Publié le 25 Jul 2023 - 13:57

Le Sénégal est en mesure de mettre un terme à l’émigration clandestine

 

Dans l’introduction de son livre « Et si l’Afrique refusait le développement » Axelle Kabou disait : L’Afrique actuelle se caractérise par une sorte de fièvre, d’explosion d’ambitions longtemps contenues qui, faute de trouver à s‘employer utilement, menacent de saccager les fondements mêmes de sociétés historiquement myopes, et toujours plus inégalitaires. Faut-il voir dans ces propos une explication du comportement destructeur de la jeunesse qui lors des manifestations, saccage et endommage gravement des édifices publics et privés mis en place pourtant pour la satisfaction des besoins de la population ou bien faut-il pointer du doigt la situation de précarité économique et de sous-emploi qui incite les jeunes à s’engouffrer dans les voies obscures et risquées de l’émigration clandestine ? Une réponse affirmative pourrait être avancée à ces deux questions.

 Il est important de retenir que l’émigration clandestine existe depuis fort longtemps mais devant l’ampleur actuelle du phénomène et ses conséquences multiformes chez nous, il convient de jeter un regard sur la résolution de certaines crises d’ailleurs qui ont marqué notre temps afin de dégager une solution à ce problème. Une solution qui sera à notre portée et qui s’adaptera à nos réalités. Avec une volonté politique affirmée et en mettant en valeur le secteur primaire, le Sénégal a toutes les possibilités de mettre un terme à cette émigration clandestine qui n’est rien d’autre qu’une crise à surmonter. Des pays ont su faire face aux crises qui les ont assaillis à un moment donné de leur histoire et les procédés qu’ils ont mis en œuvre peuvent nous servir de sources d’inspiration.

La première crise qui vient à l’esprit est celle de 1929. Partie des États-Unis, elle se diffusera dans le monde entier sous la forme d'une grande dépression généralisée. Ce choc économique mondial qui a duré jusqu’en 1939 a touché la plupart des pays du monde. Des effets dévastateurs ont été observés dans les pays riches comme dans les pays pauvres, avec une baisse des revenus personnels, des prix, des recettes fiscales et des bénéfices. Le commerce international a chuté de plus de 50 %, le chômage aux États-Unis a atteint 23 % et, dans certains pays, il était à 33 %.

Ce ralentissement économique a affecté la vie des gens de bien des façons. En conséquence, les taux de chômage aux Etats-Unis ont grimpé en flèche, les prix des logements et des portefeuilles d’actions ont chuté et la vie de millions de personnes a été perturbée. Selon certaines mesures, plus de 30 millions de personnes ont perdu leur emploi et le taux de chômage de longue durée a doublé son sommet historique. Face à cette situation qui ne pouvait continuer, le Président Roosevelt a fait appel au « New Deal » qui visait à promouvoir la reprise économique et à remettre les Américains au travail dans un effort massif pour sortir les États-Unis de la Grande Dépression sur plusieurs fronts.

Des projets ont été financés partout dans le pays. Cela a permis d’améliorer les collectivités et de créer des emplois à une époque où le chômage était très élevé. Ce programme avait aussi aidé à construire et améliorer les infrastructures du pays, y compris les routes, les barrages, les écoles, les aéroports et les parcs nationaux. Le Président Roosevelt avait la ferme conviction que ce programme de relance de l’économie et de lutte contre le chômage pourrait apporter la stabilité économique à la nation. Aujourd’hui, le New Deal est à la base de plusieurs réalisations d’une importance capitale et les gens se sont remis au travail.

Du côté du Japon, le largage des bombes atomiques sur les villes japonaises de Hiroshima, le 6 août 1945, et de Nagasaki, trois jours plus tard a anéanti ces deux villes en quelques secondes.  Les personnes proches du point d'explosion (un kilomètre ou moins) furent tuées instantanément; à plus grande distance, elles souffrirent de brûlures et de l'effet des radiations, responsables d'environ dix mille décès au cours des semaines qui suivirent. L'explosion d'une arme nucléaire provoque à la fois de la chaleur, des ondes de choc et des radiations. Les forces libérées ont le potentiel de provoquer des pertes humaines massives, d'anéantir habitations, bâtiments et infrastructures et d'avoir de graves conséquences pour l'environnement. Bien que le Japon n’ait presque plus rien après ce désastre, son économie s’est redressée à une vitesse incroyable. Connu sous le nom de miracle économique japonais, le Japon a connu une croissance économique rapide et soutenue de 1945 à 1991.

Au lendemain de la Deuxième Guerre Mondiale, les américains avaient lancé le Plan Marshall qui était une aide économique et financière proposée à tous les pays européens à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Cette aide devait permettre aux pays européens ravagés par la guerre de pouvoir se reconstruire. Cet objectif a été atteint.

Par ailleurs, l’histoire chinoise nous apprend le Grand Bond en avant qui a été la campagne entreprise par les communistes chinois entre 1958 et le début des années 1960 pour organiser sa vaste population, en particulier dans les grandes communes rurales, afin de répondre aux problèmes industriels et agricoles du pays. Cela a malheureusement été une catastrophe caractérisée par un effondrement de la production céréalière et une famine généralisée entre 1959 et 1961, et imputable à une défaillance systémique de la planification centrale. Toutefois, la chine a su apprendre de ses erreurs et réorienter sa trajectoire. Depuis le lancement de la stratégie de réforme et d'ouverture en 1978. La Chine est aujourd’hui la deuxième économie au monde, le plus grand exportateur et un investisseur de plus en plus important.

En Afrique, l’émigration des sub-sahariens en général et des sénégalais en particulier s’effectue à un moment où l’Afrique est incontestablement la région la plus riche en ressources naturelles dans le monde. En plus des quantités énormes d'or, le sous-sol du continent regorge aussi de divers métaux (fer, cuivre, aluminium, platine, chrome,) et d'hydrocarbures (pétrole, gaz naturel). À l'échelle mondiale, il est estimé que l'Afrique représente 40 % des réserves d'or, 30 % des réserves de minerais et 12 % des réserves de pétrole.

Seulement, ces richesses gigantesques qui représentent de solides arguments en faveur du développement du continent, ne profitent encore pas assez aux populations et de nombreuses économies africaines peinent à les convertir en développement économique stable. Les économistes estiment qu’une des causes principales de cette situation est le fait que ces ressources et la manne financière qu'elles génèrent entraînent d'importants problèmes de gouvernance et de corruption.

En tirant des leçons des expériences des pays supra et en donnant plus de contenu à notre décentralisation, les centres d’intérêt pourraient être équitablement répartis entre les 14 régions que comptent le Sénégal car Dakar n’est pas le Sénégal. Dans cette perspective, les Ministères de Souveraineté seraient maintenus dans la capitale (Défense, Intérieur, Affaires Etrangères, Economie et Finances, Justice) et les autres Ministères et Directions de Service équitablement répartis entre les 13 autres régions.

Ce processus présente l’avantage de réduire d’emblée la population à Dakar qui ne représente que 0,3 % de la superficie du pays, d’assurer une plus grande présence de l’Etat dans les autres régions et d’adapter les décisions locales aux enjeux territoriaux. Le résultat final est d’améliorer significativement l’action publique sur toute l’étendue du territoire d’une part et d’autre part, donner plus de marge de manœuvre aux autorités pour mieux mettre en œuvre leur planification urbaine qui suivra immanquablement l’évolution de la modernité. De nos jours, la technologie a mis à disposition des outils qui permettent de travailler à distance. Pendant la pandémie Covid-19, presque le monde entier a utilisé cette méthode et rien n’a été négativement impacté pour autant. Certaines compagnies continuent même à privilégier ce format qui a beaucoup aidé à booster leur productivité. Les multiples applications disponibles à travers WebEx, Google Meet, Teams et autres font économiser du temps et de l’énergie dans les interactions quotidiennes tout en permettant une continuité dans les échanges qui ne peuvent parfois souffrir d’aucun retard. De même, le Sénégal dispose de ressources humaines de qualité pouvant mettre en place et administrer des réseaux (Local Area Network (LAN) et wide Area network (WAN)) qui peuvent servir de systèmes pour l’exécution du plan d’action du gouvernement dans toutes ses composantes en appui aux décisions émanant du Conseil des Ministres.

Si les pays cités dans cet article :

-    les Etats – Unis avec 331,9 millions d’habitants - 2 partis politiques majeurs,

-   le Japon avec 125,7 millions d’habitants – 15 partis politiques,

-  la Chine avec 1,412 milliard d’habitants – 8 partis politiques,

Ont pu faire face aux aléas de l’histoire, le Sénégal qui fait moins de 20 millions d’habitants avec près de 400 partis politiques peut très bien s’appuyer sur la base de ses valeurs communes d’honneur et de patriotisme pour se recueillir d’abord devant la mémoire de nos enfants disparus en mer et dans le désert et mettre définitivement un terme au départ clandestin de nos jeunes vers d’autres cieux. Notre leadership doit simplement faire montre de plus de volonté politique pour un changement radical de paradigmes dans la prise en compte de notre secteur primaire (agriculture, pêche, élevage) qui peut fournir beaucoup d’emplois de nature à maintenir au pays les jeunes en ce moment critique de l’histoire du Sénégal en attente de mutation de notre statut vers celui de producteur de pétrole et de gaz.                        Qui ose, gagne !

Alioune Fall

108, Comico Mermoz.  

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