Publié le 24 Jan 2014 - 11:32
LIBRE PAROLE

La Guinée-Bissau, un pays sans repères  

 

C’est avec beaucoup d’intérêt que nous avons lu, dans les colonnes d'EnQuête, votre article du 17 janvier 2014 sur la Guinée-Bissau. Votre travail nous a inspiré la contribution ci-dessous.

Le peuple de la Guinée-Bissau est le seul, en Afrique de l’Ouest, à s’être saigné, arme au poing, pour se libérer du joug colonial. Il avait placé beaucoup d’espoir sur son indépendance pour se mettre debout et faire face à son avenir avec sérénité.

Après le départ du colon, ce doux rêve s’est rapidement mué en un cauchemar qui, malheureusement, s’étire encore de nos jours. Car la souveraineté du peuple a tout simplement été confisquée par ceux qui avaient pris les armes pour la lui rendre. Conclusion : la déception est à la dimension de l’espoir.

Il ne sert à rien de s’autoglorifier continuellement du passé. Aucun peuple, dans ce monde en perpétuelle mutation, n’a le temps de s’occuper d’un passé qui ne fait pas avancer. Ce triomphalisme, fut-il d’une guerre de libération nationale, est à ranger une fois pour toutes dans les archives de l’Histoire.

«Il ne suffit pas de se soustraire au contrôle d’une nation, encore faudrait-il être capable d’en forger une pour soi-même», dit Barack Obama. Ces propos, à notre avis, devraient figurer dans le préambule de la Constitutions de notre pays.

La Guinée-Bissau est devenue un pays sans repères. On pourrait la comparer à un bateau ivre, qui tangue en haute mer, avec ses successifs timoniers, eux-mêmes ivres morts. Or, pour ceux qui ne savent où aller, il n’y a point de vents favorables. Ce n’est que lapalissade de dire que ce pays n’a plus d’Etat.

Il se trouve dans une situation où, parce que tout est à l’envers, il est impossible d’appliquer la loi, de consolider la paix et la démocratie, qui n’est pas à confondre avec un simple multipartisme de façade.

Au mépris de l’importance et des bienfaits de la consultation populaire au niveau local, la Guinée-Bissau est probablement le seul pays au monde, où aucune élection municipale n’a jamais été réalisée.

Bien que dotées de ressources naturelles et humaines de qualité, les régions et les secteurs n’ont pas le dynamisme qui leur est indispensable pour leur propre épanouissement. Ils sont incapables de tisser des relations soutenues avec l’extérieur et de faire émerger une coopération internationale décentralisée.

Les gouverneurs et les administrateurs ne sont nommés que dans le cadre d’une redistribution clientéliste de l’emploi. La feuille de route de ces missi dominici ne consiste qu’à dilapider des terres et a collecter des taxes imposées aux pauvres citoyens pourtant abandonnés à leur propre sort.

Le produit de ces taxes, qui n’est soumis à aucune règle de comptabilité, ne sert qu’à résoudre des problèmes autres que ceux des populations des localités qu’ils sont supposés administrer. C’est dire que l’administration est complètement désarticulée. Le gouvernement central ne se préoccupe même pas de la diaspora.

En pourtant, bien que vivant physiquement loin de leur territoire natal, les émigrés restent toujours proches des problèmes de leurs compatriotes. Leur contribution financière est incontournable dans la stabilité de milliers de familles et, de ce fait, participe pleinement au développement du pays.

Pour rétablir la concorde nationale, nous pensons qu’il faut des assises du même qualificatif, qui regrouperaient les Forces militaires et paramilitaires, la Société civile, les communautés religieuses révélées et traditionnelles, les partis politiques, la diaspora, etc., pour faire un diagnostic élargi et sérieux des maux qui rongent notre pays.

Les Bissau-guinéens doivent savoir qui fait quoi et quelles sont les limites de chacun, ce qui impose, entre autres, une redistribution effective et plus démocratique du pouvoir par le biais de la décentralisation.

Autrement dit, il ne s’agit pas seulement, par des acrobaties juridiques, de revoir les prérogatives des institutions qui se situent au sommet pour renforcer l’une au détriment de l’autre. Toute crise exige un moment d’arrêt et de réflexion, pour éviter que les mêmes erreurs ne se reproduisent. «Pour s’entendre, il faut d’abord savoir ce qui nous divise», disait Lénine. (A SUIVRE)

José Catengul Mendes

Président du Fling (Front de lutte pour l'indépendance nationale de la Guinée Bissau)

Pikine, le 22 janvier 2014.

 

 

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