Publié le 6 Feb 2013 - 03:30
LEK SÈN ,RUDE BOY DE DAKAR

 Nouvel album, Tomorrow

 

A trente ans passés, le Sénégalais Lëk Sèn insuffle dans Tomorrow, son deuxième album solo, une énergie brute canalisée par une production soigneuse. Rencontre avec RFI Musique.

 

 

Sur la pochette de son deuxième album, Tomorrow, Lëk Sèn pose fièrement en maillot de corps. Regard sans complaisance, moue frondeuse, il apparaît au beau milieu d’un kaléidoscope de dessins, d’étoiles, de tissus colorés. Un patchwork qui correspond bien à ce qu’il est, un peu d’ici et d’ailleurs, à cultiver sa différence. Sorti sur le label Chapter Two, le prolongement de l’aventure Makasound, Lëk Sèn a la trentaine transcontinentale : il vient de Dakar, vit à Paris, mais rêve de Jamaïque.

 

Ngor

 

Alors que les Jamaïcains chantent et célèbrent l’Afrique à longueur de chansons, Lëk Sèn, le Sénégalais rasta s’y sent à l’étroit. Dakar et ses codes, ses destins apparemment tout tracés, sa profession de foi imposée, et bien souvent ses contradictions, le poussent à quitter le domicile familial à l’âge de onze ans. Ndobine, le premier morceau de l’album scande "freedom" et raconte en wolof, l’histoire d’un oiseau auquel on aurait coupé les ailes. Guitare, voix, une ouverture sans artifices de production, pour raconter une histoire proche de la sienne.

 

Issu d’une famille de la classe moyenne, élevé par une mère diplômée, Lëk Sèn fréquente assidûment l’école de la rue et sèche l’autre, l’officielle. Il fait toutes sortes de petits boulots, traîne avec les "grands frères" de l’île de Ngor, "une petite Jamaïque", à quelques minutes de pirogues de Dakar. "On passait du temps à écouter du reggae roots, fumer et méditer, c’est là que j’ai compris que j’étais né libre". Le fiston donne du fil à retordre. Sur son biceps droit, il tatoue en grosses lettres capitales, LEUK, le lièvre, un symbole dans la société sénégalaise : Leuk est malin, rusé, rapide et surtout débrouillard.Violent, irréductible à toute forme d’autorité, ses retours à la maison se passent mal : il ne fiche la paix à sa mère que lorsqu’il chante.

 

Adolescent, il propose sur l’île de Ngor ses services de DJ pour des soirées, des mariages, chante dans le groupe de rap SSK et part en camion faire des concerts dans la région de Dakar et de Thiès. En 2007, SSK arrive finaliste du concours du Prix RFI Découvertes, c’est finalement la tchadienne Mounira Mitchala qui l’emporte. A ce moment-là, il écoute We are free de Burning Spear, le Wu Tang Clan et côté Afrique de l’ouest, le guitariste Ali Farka Touré. "J’ai aussi beaucoup écouté des gens qui chantent pour eux-mêmes, des non-stars. Ceux qui chantent en travaillant, ou avec une bassine sur la tête, ceux qui galèrent. Le Sénégal est à la fois un pays cool et très dur", insiste Lëk Sèn.

 

Hargne

 

Avide d’ailleurs, il quitte Dakar pour Paris. Il enregistre Burn, premier album remarqué, sorti par Makasound en 2010. Il n’a pas encore foulé le sol de la terre promise du reggae, mais pour s’en rapprocher, Lëk Sèn parsème ses phrases de mots en patois jamaïcain. Pour Tomorrow, il a invité de prestigieuses voix du reggae ou du hip hop, rencontrées en tournée en studio : Harrison Stafford, Blitz The Ambassador ou Clinton Fearon. Produit avec soin, l’album met en avant la voix tout-terrain de Lëk Sèn, grave et légèrement voilée, à l’aise sur l’instru kora dub saturée de Rogg I Jah, la basse sautillante de Maney ou la fragilité folk d’un Randul. Mais l’autre force du rastaman sénégalais, c’est cette hargne, qui le pousse depuis toujours à chanter pour trouver une façon (enfin) d’exister.

 

Perpétuel indigné, Lëk Sën s’emporte contre à peu près tout en interview, fustige tout à trac la religion, la mentalité sénégalaise, la non éducation de la jeunesse, la révolution qui tarde à se faire, le mbalax, des reggaemen africains connus et reconnus… Gratuit ? Devant un micro, Lëk Sèn lâche la pression et même si ses textes n’ont rien de révolutionnaire (la paix, l’amour, la foi, l’enfance), c’est cette énergie brute, essentielle, précieuse qui traverse le disque. Le rebelle n’est pas retourné depuis plusieurs années au Sénégal. La dernière fois qu’il y avait mis les pieds, il avait pris son étrangeté en pleine figure. Il dit seulement : "où que je sois, je heureux quand je chante. C’est la musique qui me sauve, you know". En anglais ou en wolof, Lëk Sèn est un rude boy radical.

 

RFI

 

 

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