Publié le 16 Nov 2020 - 23:26
LE PROTOCOLE DE L’ELYSEE -FARBA SENGHOR VS THIERNO ALASSANE SALL

Asecna, une guerre sans fin

 

Au-delà d’être un brulot contre le régime du président Macky Sall, ‘’Le Protocole de l’Elysée’’ replonge également le lecteur dans l’ambiance de certains dossiers qui ont tenu en haleine l’opinion publique et dont tous les secrets ne sont pas encore levés. C’est le cas de l’affaire Asecna devenue un combat sans merci entre deux fortes personnalités de vie politique sénégalaise, en l’occurrence l’ancien ministre et ancien représentant de l’ASECNA au Sénégal Thierno Alassane Sall et le ministre Farba Senghor.  

 

Contrairement à ce que croient certains, le brulot de Thierno Alassane Sall, ‘’Le Protocole de l’Elysée’’, ne s’ouvre pas sur la gouvernance du Président Sall et de son régime. Il commence plutôt avec le dossier Assecna, qui avait tenu en haleine le Sénégal, fin 2007 et durant une bonne partie de 2008. ‘’Orage à Libreville’’. Tel est le titre de cette première partie consacrée aux ‘’bourdes’’ de l’ancien ministre de Wade, Farba Senghor. A l’époque, celui que l’auteur désigne comme ‘’l’élément hors du commun’’ était le ministre en charge du très stratégique secteur des Transports aériens. Dès l’entame, il déclare : ‘’Farba Senghor, surnommé l’élément hors du commun, était un de ces ministres que le Président Abdoulaye Wade avait décidé d’infliger au Sénégal pour lui faire expier quelques crimes connus de lui seul. De nombreux cadres sénégalais émérites furent maltraités et souvent humiliés par Farba Senghor. Ministre de l’Agriculture, son incompétence avait éclaboussé le Sénégal et poussé à l’exil des techniciens très compétents de ce secteur… Le voilà chargé par le génie qui l’inspirait à poursuivre son œuvre destructrice à l’Aviation civile’’.

Le décor ainsi campé, l’auteur plonge directement dans l’ambiance ‘’cauchemardesque’’ d’une réunion tenue à Libreville en juillet 2007. ‘’Je n’oublierai jamais ce cauchemar, soutient T.A.S. L’ambiance de ces rencontres était généralement empreinte de courtoisie et même de cordialité… A Libreville, cependant, Farba était venu avec un agenda qu’il livra, avec le sens de la finesse et de la diplomatie qui le caractérisent, à ses pairs ébahis. Dès après la cérémonie d’ouverture présidée par le Premier ministre gabonais, Farba se retrouva seul contre tous, se signalant par des excès de langage et la pauvreté de l’argumentaire’’.

En fait, l’agenda qu’était venu défendre Farba était d’apporter quelques corrections à la marche de l’Asecna, sinon le Sénégal allait devoir quitter cette institution, menaçait-il. Pour TAS, à l’époque représentant de l’Asecna au Sénégal, aussi bien le motif que la méthode étaient déplorables. Surtout de la part d’un pays qui disait attacher un grand intérêt à l’unité africaine. ‘’Au début, ses collègues ministres étaient plutôt stupéfaits et désarçonnés. ‘Comment, interrogeaient leurs mines perplexes ; est-ce bien un ministre qui nous parle comme cela ? De surcroit un Sénégalais ?’ Le président de séance, le ministre du Gabon, finit par être décontenancé et même franchement énervé. Il le fit savoir en des termes vigoureux. Le ministre tchadien, doyen en termes de longévité, réputé pour son parler direct et dénué de diplomatie, asséna à Farba une volée de bois d’ébène qui me fit plaisir’’. Après un long discours, ce dernier lui asséna : ‘’Si vous pensez qu’en menaçant de vous tirer de notre assemblée, vous pouvez nous soumettre à votre bon vouloir vous vous trompez…’’.

D’un parti pris manifeste contre le ministre sénégalais et son Président, Thierno Alassane savoure ce qu’il considère comme une déculottée pour ‘’l’élément hors du commun’’ et son mandant le Président sénégalais. ‘’C’est peu de dire, renchérit-il, que Farba se sentit déboussolé après un tel traitement. Arrivé à Libreville pour sa première réunion des ministres de tutelle la fleur au fusil, il était convaincu qu’il lui suffisait d’annoncer ses désirs pour que ses collègues en fissent des volontés du Comité’’. En vérité, fait-il remarquer, ‘’une campagne d’intoxication entretenue par certains milieux de l’aviation civile nationale avec l’onction du Président Wade l’avait persuadé de ce que le Sénégal ne jouissait pas dans l’Asecna de la place qui lui revenait de droit. Wade et les siens pensaient que l’Asecna disposait de coffres regorgeant de liquidités… Etaient en jeu non pas des principes, mais comme dirait un ancien PM de Wade ‘le partage du butin’’.

En fait, semble dire l’ancien représentant de l’Asecna au Sénégal, ce qui se cachait derrière tout ce brouhaha relatif aux menaces de retrait du Sénégal, c’était une volonté de faire main basse sur le foncier mis à la disposition de l’Asecna.

Très virulent contre Wade et les siens, régime de corrompus, de scandale et de tyrans, si on l’en croit, le leader de République des valeurs ne semble garder que de mauvais souvenirs de son ancien ministre de tutelle. ‘’A force de délits impunis, il était devenu, lui l’homme sans épaisseur, le plus craint et le plus honni de la République. Il avait, dans ce costume de mauvais garçon, atteint une sorte de consécration, des journaux lui consacrant leurs colonnes sur deux pages qu’il couvrait des pires insanités’’.

La réplique de Farba

Face à ces accusations des plus graves et des plus dégradantes, EnQuête a donné la parole à l’ex ministre pour avoir sa version des faits. D’abord très réticent, Farba a fini par se lâcher, crachant toute son amertume sur Thierno Alassane Sall. Il commence : ‘’Je ne parle plus de ce livre. Thierno Alassane ‘dou dara’. Il n’est rien’’, se répète-t-il. Avant d’ajouter : ‘’Dama ko daakhone (Je l’avais fait limoger). C’est un homme aigri. Je ne veux pas lui offrir du buzz en parlant de son livre’’.

Cela dit, l’ancien ministre ne s’est pas empêché de revenir sur les péripéties de la décision du Sénégal de quitter l’Asecna, ainsi que le comportement de Thierno Alassane Sall qu’il qualifie de ‘’renégat’’. ‘’Il m’en veut juste parce que je l’avais limogé, sur instruction du Président Abdoulaye Wade. C’était parce qu’il était de connivence avec des partenaires contre les intérêts du Sénégal. Abdoulaye Wade avait estimé qu’il est incompétent et qu’il n’était pas un patriote. Cette frustration, il la traine toujours’’.

Sur l’histoire des menaces de retrait de l’Asecna, Farba rend la belle à son pourfendeur. Les mots qu’il emploie sont peu amènes pour dire le moins. En voici quelques passages des plus courtois : ‘’Ce qu’il dit n’est pas conforme à la réalité. En tant que représentant du Sénégal, il devait défendre les intérêts du Sénégal. Au lieu de le faire, il s’est rangé du côté de la direction générale de l’Asecna. La vérité est que moi j’ai récupéré l’aéroport du Sénégal avec 32 milliards FCFA de chiffre d’affaires, le 10 mai 2008. Voilà la vérité qu’il a essayée de masquer… Un jour viendra en tout cas, tous les Sénégalais vont découvrir ce que j’ai fait dans ce pays. C’est pourquoi, je n’aime pas répondre à ces genres d’accusation’’.

A en croire l’ancien chargé de propagande du PDS, néo souteneur de Macky Sall, le Sénégal avait décidé de se retirer simplement parce qu’il ne voulait pas continuer à alimenter les caisses de l’Asecna, au détriment du Sénégal. ‘’Il faut, dit-il, savoir que le Sénégal était lié à l’Asecna par un accord. Selon cet accord, l’aéroport du Sénégal, comme d’autres, était géré par l’Asecna. Au même moment, il y avait Orly et Charles De Gaule gérés par la France. Il y avait également Abidjan géré par la Côte d’ivoire. Abdoulaye Wade estimait que c’est injuste que les redevances perçus au Sénégal continuent d’alimenter les caisses de la communauté. Il faut qu’on récupère notre aéroport. Nous n’allons plus alimenter le budget de l’Asecna. Voilà qui était à l’origine de ce bras de fer. Finalement, j’ai réussi à récupérer l’aéroport le 10 mai 2008, avec à la clé 32 milliards FCFA’’.

Avant la reprise, insiste-t-il, le Sénégal ne pouvait dépenser aucun centime sans l’autorisation du DG de l’Asecna. ‘’Mbaye Ndiaye ne pouvait même pas acheter un Bic. C’est ce que j’ai rompu. Voilà la véritable raison. Et j’ai également porté la retraite des travailleurs sénégalais de l’Asecna à 60 ans, alors que c’était à 55 ans’’. Suffisant pour Farba Sengor de donner son verdict : ‘’Thierno Alassane veut juste de l’argent. C’est un corrompu et un renégat. Il s’est toujours mis du côté des partenaires du Sénégal. Il l’a fait pour les hydrocarbures et il l’avait fait avec Asecna. Il dit au Président : laissez votre toubab et donner le contrat à mon toubab. Où est-ce que vous l’avez vu ? Voilà pourquoi il a été limogé par le Président Macky Sall. Voilà aussi pourquoi son départ a été demandé par le Président Wade à l’époque, suite au dossier Asecna’’.

MOR AMAR

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