Trois artistes, trois trajectoires, une seule scène
Le doyen Cheick Amadou Tidiane Seck dit ‘’Cheick Tidiane Seck’’, Paco Séry et le cadet Alune Wade sont les trois grands artistes qui ont animé la scène du 368°. Il s’agit d’un projet mis sur pied par le promoteur Sacou Ndiaye de Zénith Productions et l’Institut français du Sénégal.
Il fait ses premiers pas en 1970 au sein de l'illustre Super Rail Band de Bamako où il côtoie Salif Keita et Mory Kanté. C’est d’ailleurs avec Salif Keita et les Ambassadeurs qu'il arrive à Paris en 1985, avant de devenir un pianiste adulé qui joue avec Wayne Shorter, Carlos Santana ou Randy Weston. Lui, c’est Cheick Tidiane Seck.
C’est en 1995 que ‘’Le Guerrier’’ s’est fait un nom grâce au chef-d’œuvre éternel ‘’Sarala’’, un mélange de jazz et de musique traditionnelle mandingue, coréalisé avec Hank Jones. Compositeur émérite, arrangeur hors pair, chanteur, organiste et pianiste, M. Seck sort enfin, en 2003, son premier album solo, ‘’Mandingroove’’. Ce disque est composé de titres enregistrés entre 1999 et 2003, de Paris à New York, en passant par Los Angeles. Il brille alors qu’il pourrait sonner comme une compilation disparate.
En effet, les morceaux ont été longuement joués sur scène par un groupe de musiciens qu’il dirige depuis longtemps. En 2008, Cheick Tidiane Seck sort ‘’Sabaly’’ où défilent les collaborations avec Dee Dee Bridgewater ou encore Sory Bamba. Le doyen donne des ailes aux jeunes artistes tels qu’Oumou Sangaré, Kassé Mady Diabaté et Sory Bamba, en faisant la production et l’arrangement de leurs disques.
Véritable rassembleur, il fédère autour de lui toute une bande qui le suit pour jouer aussi bien dans un club que sur une grande scène. En 2003, alors que le Mali est confronté à une crise identitaire majeure, Cheick Tidiane Seck sort ‘’Guerrier’’, pour se dresser tel un rempart contre l'obscurantisme et la bêtise humaine.
La musique de Cheick Tidiane Seck fusionne des styles. C’est une musique pour l’âme et pour le plaisir. Elle est mouvante et dansante. C’est pour cela qu’elle peut être bien accueillie aussi bien par un public mûr, mature que par un public jeune. Devant la presse sénégalaise, il a expliqué que toutes les musiques sont liées : ‘’Les roots se sont inspirés du jazz. Et dans Brooklyn Academy of Music, il n’y a pas de frontières. Au contraire, les gars du hip-hop s’inspirent de cette modernité du jazz.’’
S’il est de toutes les aventures musicales, (du jazz aux musiques d’Afrique, d'Inde, en passant par le groove international ou la pop française et le hip-hop), Cheick Tidiane Seck refuse que sa musique soit estampillée par ce qualificatif sans vraiment de sens au fond, ‘’Musique du monde’’. Sinon, il renonce à son statut de jazzman. ‘’Moi qui suis de l’Afrique de l’Ouest, j’enseigne les rapports entre les musiques d’Afrique de l’Ouest et le jazz. Je montre les accents de l’histoire de la musique africaine avec les canevas qui construisent les high-life’’.
Paco Séry, le batteur de jazz
Ainsi, il a mille raisons d’être sur la scène du 368° et de faire rencontrer ses notes de piano à celles de la batterie de Paco Séry. Considéré comme l’un des meilleurs batteurs de jazz au monde, il est né le 1er mai 1956 à Divo, en Côte d’Ivoire. Il est auteur-compositeur, joueur de sanza, percussionniste et interprète. Il a tourné pendant 7 ans avec Eddy Louis, pianiste français qu’il a rencontré en 1980 et qui est devenu son mentor. Respecté grâce à sa captivante technique de jeu, le batteur travaille avec des artistes de renom tels que Papa Wemba, Marvin Gaye, Dee Dee Bridgewater, Bobby McFerrin, Nina Simone, Jaco Pastorius, Eddy Louiss, Charlélie Couture, Wayne Shorter, Ray Lema, Salif Keïta, Kassav’, Claude Nougaro, Daara J, Angélique Kidjo, etc. Sur cette longue liste non-exhaustive, s’ajoute Cheikh Tidiane Seck.
Ainsi, 368° ne serait que le prolongement d’une longue collaboration. Aussi, comme Seck, Paco Séry s’inspire des diverses techniques de jeu de percussions et musiques africaines comme le ziglibithy, le zouglou, le coupé-décalé et le gnama-gnama ivoiriens, le mbalax sénégalais, la rumba congolaise, le makossa camerounais, la musique mandingue, les chants pygmées ou encore les rythmiques caribéennes (zouk, salsa, steeldrum, reggae) et noires américaines (jazz, blues, funk, soul, rhythm’n blues, pop) pour proposer des compositions.
Paco Séry a participé à l’enregistrement de cinq opus de Joe Zawinul & Zawinul Syndicate, obtenant deux Grammy Awards : Meilleur album World Music en 1996 pour ‘’My People’’ et Meilleur album jazz contemporain en 2010 pour ‘’75th’’. C’est en 2000 que Paco Séry enregistre un album solo personnel intitulé ‘’Voyages’’. Cette production est un afro-jazz–afro-fusion aux parfums funk. Angélique Kidjo y a apporté sa partition dans ‘’Dialogue’’, un titre aux couleurs funk-rock. Et Cheb Aïssa a joué dans ‘’Maghreb’’, un mélange de rap et de mélodies arabes dont le raï. Puis, en 2012, il sort son deuxième album solo, ‘’The Real Life’’.
Alune Wade, l’enfant de la musique
De collaboration en collaboration, Paco Séry a rencontré Alune Wade. Ce dernier n’a pas encore l’expérience de Cheik Tidiane Seck et de Séry, parce qu'étant plus jeune. Mais il a une carrière époustouflante. Bassiste, auteur, compositeur, interprète et producteur sénégalais, Alune Wade est né à Dakar. Ayant un père qui dirigeait l’orchestre symphonique de l’armée sénégalaise, il apprend, dès sa tendre enfance (6 ans), la basse, le piano et le solfège. Auprès de sa mère, il prend goût aux rythmes du mbalax, de la musique mandingue et de la variété française. Il a également bénéficié des conseils de Samba Laobé Ndiaye, ancien bassiste d’Ismaël Lô.
Ainsi, à 18 ans, Alune Wade prend la place du bassiste qui a succédé à Samba dans le groupe d’Ismaël Lô. Il a aussi joué avec d’autres ténors comme Youssou Ndour, Bobby McFerrin, Joe Zawinul, Aziz Sahmaoui, Fatoumata Diawara, Blick Bassy, Naïssam Jalal, etc.
Comme Cheik Tidiane Seck avec qui il s’est déjà produit, Alune Wade refuse de voir sa musique être catalogué dans un quelconque genre. ‘’… Il y aura toujours de l’Afrique en moi, mais je ne fais pas de la musique africaine ou du jazz. Je fais de la musique équitable, pour tout le monde. La musique de 2018, de la mondialisation’’, précisait l’artiste sénégalais qui a l’opportunité de faire de belles rencontres avec des musiciens de tous horizons. En 2015, ‘’Boy Marcus’’ enregistre avec son idole de jeunesse, l’énormissime Marcus Miller, pour son album ’’Afrodeezia’’. Réalisé avec le pianiste cubain Harold Lopez-Nussa, ‘’Havana Paris Dacka’’ s’en est suivi. C’est un produit dans lequel Alune Wade reprend certains standards africains en version cubaine. L’artiste a également sorti d’autres albums comme ‘’Mbolo’’, ‘’Ayo Néné’’, ‘’African Fast Food’’.
BABACAR SY SEYE