatifs d'Auchan et autres grandes enseignes sur sa politique d'autosuffisance alimentaire, tout en favorisant le développement économique local et durable.

 

Souleymane Jules SENE 

 

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